jeudi 24 novembre 2011

Récit de voyage a Venise du 21 au 28 juin 2011

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Lundi 20. Départ

Austerlitz, 19 h 00. Arrivés par le train en provenance de Blois, nous gagnons, en bus, la gare de Paris-Bercy où une foule de voyageurs occupe le hall. Visages soucieux, tous lisent le message défilant en continu au-dessus du panneau des horaires de départs : le train Paris-Rome arrivera à Rome avec un retard de trois heures en raison d’un incendie survenu dans le tunnel du Simplon, en Suisse. Heureusement que nous allons à Venise !


Le train est en gare et des agents italiens accueillent les voyageurs devant chaque voiture. La nôtre se situe au milieu du train. Nous avons retenu deux couchettes dans un compartiment pour quatre personnes. Avec qui allons-nous voyager ?
La femme et l’homme âgé qui partagent notre compartiment sont très sympathiques. Ils connaissent bien Venise et s’y rendent, cette fois-ci, pour faire une excursion sur le Pô.
Le train part à 20 h 33. Nous discutons tous les quatre pendant deux bonnes heures en attendant que quelqu’un vienne déplier les couchettes, comme dans le train de Barcelone. Ne voyant venir personne, nous nous débrouillons seuls. Ma femme et moi prenons les couchettes du haut. Nous somnolons plus que nous dormons et rouvrons l’œil à chaque ralentissement. Tard dans la nuit, le train s’arrête, on ne sait où, recule, change d’aiguillage, s’arrête à nouveau un long moment. Il repart enfin, très lentement. Je m’étais presque endormi.






Mardi 21 juin. 1er jour

Le train de nuit ne s’arrête plus, il roule. Je finis par trouver le sommeil sur le matin et il fait grand jour lorsque je me réveille. Nos compagnons de voyage sont sortis dans le couloir, ma femme est réveillée. Nous nous habillons puis gagnons le cabinet de toilette (infect !)

Il est près de huit heures. Nous sommes donc entre Milan et Venise puisque le train doit y arriver à 9 h 34. En repliant la couchette du bas, j’arrache l’accoudoir ! Je le remets en place comme je peux. Ma femme trouve le train vétuste et juge qu’il doit être largement amorti.
Nous discutons avec nos compagnons de voyage tout en suivant le paysage par la fenêtre. Des rizières défilent à n’en plus finir. L’homme âgé s’étonne d’en trouver ici, car il avait l’habitude d’en voir, bien avant, entre Turin et Milan, lorsqu’il effectuait ce parcours en voiture. N’étant jamais venu en train, il pense que la route passe beaucoup plus loin. Le train s’arrête dans une ville inconnue. Des drapeaux italiens sont aux fenêtres. Y a-t-il une fête ?

Puis c’est la mauvaise surprise. Nous n’entrons pas en gare, de Mestre (Venise sur le continent) mais en gare de Milan ! Nous avons trois heures de retard ! Pour traverser les Alpes, notre convoi a donc emprunté le même trajet que le train de Rome…

Photo Groume Flickr

Il était convenu avec la propriétaire de l’appartement qu’elle nous attende à 9 h 45 au vaporetto, Zaccaria ; jamais nous n’y serons ! Ayant son portable, nous la prévenons de notre retard et elle propose de la rappeler dès notre arrivée à Santa Lucia (gare de Venise)
Inutile de préciser que plus aucune rizière n’apparaît dans le paysage, après Milan ! Le train s’arrête à Brescia (où nous apercevons l’extrémité de l’immense lac de Garde) Vérone, Padoue, Mestre, enfin ! Il est 12 h 10.

Il fait beau, mais la ville paraît triste. Les grues du port se découpent à contre-jour au-dessus des maisons. Reparti de Mestre, le train emprunte aussitôt le pont sur la lagune. 

Malheureusement, la vue est gâchée par le grand complexe pétrochimique de Porto Marghera, à droite. C’est un peu comme si la raffinerie de Donges se trouvait face au mont Saint-Michel plutôt qu’abritée dans l’estuaire de la Loire. Heureusement, Venise est loin dans la lagune. Lorsque nous y arrivons, nous ne voyons presque plus le continent.

Santa Lucia, 12 h 35 au lieu de 9 h 34. Après avoir été baladés d’un guichet à l’autre dans le hall, nous trouvons celui où nous avions réservé un pass vaporetto pour la semaine. Il se trouve, en fait, à l’extérieur sur l’esplanade bordant le Grand Canal.

Photo Richard Flickr

Le vaporetto partant à gauche descend le Grand Canal. Il y a une queue monstre ! Celui de droite (ligne 42) sort directement sur la lagune au niveau du port et arrive beaucoup plus rapidement à Zaccaria. Nous prenons celui-là.
Si la queue est moins importante, le vaporetto est quand même bondé au départ. Après 17 h 30 de train, je suis trop fatigué pour apprécier réellement le somptueux paysage entre le quartier du Dorsoduro et l’île de la Guidecca.


Vu les nombreux arrêts sur cette île, Ma femme craint que nous ayons pris le mauvais bateau et que celui-ci se dirige vers le Lido. J’ai beau être sûr d’avoir vu le n° 42 inscrit sur sa coque, la fatigue me fait douter, je suis inquiet moi aussi. C’est le bon vaporetto ! Après le dernier arrêt sur Guidecca, il traverse la lagune en direction de san Marco et s’arrête, juste après le palais des Doges, à Zaccaria.

Photo Footage flickr
La propriétaire nous ayant envoyé sa photo par courriel, nous l’identifions tout de suite. Il fait très chaud. 
À cet endroit, le quai est large et beaucoup de touristes s’y pressent. Le fameux hôtel Danieli se trouve juste à notre gauche avant le palais des Doges. La foule se dirige dans cette direction pour apercevoir le pont des Soupirs, un peu plus loin.

Photo B Nicolas
La propriétaire parle parfaitement le français qu’elle enseigne au lycée de Mestre. Elle nous entraîne vers un immeuble bordant le quai. Étonné, surtout fatigué, je me dis qu’il y a peut-être des papiers à remplir dans un bureau quelconque situé là… Mais non ! C’est un raccourci. Nous passons sous le vieil immeuble et débouchons dans un dédale de ruelles devenant de plus en plus calmes au fur et à mesure que nous nous éloignons du quai.
Son appartement est à 10 minutes à pied. Je profite peu du cadre, car en plus de la fatigue, je tire la valise sur les pavés des ruelles ou la porte pour franchir chaque pont. Le parcours du combattant ! Ma femme aussi est chargée avec le sac à dos et la mallette d’ordinateur. Heureusement, le trajet est court.

Photo B Nicolas

La rue que nous remontons maintenant longe le rio della Piéta et s’arrête face à un mur sous une série d’arcades. À droite, un pont franchit le rio, nous sommes presque arrivés. Avant de le franchir, la propriétaire nous indique une porte verte, sous les arcades, une épicerie se trouve là. « Disposer d’une épicerie aussi près de chez soi est un luxe à Venise », assure-t-elle. Nous allons le vérifier chaque jour en voyant les habitants pousser leur chariot de provision à roulettes, et les plus âgés se faire aider pour franchir les ponts.

De nombreux rios ne sont accessibles qu’en bateaux. D’autres ont une rue nommée Fondamenta, sur l’un des côtés, comme celle au bout de laquelle nous arrivons.
De l’autre côté du pont il n’y a donc pas de rue, mais un large porche, sous l’immeuble en bordure du rio. Après avoir descendu quelques marches sous ce porche, nous débouchons sur une impasse : Corte Nuova. L’appartement se trouve au fond, à droite dans un bâtiment de deux étages. Quel calme !

Photo B Nicolas


Le hall d’entrée est assez grand, l’escalier très étroit. Un dernier effort pour porter la valise au 1er ! La porte de l’appartement ouvre sur le séjour. Côté gauche, deux fenêtres donnant sur l’impasse encadrent un canapé et une table basse, en verre, posée sur un tapis. À droite de l’entrée, la salle de bains et les toilettes sont séparées du salon par deux portes successives, coulissantes. Immédiatement après ces portes coulissantes, face au canapé, se dresse une grande penderie avec une niche recevant : écran plat, livres et documentation sur Venise. Sous la niche, deux grands tiroirs permettent de ranger pas mal de linge. Après le meuble-penderie, la pièce forme un angle aménagé en cuisine. Une table ronde avec des chaises en cuir est placée contre le mur du fond entre coin-cuisine et séjour.
À gauche de la porte d’entrée se trouve celle de la chambre dont les deux fenêtres donnent également sur l’impasse.

La propriétaire nous fait quelques recommandations avant de nous quitter. Elle a laissé sur la table une bouteille de Proseco (pétillant local), et un sachet de ces petits biscuits que nous verrons partout dans les magasins à Venise. 
Il est treize heures trente. Bien que fatigués, nous avons faim. Nos affaires rangées, nous descendons faire quelques courses à l’épicerie. Traverser le pont sans valise… un vrai bonheur ! 
Sous les arcades, l’épicerie n’a ni vitrine ni enseigne, seule la porte verte, grande ouverte, révèle les rayonnages intérieurs.
L’équivalent vénitien de notre administration des monuments historiques s’oppose sans doute au percement de larges vitrines ou à la pose d’enseignes sur ces maisons anciennes. Très profond, le magasin est finalement assez grand et très bien achalandé. Paniers et caddies attendent, à l’entrée, près des deux caisses enregistreuses.


Quelques précisions sur Venise.

Tout le monde dit Venise et non pas l’île de Venise. Cela s'explique par le fait que Venise se compose de plusieurs dizaines d’îlots séparés par des rios. Ces îlots sont divisés en quartiers. Venise possède six grands quartiers et quelques sous-quartiers reliés par quatre cents ponts.
L’île de Murano, tout proche, est aussi composée de plusieurs îlots, idem pour les îles de Burano et Torcello.

Au niveau administratif, ça se complique. Venise se compose de toutes les iles de la lagune, ainsi que du sud de la ville de Mestre sur le continent. Si Venise proprement dite possède 60 000 habitants. La Commune de Venise en comprend 270 000.



Après déjeuner, après une petite sieste et une bonne douche, nous quittons l’appartement, munis du Guide du Routard 2011.
Au milieu de notre impasse se dresse un puits fermé. Nous découvrirons qu’il y en a partout dans Venise. Il s’agissait de réserves d’eau d’une profondeur pouvant atteindre 5 à 6 mètres, seul moyen, autrefois, pour alimenter la ville en eau potable.


Photo B Nicolas


Sous le porche étroit d’un immeuble de notre ruelle se trouve une niche avec une vierge. Un rebord permettait d’y déposer des bougies puis une ampoule électrique y a été installée. Elle ne fonctionne plus depuis longtemps. En avançant sous ce porche, nous constatons qu’il débouche sur un minuscule couloir pavé. Puis nous réalisons qu’il ne s’agit pas d’un couloir mais d’une ruelle, laquelle communique avec d’autres ruelles débouchant sur une rue avec des magasins. Notre impasse n’en est pas une ; c’est une ruelle communiquant avec les autres par deux porches d’immeubles. Un vrai labyrinthe ! Il faudra se faire à l’idée qu’ici, une rue ne fasse qu’un mètre de large !

Le quartier où nous habitons se nomme Castello. Il y a peu de monde, encore moins de touristes dans ces petites ruelles.

Nous arrivons sur un campo devant l’église san Francisco della Vigna. La façade est de Palladio. (Impossible de ne pas retenir ce nom d’architecte, omniprésent à Venise) L’intérieur est intéressant, sans plus. Une porte ouverte du bas-côté nous attire vers une chapelle située de l’autre côté d’un couloir aux dalles polies, satinées, usées à force d’y marcher. Ce couloir conduit à un cloitre qui nous séduit par son harmonie et sa simplicité.

Photo B Nicolas



Depuis notre sortie de l’appartement, le calme ambiant nous surprend. 

Que c’est agréable ! Presque aucun bruit ne nous parvient. Est-ce dû, uniquement, à l’absence de voitures ? 
Nous poursuivons notre promenade au hasard des ruelles et, malgré le plan détaillé, débouchons, côté arsenal, à l’opposé de l’endroit où nous pensions aller. Les quais du nord sont tout proches. Nous les rejoignons et remontons le Fondamenta Nuove vers l’ouest.
Dans la lagune, l’île saint Michel (cimetière de Venise) et l’île de Murano, semblent toutes proches. Poursuivant sur le quai, nous arrivons à une station de bateaux ambulance avec gyrophares. Dans l’un d’eux, une équipe se tient prête à intervenir.


Photo B Nicolas

À l’extrémité ouest du Castello, nous franchissons le large rio dei Mendicanti et passons dans le quartier du Cannarégio. C’est là que se trouve la station de bateau Alilaguna effectuant la navette entre Venise et l’aéroport Marco Polo, sur le continent. Ayant prévu un retour en avion, nous prenons quelques renseignements et sommes heureux de constater qu’il y a un départ toutes les heures.

Revenant sur nos pas, nous franchissons à nouveau le rio séparant les deux quartiers puis descendons le long de l’hôpital. Une passerelle en bois enjambe un bras étroit du rio dei Mendicanti, lequel s'enfonce sous un passage voûte de l'hôpital. Il s'agit d'un accès de type SAMU car des bateaux ambulances sont à quai de chaque côté.
Cela surprend ; je n'avais jamais envisagé, en ville le transport des malades par bateau !

B Nicolas
P Nicolas














La façade de l’hôpital ressemble à celle d’une église vénitienne ; elle donne sur le campo san Giovanni et Paulo, place paisible avec son inévitable puits fermé, quelques terrasses de café, et un marchand de glace ! Je choisis un cornet à deux boules, café/nougat, prenant soin de le tenir avec la serviette en papier que l'on me tend pour ne pas me tacher. Raté ! 
Comment m’y suis-je pris ?  Mystère. Une grosse tâche orne ma braguette. Je termine le trajet en la dissimulant avec le Guide du Routard. Une fois à la maison je nettoie mon pantalon puis cherche un endroit où l’étendre. Je dois avoir l’air empoté, car ma femme me le prend des mains et, en bonne Italienne, se penche à la fenêtre pour le suspendre aux fils coulissant d’une maison à l’autre. Aurait-elle été Vénitienne dans une autre vie ?


Les fenêtres de l’appartement d’en face sont grandes ouvertes. Si notre appartement est loué chaque semaine, ceux d’en face ne doivent jamais apercevoir les mêmes têtes et je trouve cela cocasse. Un spectacle peut-être plus intéressant que la télé de Berlusconi…

Installés dans le canapé, fenêtres grandes ouvertes, nous transférons les photos de l’après-midi sur l’ordinateur quand le son d’une clarinette rompt le silence. Cela vient de l’immeuble en vis à vis, mais pas de l’appartement d’en face. La mélodie vient de celui du second aux fenêtres également grandes ouvertes. Un fin maillage protège ses ouvertures. S’il arrête les moustiques, il laisse passer la musique ! La mélodie est très agréable.


Les photos une fois enregistrées, nous ouvrons la bouteille de Prosecco. Le goût est inattendu, un peu amer, j’aime moyen. Une recherche Internet m’apprendra que Prosecco est le nom d’un cépage. On le cultive au nord de Venise, dans les collines de la province de Trévise entre les villes de Conegliano, Valdobbiadene et Cartizze. Seul le Prosecco de Cartizze est élaboré selon la Méthode traditionnelle, les autres, élaborés en cuve close, sont de simples mousseux.

Nous avons eu tort de dormir les fenêtres ouvertes ! De tout petits moustiques, friands de viande française bio, m’ont obligé à me relever en pleine nuit pour les fermer.




Mercredi 22 juin. 2e jour

À 9 h 30, nous partons au marché qui se tient, chaque jour au bord du grand Canal, de l’autre côté du pont du Rialto. Une fois en route, nous ne résistons pas à l’envie de faire un détour par la place Saint-Marc, l’une des plus célèbres au monde.
Photo B Nicolas

San Marco est à la fois le nom du quartier, le nom de la place, et le nom de la basilique dédiée à ce saint dont le corps momifié avait été volé de façon rocambolesque en 828, à Alexandrie, par deux marchands vénitiens.
Piazza san Marco est la seule place de Venise à se nommer piazza ; toutes les autres portent le nom de campo. Le palais des Doges jouxte la basilique qui était à l’origine la chapelle du Doge. Face à eux : le campanile puis les Procuratie, long bâtiment abritant plusieurs Musées qui cerne la place sur trois côtés.

Photo Flick.fr
L’accès principal à la place Saint-Marc se situe au sud, par le quai, entre l’extrémité des Procuratie et le palais des Doges. On y accède aussi par une série de ruelles invisibles débouchant discrètement sous les arcades des Procuratie, côtés nord et ouest.

La Piazza san Marco étant le point le plus bas de Venise, la lagune l’envahit à chaque forte marée. Ces périodes d’acqua alta nécessitent la mise en place de passerelles démontables pour que les touristes puissent y accéder. Les fortes marées touchent d’autres quartiers et je ne serais pas surpris que Venise soit la ville d’Europe possédant le plus grand nombre de paires de bottes par maison !

Malgré le chantier entourant le pied du campanile, la place est si belle que nous y restons plus d’une heure. Sous l’un des cinq porches en façade de la basilique, nous admirons la seule mosaïque d’origine de l’édifice (milieu du XIIIe) située dans la lunette du dernier portail à gauche. Elle représente l’arrivée du corps de saint Marc à Venise.
Photo B Nicolas

Nous effectuons un tour de la place sous les larges arcades abritant des boutiques de luxe. Les prix affichés aux vitrines expliquent sans doute pourquoi il y a plus de monde en plein soleil sur la place que dans ces magasins climatisés.

                                                Café Florian                    Photo B Nicolas
Nous passons devant les deux grands cafés de Venise : Gran caffé Quadri, côté nord de la place, et le mythique Florian, juste en face, où un groupe de musiciens se produit lorsque nous passons. Il est près de onze heures quand nous nous arrachons à la magie du lieu pour filer au marché.
Le trajet entre la piazza san Marco et le ponte Rialto est enfantin ; l’itinéraire est fléché en jaune sur les murs des ruelles. Problème, tout de même, nous ignorions qu’il s’agit de l’axe touristique majeur de la ville ; des milliers de touristes s’y engouffrent chaque jour, photographiant avec frénésie, même les vitrines !
Photo Cochonou Flickr
Comment sortir d’un tel piège ? Ni l’un ni l’autre n’avons de bouée ! Le flot multilingue nous abandonne bientôt au pied du fameux pont en haut duquel les gens se précipitent pour photographier le Canal Grande. Il ne reste plus qu’à franchir ce rideau de paparazzi pour redescendre de l’autre côté du pont.



Le marché du Rialto est paisible, très coloré, un vrai bonheur. Bien qu’il y ait du monde, nous ne sommes pas au milieu d’un flot de touristes pressés, ici, les gens effectuent tranquillement leurs courses.
Des étals de poissons côtoient ceux de fruits et légumes, certains vendeurs chantent, d’autres blaguent avec les passants. Rien à voir avec le marché de la Boqueria, à Barcelone, spectaculaire, chic, très urbain où les fruits sont alignés au cordeau. Ici, l’ambiance évoque davantage celle d’un marché de campagne. Très agréable !


B Nicolas

Nous choisissons l’étal d’une agricultrice affichant la quarantaine et un sourire engageant. Elle a la peau hâlée des personnes qui travaillent en plein air. Ne connaissant pas un mot d’italien nous lui montrons les melons en faisant le chiffre 2. Elle nous adresse un petit sourire et dit dans un français impeccable : deux melons ? C’est pour manger aujourd’hui ?... Ceux-là seront parfaits. Il vous faut autre chose ?... Et sans accent !

Nous lirons dans l’un de nos guides que beaucoup d’Italiens parlent français, les enfants l’apprennent, très tôt, à l’école. Ce guide dit aussi qu’en Italie on ne touche pas les fruits avec les mains, c’est très mal vu. Des panneaux le rappellent d’ailleurs à plusieurs reprises (aux Français ?)
Les étals de poisson sont si tentants que nous achetons deux tranches d’espadon.

Je suis frappé par la circulation intense du Grand Canal. Les vaporettos y naviguent toute la journée, s’arrêtant, tantôt rive droite, tantôt rive gauche, coupant la circulation aux autres embarcations. 

B Nicolas

Il y a ensuite les bateaux faisant office de taxi qui louvoient entre les petites embarcations pour déposer leurs clients, ici et là. Et il y a les gondoles, plus lentes.
Le matin, il y a aussi les bateaux de livraisons sur lesquels s’entassent toutes sortes de produits. Et comme il n’y a pas assez de monde, ajoutons les petits bateaux privés qui se faufilent entre les autres embarcations. En début de matinée, toute la vie vénitienne semble concentrée sur le Grand Canal.

Photo B Nicolas
Aux accostages, j’observe avec intérêt l’habileté des employés (garçons et filles) pour attraper le bollard du ponton avec leur cordage. 

Photo Guillaumeo Flickr

Ils l’enroulent aussitôt au bollard du vaporetto en le croisant ce qui évite de faire un nœud. Le cordage se tend en émettant un grincement sinistre. Dompté, le vaporetto se range contre le ponton. L’employé (le marin ?) fait alors coulisser la partie amovible du bastingage pour que le public puisse sortir avant que d’autres y montent.
Dès qu’une personne âgée se présente, l’employé lui prend le bras, l’aide à monter ou descendre, tout en bavardant, et lui portant son sac. Idem pour les femmes enceintes ou les personnes ayant un bébé en poussette.

Photo B Nicolas

Le Grand Canal est beaucoup plus calme l’après-midi, la majorité des bateaux de livraison étant repartis vers le continent.


À Zaccaria, nous devons, comme hier, nous frayer un chemin entre les touristes pour gagner le porche d’immeuble accédant aux ruelles du Castello
Attirés par la somptueuse façade du palais des Doges, impatients de voir le pont des Soupirs, très peu de visiteurs remarquent ce vieux porche qui me fait l’effet d’une porte magique: il suffit de la franchir pour retrouver silence et sérénité.

Photo B Nicolas

Le melon était extra, comme l’espadon cuit à l’huile d’olive. Après une brève sieste, nous reprenons le vaporetto puis descendons à l’arrêt Accadémia pour visiter le Musée du même nom. Situé au bord du Grand Canal, dans le quartier du Dorsoduro, il accueille une collection impressionnante de tableaux couvrant la vaste période du XIVe au XVIIIe. Certaines salles disposent de chaises, ce qui permet de se reposer en contemplant les œuvres. Interdiction de prendre des photos. Le sol d’une des salles nous procure une sensation étrange en marchant ; il est ondulé ! Est-ce dû à l’effondrement de pieux soutenant l’édifice ?
Bien que certaines pièces soient fermées pour travaux, nous apprécions beaucoup la visite. En sortant, nos jambes sont lourdes d’avoir longtemps stationné devant les tableaux ; nous les dérouillons dans les ruelles du quartier. 
B Nicolas
Arrivés sur le quai au bord de la lagune, nous décidons de boire un verre à une terrasse de café aménagée juste au bord du canal, face à l’île de la Guidecca.  Il fait très chaud, mais un vent léger, permanent, rend cette chaleur supportable.


Reposés, nous descendons le quai jusqu’à la pointe de la douane. Le bâtiment de l’ancienne douane de mer, occupait, ici, un emplacement stratégique à Venise. 
Il a été restauré par un architecte japonais et abrite le Centre d’Art contemporain de la Fondation F. Pinault. Il complète ainsi ses collections déjà exposées au palazzio Grassi
L’extrémité de la pointe, nous offre un panorama grandiose sur Venise : l’entrée de la place Saint-Marc et le palais des Doges, à gauche, les jardins de la Biennale, en face, la pointe de la Guidecca et l’îlot san Giorgio Maggiore, à droite. La sculpture contemporaine Boy with frog trônant à cette extrémité du Dorsoduro,  me fait penser  à la figure de proue d’un navire. 
Photo P Nicolas
Elle représente un jeune garçon, nu, tenant une grenouille par une patte. Cette sculpture de plus de deux mètres de haut, en marbre de Carrare, est du sculpteur américain, Charles Ray (ne pas confondre avec Ray Charles, ça fait crétin) Elle a été installée, ici, pour l’inauguration du Centre d’art contemporain, en juin 2009.

Photo B Nicolas
Nous remontons sur une centaine de mètres, côté Grand Canal, jusqu’à l’arrêt de vaporetto de La SaluteCette église impressionnante a été construite au XVIIe suite à une épidémie de peste.



Le bateau traverse et dépose successivement ses passagers aux pontons de san Marco puis de Zaccaria

Il faut, à nouveau, franchir la foule pour gagner le porche magique. Comment se fait-il que parmi cette foule arpentant les quais si peu ont la curiosité de s’avancer sous ce passage ?...
Marcher tranquillement dans les ruelles si calmes du Castello, procure l’agréable sensation que la fatigue se dissipe.



À la nuit tombée, nous effectuons une promenade nocturne dans Venise.

Photo Kim Valmer Flickr
 La place Saint-Marc, illuminée de soleil et noire de monde en journée, adopte la quiétude des ruelles du Castello. L’éclairage des monuments enveloppe les visiteurs. La foule, beaucoup moins dense, éparpillée sur ce vaste espace, se compose de couples, de familles avec enfants, je ne remarque aucun groupe guidé. Des vendeurs à la sauvette, pakistanais, proposent de petits jouets fluorescents qui, lancés haut en l’air avec un élastique, retombent lentement. Quelques personnes se laissent tenter.
Au Florian, comme au Gran caffé Quadri, un petit orchestre joue sur une estrade pour le bonheur des consommateurs assis en terrasse. Au Gran caffé Quadri, l’orchestre accompagne une chanteuse à la voix chaude qui captive les consommateurs. Quand elle s’arrête de chanter des applaudissent crépitent.

De nuit, l’ambiance est radicalement différente de celle, en journée. Si les éclairages effacent certains détails d’architecture de la basilique et des Procuratie, ils donnent au site une homogénéité plus grande encore. On s’y sent merveilleusement bien et cela se voit dans le comportement des visiteurs qui flânent, détendus, prenant tout leur temps.
Photo Setaou Flickr












Difficile de s’arracher à la magie du  lieu ! Après un petit tour sous les arcades pour admirer de belles œuvres de verre au prix prohibitif nous empruntons l’une des ruelles s’enfonçant dans le quartier san Marco. Ayant le plan de la ville, nous sommes confiants. GROSSIERE ERREUR !


La première ruelle est magnifique. Elle longe un rio où stationnent des gondoles. La lumière des maisons se reflétant sur l’eau éclabousse leur coque laquée de couleurs improbables. Sur notre droite, un pont traverse un autre rio ; il dessert une grande maison Renaissance, illuminée. 






Jeudi 23 juin. 3e jour

Photo Cochonou Flickr
Ce matin, visite de la basilique saint Marc. C’est incroyable, la visite est gratuite ! Une file d’attente se forme déjà lorsque nous arrivons, mais elle avance vite. 
Alors que nous approchons de l’entrée, je vois un couple avec sac à dos se faire refouler. Bien que l’injonction de déposer gratuitement les sacs à la consigne soit annoncée devant la basilique et dans tous les guides, de nombreuses personnes se font piéger. Elles doivent quitter la file, aller déposer leur sac puis refaire la queue qui s’est sensiblement allongée entre temps. Cela met certains de bonne humeur.

Une fois entrés, nous sommes séduits par la splendeur des mosaïques sur fond d’or, au-dessus de nos têtes. 





Elles couvrent une surface de 8500 M². Malheureusement, nous sommes canalisés entre des barrières ne permettant de s’écarter, ni à gauche, ni à droite. La file avance ainsi, jusqu’au chœur, passe devant puis ressort de l’autre côté. Cette visite dure moins de dix minutes. Voilà pourquoi elle est gratuite !
Avant qu’il soit trop tard, nous remontons la file à contre-courant jusqu’à l’entrée et achetons un billet pour les loggias. Elles forment un large espace au-dessus de l’entrée, à mi-hauteur de la nef, et se prolongent au-dessus du bas-côté gauche. Là, des maquettes en bois expliquent de façon extrêmement claire la structure de l’édifice.
Photo Bonaventure
Une mosaïque débute juste au-dessus de nos têtes ; on peut la toucher. Être aussi près nous permet de bien en apprécier les détails. Je constate que la paroi n’est pas aussi lisse que je le croyais. Des renflements, indécelables depuis le rez-de-chaussée, sont visibles en plusieurs endroits. Je me demande ce qui a provoqué ces déformations ; un tassement de l’édifice ? Un décollement de l’enduit fixant la mosaïque ?

Ensuite, nous accédons à un espace où sont exposés les originaux des quatre chevaux en bronze ornant la façade (volés par les Vénitiens sur l’hippodrome de Constantinople pendant la 4e croisade). On les voit de près sous un éclairage révélant chaque détail. 
Photo Embed Photopedia
Je suis emballé (sans jeu de mots) ces chevaux sont absolument magnifiques ! D’un côté, ils rappellent l’art assyrien, mais de l’autre, leur facture est si sobre qu’ils pourraient aussi bien être contemporains.

De la grande loggia centrale, une ouverture permet de sortir sur les balcons courant le long de la façade. La vue sur la place saint Marc est superbe tout comme celle, sur la lagune, côté palais des Doges. Là se dressent les deux pilastres en marbre volés par les Vénitiens (encore !) à Saint-Jean d’Acre, en Syrie, après leur victoire sur les Génois en 1256.


Après la visite, nous redescendons place Saint-Marc. La foule y est dense. Des guides pressés, bras levé, agitent une baguette munie d’un fanion, pour rallier les personnes ayant eu l’audace de s’arrêter prendre une photo. 
Photo Cochonou

Photo Lantink











Je suis frappé de voir comme ces groupes sont homogènes : groupes de retraités, groupes d’adultes ou d’ados, pas de groupes familiaux.
Le pont entre Venise et le continent permettant la circulation des trains et des voitures, je suppose qu’ils sont arrivés en car au grand parking piazzale Roma. Depuis ce parking, on accède à Venise, à pied ou en bateau. Un vaporetto vient sans doute de les déposer à san Marco ou Zaccaria.
Ils font le tour gratuit de la basilique puis filent au pont du Rialto par l’itinéraire balisé, bordé de boutiques de souvenirs. Comme nous ne les  croisons nulle part, en dehors de ces sites, j’imagine qu’ils regagnent ensuite le parking…
Aucun de ces visiteurs ne découvre l’âme de la ville résidant au cœur des ruelles ; dommage.

S’aventurer dans ce dédale mène de découverte en découverte. Le miroitement de la surface des rios contre la voute des ponts enchante l’œil. Il faut s’accouder à ces ponts pour se laisser charmer par le jeu des reflets d’immeubles dans l’eau, par la perspective du rio s’ouvrant, tantôt sur la lagune, tantôt sur un rio plus large. Par ce silence !

Photo B Nicolas













Il y a une part de mystère à franchir les nombreux porches sombres pour déboucher dans un quartier inconnu. C’est ludique, excitant, comme une chasse au trésor.
Ce labyrinthe pourrait être la configuration idéale du coupe-gorge si nous n’étions pas à Venise. La ville est étonnamment sûre, on n’y signale pas d’agression. Une anecdote illustre bien le sentiment de sécurité et de sérénité qui prévaut, ici : la nuit dernière, après avoir enfin retrouvé notre chemin, nous avons croisé une jeune fille dans une ruelle très étroite, peu éclairée. Elle est venue vers nous sans marquer la moindre hésitation, téléphone portable à l’oreille, nous jetant un regard curieux mais serein au passage.






Retournant à l’appartement, nous passons, Fondamenta  dell Osmarin. Cet itinéraire est le chemin le plus court entre l’appartement et Zaccaria, nous l’empruntons souvent, admirant au passage les masques exposés dans une vitrine. Ils ont une autre allure que ceux des boutiques de souvenirs. Après vérification, il s’avère que ce magasin abrite l’un des trois seuls artisans de Venise fabriquant entièrement ses masques à la main. Acquérir l’un d’eux nous tente. Deux choses nous retiennent : le prix qui n’apparaît pas en vitrine, et la crainte que le masque s’écrase, dans notre valise.
Photo F Stankuns Flickr



Après déjeuner nous repartons par le même chemin. Fondamenta dell Osmarin, une femme masquée, en tenue de carnaval, se tient debout en plein soleil, adossée à la rambarde métallique du rio. Elle salue les touristes débouchant des rues commerçantes du quartier san Marco. Un objet pouvant, éventuellement, recevoir des pièces est posé à ses pieds. Fait-elle la manche ? Monnaie-t-elle la possibilité de se faire prendre en photo par ou avec des touristes ? S’agit-il d’une pub pour notre magasin de masque, ou celui d’à côté vendant de superbes costumes de carnaval ? Nous ne la voyons ni se faire photographier ni recevoir d’argent. La raison de sa présence est aussi mystérieuse que les ruelles alentour.
Jusqu’à notre départ, nous la verrons chaque jour, debout en plein soleil, saluer brièvement les passants de la tête ou de la main, ne se livrant à aucune gestuelle plus démonstrative susceptible de retenir l’attention.
Le fabricant de masques reste ouvert à midi. Sans doute à cause du passage occasionné par les restaurants installés le long du rio san Lorenzo, dans la rue voisine.

Photo B Nicolas

La transition entre les ruelles du Castello et le quai est toujours aussi brutale. Le porche magique ne fonctionne que dans un sens ! Nous débouchons en plein soleil au milieu d’une foule compacte, jaillie des vaporettos. 
De jeunes Africains proposent des sacs Vuitton contrefaits. Ils guettent en permanence l’arrivée de la police, prêts à fuir. Le vaporetto arrive bondé. Il dépose un groupe d’adultes étiquetés du même badge qui se dirige vers le pont des Soupirs, appareils photo en main. 
Photo B Nicolas
Étant nombreux à prendre leur place, le bateau repart aussi bondé qu’à son arrivée. On se croirait sur la ligne 13 du métro, à une heure de pointe, s’il n’y avait ce cadre exceptionnel.

Photo Jennyback Flickr
 Nous descendons au troisième arrêt avec l’intention de visiter le Musée Guggenheim qui se trouve, comme le Musée Accadémia, dans le Dorsoduro. En revanche, Guggenheim présente des œuvres du XXe et du XXIe siècle.


Photo Kriss
Nous devons laisser notre sac à la consigne puis franchir un portique électronique. Il y a des caméras partout ! Des sculptures du siècle dernier, d’autres, plus récentes, occupent le jardin. Nous identifions l’auteur de quelques-unes, comme Giacometti, mais la majorité nous est inconnue.

Une œuvre de Jeff Koons accueille le public dans la première salle. C’est une sculpture réaliste, en bois polychrome, représentant un homme sur un cheval. Je reconnais tout de suite la tête de Buster Keaton, car la sculpture restitue parfaitement le masque triste et blasé qu’il se composait dans ses films comiques, films vus et revus étant étudiant. Ne connaissant de Koons que son travail récent, j’ignorais qu’il ait travaillé le bois. J’ignore aussi quelles étaient ses intentions quand il a réalisé cette œuvre en 1988, mais qu’elle se trouve à Venise où, justement, le masque est omniprésent me plait bien. 
Les spécialistes de Keaton soulignent sa volonté de vouloir explorer toutes les ressources du cinéma muet ; Koons le représente, à cheval, regardant au loin, main en visière. Mais le cheval qu’il monte est beaucoup trop petit pour le porter ! Ses pieds touchent le sol. C’est, à la fois, comique et pathétique, car la sculpture résume parfaitement le drame de Keaton. Sa monture était le cinéma muet. L’arrivée du cinéma parlant l’a stoppé net dans son élan.

Guggenheim est rempli de trésors comme celui-ci, offrant un excellent panorama de l’art du XXe et du début du XXIe siècle. Après avoir arpenté les salles pendant deux heures, nous ressortons, jambes coupées. N’y a-t-il pas un paradoxe dans ces Musées qui vous enrichissent l’esprit, d’un côté, en vous ruinant les jambes de l’autre ?...



Photo Spiterman
Marcher nous fait du bien. Nous franchissons le Grand Canal par le ponte Accademia, un des rares ponts en bois de Venise, et traversons un campo tout en longueur afin de visiter l’église san Stefano dont le plafond a la forme d’un berceau de bateau. Ensuite, nous empruntons une ruelle jusqu’à la Fenice. Cette ruelle débouche sur un côté du théâtre et l’on voit, en haut du mur, autour des fenêtres, ces traces noires que laisse le feu. Serait-ce les traces de l’incendie criminel l’ayant ravagé en 1996 ? Arrivés sur le campo, surprise ! La façade de ce théâtre mythique où ont été créés les opéras de Verdi, Rossini et bien d’autres est d’une banalité déconcertante. 

Photo B Nicolas













Ayant vu des photos de la fameuse salle de concert aux cinq étages décorés en rouge et or, je m’attendais au moins, en extérieur, à quelques sculptures et ornementations baroques. Rien ! Aucune église de Venise n’a une façade aussi modeste que la Fenice.
Si son nom n’était pas inscrit au-dessus de l’entrée, je jurerais que nous nous sommes trompés de site. Ma déception me conduira à l’interrogation suivante : pourquoi un bâtiment, mythique en raison des chefs d’œuvres joués à l’intérieur, devrait-il avoir un extérieur spectaculaire ?... Je ramasse les copies dans une heure !

Est-ce la déconvenue da la Fenice ? Malgré nos deux plans de Venise, mes capacités à bien m’orienter me jouent, à nouveau, un sale tour. Au lieu de nous retrouver à la hauteur du quartier où nous habitons, la ruelle que nous suivons débouche soudain sous les arcades ouest de la Place Saint-Marc. Cette erreur nous aura au moins permis de découvrir la poste ! Nous ne trouvions pas de timbres pour nos cartes postales...

Photo B Nicolas























Vendredi 24 juin. 4e jour


Photo Groume Flickr

 Découverte de Venise à l’aube. Lever : 5 h 30, départ, 6 h 15. Les ruelles du Castello sont calmes, désertes, assez sombres en raison des nuages qui masquent le soleil déjà levé. 
    Les goélands argentés poussent des cris plaintifs en rasant le toit des maisons. Les habitations sont peu élevées que leur cri, tout proche, nous surprend. On comprend aisément le choix de petits immeubles quand on sait le nombre de pieux qu’il faut enfoncer dans la lagune pour construire un édifice. 

Plusieurs dizaines ou centaines de milliers ont été nécessaires à certaines églises et certains palais. 


Photo Saturos Flickr
L’église de La Salute repose à elle seule sur un million de poteaux ! J’ai du mal à me représenter la taille de la forêt que cela représente.
Ici, les maisons n’ont donc que deux ou trois étages. Rien à voir avec les vieilles maisons bordant les canaux d’Amsterdam qui en possèdent cinq ou six.

À Venise, le sac plastique fourni par les commerçants sert deux fois. Une première fois, en journée, pour ramener ses courses à la maison, une seconde fois, le soir, pour y déposer ses ordures. Ensuite, il faut descendre dans la ruelle, l’accrocher par ses poignées à un crochet fixé au mur, à1m50 du sol, hors d’atteinte des chats.
Photo B Nicolas
Le ramassage des poubelles ne commençant pas avant 8 h 30, marcher tôt le matin dans des ruelles étroites avec ces petits sacs suspendus à hauteur du visage n’est pas la promenade idéale !
Cependant, ils nous fournissent certaines informations. Étant de grosseur variable, les plus épais doivent appartenir à des familles avec enfants, les plus petits à des personnes seules. Et puisqu’il y a un crochet par foyer, le nombre de sacs accrochés indique le nombre de logements de chaque immeuble. Corte Nuova, où nous habitons, les trois crochets enfoncés dans le mur correspondent aux trois appartements de notre immeuble. Malgré ce dispositif, on voit des sacs-poubelle à même le sol.
Ceci dit, entre les ruelles chargées de sacs il y a les ponts des rios et, ce matin, j’ai envie de m’y attarder plus longtemps que d’habitude!
Photo B Nicolas
Lors de nos promenades, nous rencontrons souvent des maisons en restauration. La réglementation des travaux doit être extrêmement stricte à Venise, car le plus petit chantier est parfaitement clos. 

Certaines maisons, difficiles d’accès, imposent des trajets interminables pour acheminer les matériaux. Nous l’avons constaté, hier matin, Fondamenta dell Osmarin où une barque était amarrée. Un ouvrier y mélangeait du ciment tandis qu’un autre attendait au-dessus, sur le quai, qu’on remplisse sa brouette. Spectacle tout à fait insolite pour des touristes ! 
Photo B Nicolas




















Le premier devait soulever haut sa pelle pour atteindre la brouette.
 Celle-ci une fois remplie, ce second ouvrier traversait le quai puis s’engageait dans un long couloir débouchant sur une petite cour derrière les immeubles. 
Le prix de travaux où une large partie du temps est consacré à de tels trajets doit être ahurissant !
 Le coût du logement et la spéculation ont tendance à faire fuir les habitants de Venise. Nombreux sont ceux qui déménagent sur le continent pour louer leur maison aux touristes. C’est le cas de notre propriétaire qui vit à Mestre.
Louer son appartement à la semaine, presque douze mois sur douze, rapporte plus à un Vénitien que son salaire mensuel. Le Guide du Routard nous indique que 70 % des personnes travaillant à Venise n’y habitent pas, vingt mille viennent y travailler tous les jours.
Fondamenta dell Osmarin, le magasin de masques est fermé ; un rideau métallique "masque" la vitrine. Les magasins éparpillés du Castello sont parfois sans vitrine.
Aux abords de san Marco, ils laissent place à des commerces de souvenirs possédant de grandes vitrines, à des bars, des restaurants, de plus en plus serrés de chaque côté de la ruelle au fur et à mesure que l’on se rapproche de la place Saint-Marc. Tout est fermé à cette heure matinale !



Photo B Nicolas
Hormis deux photographes et quelques touristes, la piazza san Marco est déserte quand nous y arrivons. 
Les détritus de la nuit, abandonnés, ici et là, gâchent un peu la magie du lieu. Pourtant, les employés communaux sont déjà au travail.

Photo B Nicolas


      Contrairement au reste de la ville, le ramassage des poubelles, commencé très tôt sur la place, se répète quatre fois par jour tant il y passe de monde.

Stationner au milieu de ce grand espace désert quand on l’a vu noir de monde procure une sensation étrange. Orientée à l’ouest, la façade de la basilique demeure dans l’ombre.
Gagnant les arcades, nous effectuons le tour de la place en nous arrêtant aux vitrines des magasins. 
Photo Markus Art Galery

L’un d’eux propose des créations en verre très originales qui nous plaisent beaucoup.
Bien qu’à cette heure le café Florian soit fermé, on aperçoit les boiseries richement décorées de ses salons.
Photo La Tête Krançien Flickr


Nous traversons le Grand Canal dans un vaporetto presque vide puis descendons à Accadémia, pour pénétrer dans le Dorsoduro.

Globalement, les rues de ce quartier sont plus larges que celles du Castello. L’ambiance diffère, les maisons sont moins anciennes, plus saines, aussi. Nous longeons le rio san trovaso qui relie le canal Grande au canal de la Guidecca et voulons visiter l'église san Trovaso située de l'autre côté, mais aucun pont ne le franchit à cet endroit. 
Photo dvdbramhall Flickr














                                                                   Photo B Nicolas

Poursuivant notre chemin avec l’idée d’y accéder plus loin, nous dépassons l’unique atelier de réparation de gondoles de Venise, avant de déboucher sur le quai sud.
Le rio san Trovaso se jette, ici, dans la Guidecca, canal quatre à cinq fois plus large que le Canal Grande
En face se trouve l’île toute en longueur qui donne son nom au canal ou l’inverse ?

Photo Kevin H Flickr
 Après avoir franchi le pont enjambant le rio san Trovaso, nous poursuivons sur le quai et prenons une ruelle entre deux immeubles.Elle débouche sur un rio perpendiculaire au san Trovaso. Là, un pont existe face à l’église. L’église est fermée !

Photo P Nicolas
Nous nous enfonçons dans le quartier par la rue bordant le rio puis regagnons le quai sud que nous remontons vers l’ouest en direction du port. Si le quai est désert, il y a de l’activité sur le canal della Guidecca, point de passage des gros bateaux en provenance de l’Adriatique. 
Ces derniers entrent dans la lagune par la passe nord de l’île du Lido.
Devant un bâtiment administratif maritime, flotte un grand ponton. Il est si long qu’il peut accueillir de gros paquebots.

Nous ne croisons presque personne sur les quais, mais cela s’anime un peu en approchant du port. Des employés déchargent d’un bateau des palettes de produits alimentaires qu’ils transportent dans un dépôt aligné sur les maisons du quai. Est-ce la réserve de l’unique grande surface de Venise, mentionnée dans les guides ?
Presque arrivés au bout du quai, nous nous retournons et voyons arriver un énorme paquebot de croisière. 
Photo B Nicolas
Malgré l’heure matinale, beaucoup de passagers sont sur la passerelles tandis que d'autres sont accoudés aux balcons de leur appartement. Un tel paquebot doit accueillir plusieurs milliers de personnes ! Une fois à notre hauteur, son nom apparaît sur la coque : Queen Élisabeth ! Comparés à lui, les autres bateaux naviguant sur le canal ressemblent à des Legos. 
Il nous dépasse et poursuit sa route vers le port. Va-t-il y accoster et déverser ses milliers de touristes sur la ville ? Au secours !

La partie du quai accessible aux piétons s’achève ici où un autre rio se jette dans le canal. 
Nous franchissons le pont puis contournons une zone clôturée dans laquelle un très long bâtiment bas est construit parallèlement au canal. Il semble destiné à l’accueil des voyageurs embarquant ou débarquant des paquebots.
Nous empruntons plusieurs ruelles, recherchant l’église san Sebastiano, présentée par le guide comme un véritable petit Musée des œuvres de
Véronèse. 
dvdbramhall

Il est trop tôt, l’église n’est pas ouverte. Traversant le rio qui passe devant l’église, nous entrons au bar de quartier à l’angle de la rue d’en face. Quelques clients s’y trouvent. Derrière le comptoir, deux jeunes femmes s'activent avec efficacité. Dans un quartier si excentré, nous aurions imaginé une patronne ou un patron du coin ; les deux femmes sont asiatiques ! Leur petite taille s’accorde parfaitement au tout petit prix de nos consommations : quatre euros pour deux cafés au lait et deux croissants ! Nulle part dans Venise nous ne paierons un prix aussi bas dans un café.

L’église n’étant toujours pas ouverte, nous décidons d’aller voir san Nicolò dei Mendicoli (St Nicolas des mendiants) l’une des plus vieilles églises de Venise, située à proximité. 
Ayant mal regardé le plan nous effectuons un grand détour alors que san Nicolò était tout près. Bref, après avoir longé et traversé deux rios nous marchons sur un fondamenta fraîchement restauré. Le rio s’élargit sur une portion très courte où une longue passerelle le franchit. Un espace de verdure apparaît de l’autre côté. Bien que mal entretenue, sa présence est suffisamment rare dans Venise pour être signalée. Le chemin de terre traversant cet espace vert débouche sur une partie isolée du quartier abritant des immeubles de trois étages qui rappellent nos HLM. On voit tout de suite que les occupants sont des gens modestes. On voit également que la municipalité ne fait pas, ici, les mêmes efforts d’entretien que dans le centre-ville.

Inutile de dire qu’aucun touriste n’est visible alentour. Ne trouvant pas notre église, nous rebroussons chemin et finissons enfin par la trouver. C’est une toute petite église en brique, du VIIe siècle. 

Photo Lizzimore Flickr
Curieusement, l’entrée principale est située sur son bas-côté nord. Comme toutes les églises de Venise, cette entrée est habillée d’un parement de stuc. En façade, s’il y avait une entrée, celle-ci est masquée par une sorte de préau. Le campanile, sans cloche, est accolé au corps de l’église.
Photo Mikelino
 Le rio qui passe devant la façade est rempli de petits bateaux colorés se reflétant sur la surface lisse de l’eau. Ce coin du Dorsoduro se nomme santa Marta. C’était un quartier de pêcheurs. Ça l’est toujours, un peu.
Pour rejoindre san Sebastiano, nous empruntons de courtes ruelles jusqu’à un campo sur lequel nous croisons des adultes conduisant leurs enfants à une maison d’apparence ordinaire.  Rien ne laisse supposer qu’il s’agisse d’une école, pourtant, plusieurs enfants portent un sac de classe.

L’église san Sebastiano se trouve juste à côté. Elle est ouverte ! Ouverte, oui, mais envahie par un monstrueux échafaudage masquant la nef (décidément, les masques !) Un plancher provisoire protège le pavement du sol. Accrochés à l’échafaudage, des panneaux nous apprennent qu’une fondation américaine finance la restauration des fresques de la voute.
Bien qu’il soit probablement interdit de s’aventurer sur ce chantier, nous y allons en essayant de nous faire discrets. Malheureusement, le plancher temporaire nous trahit en grinçant de façon sinistre. Arrivés au chœur, nous devons nous contenter d’une toute petite portion de voute en bout d’échafaudage. La minuscule partie de fresque entrevue privilégie les tons gris-bleu, gris vert.
Un bruit de conversation me fait lever la tête. En haut de l’échafaudage, l’équipe de restauration s’installe, les silhouettes de deux jeunes filles enfilant une blouse blanche se détachent devant la lumière d’un spot.

Nous nous rabattons sur les photos des fresques, avant restauration, illustrant les panneaux. Surpris par l’échafaudage en arrivant, nous n’avions pas remarqué les deux chapelles s’ouvrant de part et d’autre de l’entrée. Celle de droite renferme des œuvres intéressantes, tandis que celle de gauche est réservée aux offices ; d’ailleurs, quelques personnes y suivent la messe.

Nous repartons en longeant un rio sur lequel des bateaux de particuliers et de livraison circulent lentement. Le bruit feutré des moteurs prouve qu’ils respectent la limitation à 30 km/h, signalée au bord du rio. Ce rio assez long pénètre au cœur du Dorsoduro. Nous le suivons avec l’intention de rejoindre le campo san Margherita.

Photo B Nicolas
Alors que ma femme prend des photos, j’observe l’approche d’un couple en bateau. La conductrice effectue un (créneau) habile entre deux autres bateaux puis saute sur le quai pour s’amarrer. L’homme lui passe alors des sacs de provisions qu’elle dépose sur le fondamenta séparant le rio des habitations. Tous les deux entrent ensuite dans une maison, bras chargés de vêtements. Ils reviennent au bout d’un moment suivis d’un enfant d’une huitaine d’années, pieds nus, qui inspecte avec intérêt le contenu des sacs.
Deux choses me frappent dans cette scène : garer son bateau devant sa maison pour décharger des courses, je n’ai pas l’habitude ! 
Quant à laisser les sacs de provisions sans surveillance sur le trottoir !… cela confirme ce qu’avancent les guides sur Venise : une insécurité proche de zéro.
Photo Lizzimore flickr
Tout au long du séjour, nous éprouverons ce sentiment de sécurité. L’absence de voiture, facteur de danger, de pollution, de stress, y contribue-t-elle plus qu’on pourrait le croire ?

Photo B Nicolas
De la gauche du rio nous passons à droite et arrivons sur un campo légèrement en pente au fond duquel se trouve la Chiesa dei Carmini. L’église est ouverte, nous y entrons. 
Photo B Nicolas
Là aussi un échafaudage est installé pour la restauration des fresques de la voute, mais il occupe seulement la largeur d’une travée. L’intérieur de l’église est superbe avec, bien sûr, son inévitable peinture de grand maître : un Véronèse. 
Ce coin de Venise lui serait-il dédié ? En haut de l’échafaudage, les deux ouvriers ne font presque aucun bruit. Quelques fidèles se recueillent. J’avais déjà remarqué, à Venise, que des personnes d’âge divers prient dans les églises ; il me semble qu’en France la tranche d’âge est beaucoup plus réduite ; plus âgée.


Nous traversons le vaste campo san Margherita où se tient souvent un marché aux poissons. Aujourd’hui, un seul poissonnier s’y trouve.
Nous sommes fatigués de notre périple et décidons de rejoindre le Grand Canal pour aller au marché en vaporetto. 

Depuis le bateau, ma femme photographie quelques façades de palais, mais les nuages masquent toujours le soleil. Nous passons devant le Palazzo Grassi où est exposée une partie de la collection François Pinault. J’ai hâte de le visiter ! Une sculpture monumentale dressée près du palais, représente une silhouette inachevée, mi-humaine, mi-robot, « L’homme pressé » de Thomas Houseago. 
Photo Dalbera flickr
Ce sculpteur anglais originaire de Leeds vit à Los Angeles, comme tant d’autres. Paris n’est plus la ruche d’artistes qu’elle était au siècle dernier. Los Angeles, Londres, Berlin, ont pris la relève.

Après un petit tour sur le marché du Rialto, nous rentrons en vaporetto. Une fois passés sous le ponte Rialto, nous contemplons les palais de la rive gauche du Grand Canal. 
Photo Mitko denev Flickr
Deux palazzi, ceux de Loredan et Farsetti abritent les services municipaux. Ensuite, le palazzio Grimani, dont la hauteur dépasse tous ceux alentour, est le siège de la justice. 
Photo B Nicolas
J’aimerais bien savoir si le choix de cette position dominante est délibéré ou non.
Ces façades de palais en stuc et marbre plaquées à la Renaissance sur les façades d’origine, en briques, me font penser à des masques.


Après une petite sieste et une bonne douche, visite du palais des Doges.
Fondamenta dell Osmarin, la jeune femme masquée, en tenue de carnaval, est toujours à son poste. Cette rue, ce quai, je ne sais jamais comment dire, est vraiment la charnière entre le quartier du Castello et celui de san Marco.
photo B Nicolas
Contrairement à la basilique, il n’existe aucune file d’attente à l’entrée du palais des Doges. Pourquoi ?...
Entrer dans la basilique d’un côté pour ressortir de l’autre est gratuit, cela dure 10 minutes. Visiter le palais coute 20 € et dure 1h30 minimum. Les visites étant chères à Venise, il est naturel que de nombreuses familles hésitent à visiter le palais. Quant aux groupes sous la conduite de guides, l’objectif est de consommer, de voir le maximum de choses en un minimum de temps. Le car les attend au parking ! Il faudra être à l’heure à l’hôtel pour le dîner ! Ce marathon exclut tout ce qui permettrait aux groupes de ressentir l’âme de la ville. Les agences de voyages savent que le public est toujours satisfait quand il pense en avoir eu pour son argent. C’est désolant, mais puisque tout le monde est content…
Photo Antoine49 Flickr
De l’extérieur, on n’imagine pas que le palais des Doges soit si grand. Ce que l’on remarque en premier est son élégance. Qu’un tel volume puisse paraître aussi léger relève de la prouesse architecturale. Des milliers de pieux en mélèze enfoncés dans la lagune soutiennent l’édifice. Accolé à une basilique dont l’architecture mélange les styles sans perdre son homogénéité, le palais, lui, est du plus pur style gothique vénitien.
Il était, à la fois, le palais du gouvernement et la maison du Doge. Un passage privé permettait à celui-ci d’accéder directement à la basilique pour suivre la messe. La basilique était sa chapelle !


 Billet en mains, nous accédons à une grande cour intérieure où trônent ce que je crois être, tout d’abord, deux fontaines sculptées. 
Photo Gianpaolo's Flickr






Photo Krankinmv Flickr
En fait, il s’agit de puits dont les margelles sont en bronze. Chaque sculpture est différente.
 Au-delà des puits se dresse la tour de l’horloge, surplombée par l’un des dômes de la basilique, juste derrière. À droite de la tour, un escalier majestueux accède aux appartements et aux salles institutionnelles. Les appartements du doge n’occupent qu’une toute partie du palais, les trois quarts étant affecté au fonctionnement politique et judiciaire.

Le visiteur peut accéder aux appartements du Doge, aux salles du gouvernement et à la prison, reliée au palais par une galerie du premier étage, le fameux pont des Soupirs.
Des loges décorées de fins piliers surplombent la cour à ce premier étage.
Photo Mararie Flickr
Là, un bas-relief du lion vénitien occupe l'un des murs. La fente dans la pierre qui symbolise sa gueule, servait de boite aux lettres. Les habitants pouvaient y déposer des messages anonymes dénonçant les agissements de telle ou telle personne. Vu le nombre d’innocents exécutés à tort, ces messages durent être accompagnés de deux signatures, ce qui réduisit le nombre de dénonciations. Moi qui me croyais sur une autre planète depuis notre arrivée !...
On accède aux appartements du Doge par la Scala d’Oro
Photo Kevin H Flickr
un escalier au plafond sculpté dans le stuc et décoré de feuilles d’or. Il est assez difficile d’imaginer la vie du Doge dans ces appartements car aucun mobilier n’y subsiste.

Chacune des salles du palais a un usage spécifique : dans la salle du Bouclier, de taille modeste, le Doge y recevait ses hôtes. Certaines salles sont très grandes, car tous les membres du gouvernement s’y réunissaient. 
Photo Argenberg Flickr
La salle la plus vaste du palais, celle du grand conseil, fait plus de 50 m de long. Elle est décorée de peintures des plus grands maîtres italiens. Le fait qu’elle soit totalement vide procure un effet saisissant en y entrant. À l’autre extrémité se dresse l’huile sur toile la plus grande au monde : 22 mètres de long sur 7 de haut. Cette œuvre du Tintoret composée de quatre cents personnages s’intitule Le Paradis.
C’est grand, mais j’imaginais le paradis tellement plus vaste ! Déception vite tempérée par la splendeur des peintures ornant le plafond.
Cette vaste salle se trouvant au-dessus du quai, la vue sur la lagune doit être splendide. Dommage que les fenêtres soient fermées ; j’aurais aimé voir le panorama.

La visite nous amène à traverser la galerie du pont des Soupirs pour accéder à la prison. 
Photo Eugenia et Julian Flickr



Ce pont comporte un double passage permettant d’éviter que les prisonniers rejoignant leur cellule ne croisent ceux qui en sortent.
Le « confort » des cachots nous étonne. Les prisonniers n’y restaient que quelques semaines et pouvaient y faire venir leurs propres meubles.


Nous quittons le palais après deux heures de visite.

Photo B Nicolas
Fondamenta dell Osmarin, la femme masquée en tenue de carnaval est fidèle au poste, saluant les passants de façon si discrète que peu ralentissent à sa hauteur. Je me demande si elle ne se livre pas plutôt à un exercice expiatoire ! Aurait-elle été condamnée à des travaux d’intérêt général ? Saluer les gens ?
Fatigués par cette journée de marche, commencée si tôt,  nous décidons de dîner au restaurant. Délaissant le guide, nous partons à l’aventure dans le Castello.

Photo S Zanutto Flickr


L'écho d'un orchestre nous parvient se répercutant d’une ruelle à l’autre. La musique se rapproche à chaque tournant de ruelle et nous débouchons soudain sur une petite place rectangulaire cernée de maisons, à laquelle on n’accède que par des ruelles très étroites. S’il n’y avait la musique, l’endroit me ferait l’effet d’un ghetto.
Assis sur des bancs, les gens du quartier écoutent des musiciens débutants qui se produisent sur une scène démontable, encadrés par des adultes. La musique résonne puissamment contre les façades de cette place quasiment fermée. L’ambiance y est sympathique, familiale. De l’autre côté du groupe assis, quelques personnes stationnent devant une buvette. Nous ne nous attardons pas et reprenons notre recherche d’un restaurant.
Une rue commerçante débouchant sur la lagune en possède quelques-uns, mais aucun ne nous tente. Nous trouvons enfin notre bonheur dans une rue adjacente. Le serveur, un quinquagénaire, semble épuisé. Il parle évidemment français et nous installe deux tables après celle de quatre Allemands aux assiettes débordant de langoustines. Il s’agit d’un couple de retraités avec leur fille et leur petite fille. Si le grand-père et la petite fille sont discrets, la mère et la fille rient en buvant du rosé, verre sur verre, de façon peu élégante.

Nous commandons un Spritz, l’apéritif vénitien par excellence. Bien qu’il existe autant de recettes de Spritz que de Vénitiens, disons qu’il se confectionne avec : 1/3 de Campari, 1/3 de vin blanc sec, 1/3 d’eau de Seltz ou de Perrier. 
Photo Mararie Flickr
On y ajoute une olive verte piquée au bout d’un bâtonnet et une tranche de citron ou d’orange avec deux glaçons. Dans la version chic, on remplace, eau de Seltz, vin blanc et glaçons par du Prosecco bien frais. C’est peu alcoolisé, rafraîchissant, très agréable. Il se dit que le Spritz est imbuvable si on ne le boit pas avec le sourire.
L’arrivée du serveur tenant mon assiette de poulpe cuit dans son encre et des pâtes, également noires, fait s’exorbiter les yeux de nos voisins. 
Photo Muy Yum Flickr


La jeune femme se retournera vers moi à deux reprises,  pour voir si je mange vraiment cette mixture.




Le dîner était correct, sans plus. Il fait nuit quand nous sortons du restaurant.
Nous repassons par la petite place où la musique a laissé place au cinéma. Assis dans le public, nous suivons la projection déjà entamée d’un vieux documentaire noir et blanc sur Venise qui suscite quelques exclamations. Le sujet présente la vie de tous les jours dans ce quartier aux alentours des années cinquante. Une scène montre des enfants en slip se jetant du quai dans un rio. Ils y nagent, s’éclaboussent, sous le regard attendri des mères accoudées à leurs fenêtres. Une telle scène est inimaginable aujourd’hui, tant l’eau de la lagune est polluée.
        Nous rentrons par des ruelles inconnues, sans nous perdre. Après ce long périple commencé ce matin à 6 h 30, nous n’avons qu’une envie : dormir. Il fait si chaud que je me relève au milieu de la nuit pour allumer le ventilateur fixé au plafond du séjour et laisse la porte de chambre grande ouverte. Les pales tournent sans bruit ; un peu d’air frais nous parvient.








Samedi 25 juin. 5e jour

Photo B Nicolas
Nous allons à la Biennale. Cette exposition internationale est consacrée à l’architecture, les années paires, à l’art contemporain, les années impaires.
 Elle se déroule de juin à novembre dans les jardins à l’est de Venise. Si nous sommes venus à Venise cette année, c’est, entre autres, pour voir cette fameuse Biennale.
Du vaporetto un panorama exceptionnel s’offre à nous. Il va du palais des Doges, à droite, jusqu’à l’ilot san Giorgio Maggiore qui prolonge l’ile de la Guidecca, sur notre gauche. De ce côté, à l’horizon, nous devinons l’interminable ruban de l’île du Lido séparant la lagune de l’Adriatique.
Phot B Nicolas

L’entrée du jardin se trouve au niveau de l’arrêt du vaporetto. C’est pratique, mais beaucoup trop simple pour nous. Supposant qu’il existe une entrée affichant le panneau officiel : biennale Arte2011, nous avançons un peu plus loin sur le quai, rien ! 


Arrivés au bout des jardins, nous traversons le rio et remontons, côté est, vers une passerelle sur laquelle apparaît le logo de la Biennale. La passerelle est fermée ! Nous continuons dans un quartier charmant (avec des arbres !) Arrivés, côté nord, un pont nous permet enfin de retraverser le rio.


Nous avons fait presque tout le tour du jardin quand nous trouvons enfin une entrée. Aucune mention de l’expo n’y figure, mais nous entrons quand même. 
Les guichets de la biennale se trouvent là, dans l’allée centrale à 30 mètres de celle, en face, par où nous aurions dû arriver. Des claques !

Photo Minchioletta Flickr
Le jardin est vaste, parsemé de pavillons nationaux construits en complément au grand pavillon central, réalisé pour la première exposition en 1895. Le PavillonYougoslavie indique bien que les constructions datent un peu!


Photo B Nicolas
La Biennale de Venise est la plus ancienne expo du genre au monde. Certains pavillons abritent les œuvres d’artistes d’un seul pays, d’autres en réunissent plusieurs. 
Il y a vraiment de tout. Nous n'avons pas aimé ou sommes restés perplexes devant certaines créations, mais avons été emballés par beaucoup d'autres. 

Photo B Nicolas

Photo B Nicolas






Le pavillon  coréen nous a séduits.

Photo B Nicolas

L’après-midi, nous poursuivons les visites, mais arrêtons avant d’avoir tout vu, épuisés. Ne tenant plus debout, nous restons un bon moment assis sur un banc du jardin avant d’avoir le courage de reprendre le bateau, trente mètres plus loin. 

Nous n’avons visité qu’une partie des pavillons de Giardini alors que la biennale est aussi installée à l’arsenal tout proche et dans divers autres lieux de la ville.

Bain de foule inévitable en arrivant à Zaccaria. Nous faisons un détour par la ruelle commerçante calle della Rasse, au bout de laquelle, à l’angle de droite, se trouve un bar typique où Vénitiens et gondoliers se retrouvent en fin de journée pour boire un verre de vin frais au comptoir.
Photo TGS Eurogroup Flickr
L’accueil est sympa, il y a de l’ambiance. On rit, on s’interpelle, en picorant différentes choses ici et là dans des coupelles : calmars, olives, sortes de petits rillons… Deux femmes en chemisier rouge tiennent le bar. 
Nous demandons un Spritz. La serveuse nous demande si on le souhaite doux ou amer. Doux pour ma femme, amer pour moi. 
Le Spritz est servi dans un grand verre évasé dont la forme rappelle un peu ces petits verres en Pyrex si répandus chez nous. Une olive verte y est ajoutée piquée au bout d’un bâtonnet avec une rondelle d’orange, le tout noyé de glaçons. Extra ! Une coupe de cacahuètes accompagne la commande. À quoi servent les petites cuillères qu’on nous apporte ? Il suffit de regarder faire les autochtones pour comprendre. À Venise, on ne prend pas les cacahuètes à pleine main dans les coupelles. On se sert de la petite cuillère puis on verse le contenu au creux de sa main. Ça évite d’en mettre partout et de déposer des traces grasses sur son verre. À retenir ! Nous avons choisi de nous asseoir, car nous sommes éreintés.
Après dîner, nous avons quand même le courage de faire une petite sortie nocturne. 
Photo Random77 Flickr
Au retour, nous trouvons le magasin de masques ouvert. Un homme en blouse blanche travaille à une table d’atelier. Nous entrons et admirons longuement la multitude de masques exposés. L'un d'eux nous plait beaucoup. De couleur pâle, presque blanche, il restitue les fines craquelures d'un émail ancien. L'expression du visage est neutre.
 Nous nous décidons finalement pour un masque, plus petit, ne couvrant que la moitié du visage. L’artisan parle français. Nous discutons un peu tandis qu’il termine de vernir un masque. Je lui dis que je préfère ceux affichant une expression neutre ou triste, à ceux affichant une expression souriante.

Le sujet l’intéresse ; tout en poursuivant son travail, il nous explique que le masque se prête mal à l’expression du sourire, celle-ci devenant tout de suite moqueuse ou vulgaire.
Pour lui, masque et sourire sont contradictoires, le masque souriant n’offre qu’une expression : la caricature, quand le masque neutre ou triste offre mille possibilités d’interprétations de sentiments. C’est pour cela qu’il fabrique et vend peu de masques souriants.
Photo J Burke Flickr
Le vernis qu’il emploie me rappelle l’odeur des apprêts à chapeaux qu’utilisaient ma tante et ma mère. Il hoche la tête et sourit quand je lui fais part de ce vieux souvenir puis déclare qu’il s’agit pratiquement du même produit. Chapeaux et masques  ne sont pas contradictoires, ils vont très bien ensemble.






Dimanche 26 juin. 6e jour



Photo Iko Flickr

Au programme, visite en bateau des îles du nord. C’est le nom donné aux îles de Murano, BuranoMazorbo et Torcello. Ayant eu la bonne idée de prendre un billet de vaporetto pour la semaine, nous n’avons aucun supplément à payer.

Le bateau traverse en diagonale l’entrée du grand Canal et file droit sur l’île du Lido.
Photo Gioberto09 Flickr

Pendant la traversée nous dépassons à plusieurs reprises de gros pieux enfoncés dans la lagune. Visiblement, les goélands argentés apprécient ces perchoirs. 


En approchant du Lido, je suis surpris d’y voir des voitures. J’en éprouve un sentiment de déception tant cela me semble incongru, ici. En revanche, cela m’explique la présence de l’étrange bateau qui transportait des véhicules, jeudi matin, sur le canal della Guidecca. sans doute s'agit-il d'un bac reliant le Lido à Mestre.
Photo Tillwee Flickr







Beaucoup de passagers descendent au Lido. Vu leur tenue, on devine aisément ceux qui se rendent aux plages de l’Adriatique. Peu de gens montent. Le vaporetto repart. 
Je comprends, soudain, l'utilité de ces pieux énormes sortant de l'eau. Ils balisent l'itinéraire que doivent emprunter les bateaux.

Photo Gstef74
Bien que nous naviguions sur la partie est de la lagune, côté Adriatique, le continent est tout proche puisqu’une presqu’île referme ce plan d’eau au nord-est. Une fausse presqu’île, en réalité, constituée d’îlots très rapprochés. Le large chenal séparant la presqu’île du Lido est le principal point d’entrée des bateaux venant de l’Adriatique. 

Notre prochain arrêt se trouvant sur la presqu’île, nous traversons ce chenal et continuons, au nord, jusqu’à Punta Sabbioni. Là, changement de bateau ; nous devons prendre la liaison saisonnière pour les îles du nord.
Après un arrêt à Treporti, le nouveau bateau bifurque, plein ouest, dans la lagune.
À droite, s’étend maintenant une zone marécageuse entrecoupée de rios. Des portions d’îlots sortent du marécage. Venise devait ressembler à cela, il y mille ans.
Photo Flickr
Une équipe allemande de reportage vidéo est à bord depuis Punta Sabbioni. La journaliste de l’équipe s’entretient avec une jeune femme au type latin prononcé, vêtue d’une robe blanche. Le preneur de son les équipe d’un micro-cravate puis dissimule l’émetteur sous leurs vêtements avant qu’une courte séquence vidéo soit enregistrée.
Photo P Agostini flickr
 Des échassiers se tiennent en bordure du marais : aigrettes-garzettes, hérons, divers petits échassiers non identifiables à cette distance. Je suis toujours surpris par l’extrême blancheur du plumage des aigrettes comparé à celui d’autres oiseaux à plumage blanc.


À l’horizon, des taches colorées apparaissent. C’est l’île de Burano aux maisons peintes de couleurs vives. Plus près, le spectacle est stupéfiant. Il parait que chaque pêcheur peignait ainsi sa maison pour être sûr de la reconnaître en rentrant par temps de brouillard. 

Photo B Nicolas

Aujourd’hui la législation impose aux habitants de repeindre régulièrement leur maison de la même couleur sous peine d’amende. tourisme oblige !

Photo B Nicolas


Nous accostons, côté nord. Le cameraman et le preneur de son se précipitent sur le quai pour filmer la descente des deux femmes. Toutes les deux s’avancent vers la caméra en discutant. Le cadreur effectue un mouvement panoramique lorsqu’elles le dépassent puis les filme quelques secondes de dos en plan fixe avant de couper.
Nous attrapons le Traghetto, un petit bac qui nous emmène encore plus à l’ouest, sur l’île de Torcello. Presque personne ne monte à bord.

Les aménagements entourant le ponton de Torcello sont récents, autant que le chemin allant de l’embarcadère au village, le long d’un rio.
Photo B Nicolas
Si Torcello fut la première île habitée de la lagune et la plus peuplée, ce qui s’explique probablement par sa proximité avec le continent, elle semble déserte, aujourd’hui.
Il fait très chaud. Nous cherchons un espace de verdure pour pique-niquer, mais tous les terrains sont clôturés. Au bout de cent mètres, un pont franchit le canal et donne sur un chemin bordé de haies. Nous nous y engageons, mais il dessert uniquement quelques propriétés closes. Demi-tour !
À présent, des restaurants bordent le canal puis un second pont le franchit face au village. Celui-ci n’a rien d’extraordinaire, excepté son église qui renferme des mosaïques réputées.
Photo B Nicolas
Un sexagénaire fait office de guichetier et il se produit une scène surprenante : nous lui demandons deux billets. L’homme acquiesce d’un hochement de tête, allume un photocopieur puis imprime deux feuilles A4 qu’il nous tend. Quelque chose est imprimé en tout petit, en haut de la feuille blanche. C’est notre billet !
Une seconde personne poinçonne les feuilles à l’entrée de la cathédrale santa Maria Assunta. J’espère que Jacques Tati nous attend à la sortie, muni d’une double poinçonneuse pour archiver nos billets dans un classeur de bureau. Puis il nous saluerait en se cassant en deux, sans rire, d’un bref coup de chapeau.

Les mosaïques de la cathédrale sont très belles. La narration naïve de celle du jugement dernier me plait beaucoup. Les mosaïques sont si bien conservées que je ne serais pas étonné qu’elles aient été restaurées.
Personne ne nous attend à la sortie ; vu l’heure, Tati doit déjeuner. Dommage !
Nous cherchons en vain un endroit de pique-nique ; il fait plus de trente degrés. Lassés, nous retournons au bateau.


Burano est plus important que Torcello. Près de l’embarcadère, une passerelle enjambe un large canal et accède à l’îlot de Mazorbo où apparaît une zone de verdure. Pourrions-nous y pique-niquer ?

Yes ! L’endroit est idéal. Il s’agit d’un immense terrain, entouré de murs sur trois côtés. Un chemin le traverse et rejoint des habitations à l’autre extrémité. 
Photo B Nicolas


La partie cultivée où nous sommes, en face de l’entrée, se partage entre potager et verger. Ce terrain devait appartenir à un couvent, il reste l'église et un ou deux bâtiments. Des bancs sont disposés dans la partie verger. Nous en choisissons un à l’ombre de pruniers. Royal ! Que nous soyons les seuls à pique-niquer dans un tel lieu nous surprend.
Photo P Nicoles



















Les maisons multicolores de Burano nous sidèrent. Comment peut-on atteindre cette harmonie d’ensemble avec de telles dissonances dans le détail ? Ma femme fait photo sur photo.

Photo B Nicolas

Photo B Nicolas

Bien que la chaleur soit forte, le courant d’air permanent sur la lagune la rend supportable. En fait, ce courant d’air est un piège. Le rouge des épaules de ma femme révèle un sérieux coup de soleil qui  va la pousser à rechercher l’ombre des maisons. 

B Nicolas
Les rios sont remplis de petits bateaux colorés faisant écho à la couleur vive des maisons. Leurs reflets se mélangeant dans l’eau sont un régal pour l’œil.
La spécialité de Burano est la dentelle. Bon !

Photo B Nicolas
Le vaporetto sur lequel nous rentrons passe par l’ouest de la lagune. Un arrêt étant prévu à Murano, nous décidons d’y faire une halte.
Le bateau accoste à proximité des ateliers de verreries, grande spécialité de l’île. Sur le quai, un rabatteur incite les voyageurs à en visiter une. Nous préférons découvrir la ville.
Photo B Nicolas
Comme à Venise, un canal traverse le centre-ville. Il est bordé de maisons bourgeoises et de magasins vendant des créations en verre. verrerie possède un grand magasin au bout de cet axe. Les produits de séries proposés ont peu d’intérêt sinon leur prix, comparé à celui des superbes pièces de verriers indépendants, que nous venons de voir dans les boutiques. 
Photo B Nicolas


En flânant, nous découvrons deux grandes sculptures de verre, l’une près du canal, l’autre sur une place. 
Nous repartons assez rapidement. Car la ville n’a pas grand intérêt hormis ses artisans-verriers.

Venise est juste en face. On distingue bien l’alignement des maisons du quai nord où nous accosterons dans quelques minutes. Mais auparavant nous dépassons une île carrée entourée d'un mur de brique, le cimetière de Venise. 
Photo R Ostmann flickr



Rentrés à l’appartement, nous transférons nos photos avant de ressortir prendre le vaporetto à Zaccaria pour dîner dans le Cannarégio.
Photo B Nicolas
Certains rios de ce quartier ont été comblés et forment de larges rues qui conservent le nom de rio. Si le coin est plus animé que le Castello, l’ambiance demeure paisible, sympathique.

Photo Chericbaker Flickr
Le guide mentionne quelques restaurants servant une cuisine typique. Celui qui nous plait le plus est fermé. Le second est rempli de monde et la sono marche à fond. Le guide en cite un autre, plus loin, Fondamenta Ormesini. Nous y allons.
Ce quartier attire beaucoup de jeunes. Le soleil étant assez bas, une lumière orangée illumine la surface de l’eau et les maisons.



Le restaurant est ouvert, mais personne n’y mange !... En fait, si. La clientèle est installée dans la cour de l'autre côté de la salle principale. 

Photo H Lynn Flickr

L’accueil et la nourriture sont excellents, leur Spritz, parfait. Ma femme se laisse tenter par l’autre apéritif vénitien le Bellini (à base de Prosecco et de jus de pêche blanche) 
Photo S Sphar Flickr


Les plats que nous choisissons, friture de petits poissons pour Brigitte, calmars à la polenta pour moi, correspondent à nos attentes. La cuisine est de bien meilleure qualité que celle du restaurant précédent.


Au retour, nous longeons le rio di san Girolano puis celui de la Misericordia. Une scène pittoresque s’offre à nous en passant devant un restaurant de quartier. Des jeunes en sortent avec assiettes garnies, verres de vin, couverts puis s’assoient sur le quai et mangent à même le sol ! D’autres, assis le long du canal, les pieds pendant au-dessus de l’eau tournent le dos aux passants. On voit tout de suite qu’il ne s’agit pas d’une situation exceptionnelle, c’est l’habitude de la maison. J’essaie d’imaginer une telle scène en France !
Bien qu’il y ait plus de monde que dans notre quartier, nous éprouvons le même sentiment de calme, de sécurité. Il fait nuit. Dans une ruelle, nous croisons un homme vêtu d'un costume sombre et coiffé d'un chapeau à larges bords. Un peu plus loin, un autre homme est accompagné de deux garçons. 


Photo Wokka Flickr
L’adulte porte un costume sombre et un chapeau noir à bords moins larges que le précédent, tandis que les garçons portent une Kippa. Nous traversons le quartier du Cannarégio abritant la communauté juive de Venise. 

Après avoir longé le rio san Lorenzo, nous le franchissons au pont du Lion. L’immeuble d’en face est allumé. Ses fenêtres, grandes ouvertes, laissent voir l’aménagement intérieur. Je m’arrête pour admirer le superbe plafond aux poutres vernies, et le mobilier ancien. Un coup de coude de ma femme me fait comprendre que c’est impoli de regarder ainsi chez les gens. Comme nous arrivons de l’autre côté du pont, la porte de l’immeuble s’ouvre brusquement. Je me raidis.
Un petit chien noir, frisé, en jaillit, suivi de deux fillettes brunes en minijupe noire et mules noires. On dirait des jumelles en tenue de danse. Elles s’élancent à la poursuite du chien dans la ruelle étroite, peu éclairée, longeant leur maison puis disparaissent en riant dans une autre.  Y a-t-il une autre ville où les parents laisseraient leurs fillettes sortir le chien à une heure aussi tardive dans des ruelles sombres et désertes ? Nous sommes à Venise !...





Lundi 27 juin. 7e jour



Photo B Nicolas

Nouvelle journée, art contemporain. Ce matin, visite du Centre International d'Art Contemporain de F Pinault installé de l’autre côté du grand Canal dans le bâtiment triangulaire de l'ancienne douane de mer. 

Photo Houbazur Flickr
Cet après-midi, visite du prestigieux palazzio Grassi où une exposition temporaire et d’autres œuvres de la collection Pinault sont présentées.
La pointe de la douane étant située à peu près en face de la Piazza san Marco, il suffit donc de traverser le Grand Canal, mais dans notre sens, le vaporetto ne le traverse qu’à hauteur de Accadémia.
Nous devons donc redescendre, à pied, de l’autre côté, jusqu’à l’église de la Salute dont le dôme énorme se voit très loin dans la lagune. Nous visitons la Salute avant d’entrer à la fondation Pinault.

Photo Grzegorz Kochan Flickr

Cette église monumentale du XVIIème, n’a pas de nef. L’architecte a choisi un plan octogonal pour symboliser une couronne et rendre, ainsi, hommage à la vierge suite à une épidémie de peste. À l’intérieur, les proportions de l’édifice seraient écrasantes s’il n’y avait pas cette haute coupole.

Photo Cochonou Flickr



Je n’aime pas l’intérieur, il est glacial. L’absence de mobilier permet, en revanche, d’admirer le dallage de marbre assemblé en rosaces. Superbe travail mais glacial ! 
Photo YkengShih Flickr



Changement radical à la douane de mer. Ici, l'architecte Tadao Ando a restauré le bâtiment triangulaire de la douane avec une extrême sobriété tout en offrant au public une agréable sensation de confort. 
Photo Beloutrerieuse Flickr


L’œil glisse sur des parois neutres pour se focaliser sur les œuvres exposées. La restauration ne cache rien des transformations antérieures du bâtiment dont elle tire profit. (très tendance) Les anciens murs de brique et de pierre côtoient le béton armé lissé, le verre, le bois. 


Photo Happy Famous Artists Flickr
Ce centre d’art contemporain abrite d’une part des pièces de la collection de F Pinault, d’autre part des expositions temporaires.
L’exposition en cours, Éloge du doute, présente soixante-dix œuvres de dix-neuf artistes dont plusieurs sont peu connus. Certaines oeuvres privilégient la pureté esthétique, d’autres, plus provocatrices, soulignent les ambiguïtés et les conflits de notre époque.
 La qualité des œuvres présentées est supérieure à la plupart de celles vues à la Biennale. Nous terminons la visite en découvrant les collections de F. Pinault et là, nous sommes tous les deux conquis. Mais interdiction de prendre la moindre photo !

Contrairement à l’aller, le vaporetto traverse immédiatement le Grand Canal au retour. Nous embarquons devant la Salute puis avons le choix de descendre en face, soit à  san Marco, soit à Zaccaria.

Les deux arrêts ne sont séparés que part l’espace réservé aux gondoles qui déposent leurs passagers, devant l’entrée de la piazza san Marco. Le prix, d’une sortie en gondole étant de 100 euros ; mieux vaut être nombreux !

Photo gzap Flickr













Il faut une nouvelle fois couper la foule des touristes pour atteindre le porche magique et s’enivrer de calme dans le labyrinthe du Castello.
Fondamenta dell Osmarin, la femme en costume de carnaval est toujours là, masquée, saluant discrètement les passants. Cette réserve, si contradictoire avec sa tenue, m’intrigue vraiment.

En début d’après-midi, nous effectuons le chemin en sens inverse. Au lieu de prendre le vaporetto à Zaccaria, nous décidons d’aller au Palazzio Grassi, à pied. Cela nous fera le plus grand bien après avoir piétiné toute la matinée dans les salles de la douane.


Photo M Mohanram Flickr
Longeant le quai envahi par la foule, nous franchissons le ponte del vin puis celui della Paglia d’où les touristes mitraillent le pont des Soupirs situé en retrait dans le rio séparant le palais des Doges de la prison. 
Photo Einoia Flickr

Combien de fois ce pont des Soupirs est-il photographié, chaque jour ?...
Nous traversons l’entrée de la Place Saint-Marc puis continuons sur le quai Fondamenta dei Farine au-delà de l’arrêt du vaporetto san Marco.
Le quai se terminant brusquement au bord d’un rio sans pont, nous empruntons la dernière ruelle à droite et débouchons devant l’église san Moise
Photo Sean Munson Flickr
Sa façade baroque est garnie de guirlandes sculptées peu élégantes. Nous y entrons et découvrons de belles peintures dans la chapelle où une dame tenant pelle et balai s’oblige à ramasser silencieusement une invisible poussière.
À partir de san Moise s’ouvre une rue étrange, Calle Larga XXII Marzo, sans doute la plus large de la cité. On se croit sur le continent. Rien, ici, n’évoque la cité vénitienne. Les banques et les boutiques de grand luxe qui l’occupent offrent des façades standardisées sans grand intérêt. 
Photo Taver Flickr
La rue n’est pas très longue. Au bout, nous sommes à mi-chemin entre le Grand Canal, sur notre gauche, et La Fenice, à droite.

Les rues suivantes retrouvent le cachet vénitien Des ponts pittoresques, des rios-miroirs dans lesquels le reflet des immeubles donne aux façades une hauteur trompeuse. Des gondoles y circulent.

Photo christheobscure Flickr
Nous croisons quelques touristes. Je ne dirai jamais assez comme il est agréable de se promener tranquillement d’un rio à l’autre, d’admirer une discrète sculpture à l’angle d’une maison, de s’arrêter brusquement au milieu de la rue, sans se préoccuper un instant de ce qui vient dans son dos. Quelle sérénité ! 
(Jouons au jeu des sept familles. Dans la famille, villes du monde, je demande, La Sérénissime !) Pourquoi appelait-on Venise, la Sérénissime ? Est-ce parce qu’il s’agissait de l’une des plus grandes puissances économiques d’Europe ? Quoi qu’il en soit, l’adjectif sérénissime lui va bien.
Photo B Nicolas
Nous voici Campo san Stefano, le plus grand campo de Venise s’ouvrant sur le Grand Canal, face au Musée Accadémia. Nous le traversons en diagonale puis empruntons la calle Fruttarol pour rejoindre le Palazzio Grassi tout proche. 
Nous cherchons un peu la porte d’entrée qui se trouve sur un côté du palais et non pas sur sa façade arrière.
Happy Famous Artists Flickr
Le Palais est remarquablement restauré. L’exposition en cours : Le monde vous appartient, présente les œuvres de 40 artistes.
Dès le vaste hall d’entrée, c’est l’enchantement avec Shütte,  Koons, 
Photo Mararie Flickr


Photo La Citta Vita Flickr
















et Joana Vasconcelos dont l’étonnante Contaminationcolonise insidieusement le hall avant de s’attaquer à l’escalier puis à l’étage. Cet enchantement ne faiblira pas de salle en salle.
Là aussi, certaines oeuvres jouent la carte esthétique tandis que d'autres nous interpellent brutalement sur la société actuelle. Le propos est pertinent dans les deux cas. Des œuvres nous plaisent beaucoup comme The Emergence of God at the Reversal of Fate de Murakami, d’autres nous déroutent ou nous mettent mal à l’aise. Très peu nous indiffèrent.
Une chose que je n’avais pas relevée, ce matin, me frappe, ici. L’humour.
Photo Tybo Flickr
Humour très fin ou caustique, d’une part, humour-dérision, de l’autre. Dérision amère soulignant de façon poignante la quête identitaire de sociétés totalement désorientées après l’éclatement de leur régime politique. Sociétés où le statut même de familles, de parent, d’enfant est interrogé. On le rencontre essentiellement chez des artistes originaires de pays issus du bloc soviétique et des Balkans.

Au retour, nous nous arrêtons sur le vaste Campo san Stefano pour acheter deux carnets chez l’un des rares artisans de Venise fabriquant encore le papier marbré.
Photo J Macdonald Flickr

À san Marco, nos pas nous conduisent tout naturellement au bar de quartier. "Buonasera ! Due Spritz per favore."

Fondamenta dell Osmarin, surprise ! La femme en tenue de carnaval a tombé robe et masque. Elle range ses affaires dans un sac. Il s’agit d’une jeune fille, d’environ 22 ans. Sa chevelure brune, bouclée, devait être une perruque, car, en réalité, ses cheveux sont châtains, non frisés. Elle achève de rentrer sa tenue dans un sac plastique puis, attrapant une bouteille d’eau, boit une longue gorgée. Elle a les joues rouges et semble fatiguée.

Pas de sortie nocturne, ce soir. Nous rangeons nos affaires, car le départ est pour demain. La sensation que l’on vient juste d’arriver que l'on en a fait si peu rend cette échéance d’autant plus désagréable !
Après nous être promenés un moment, attirés de tous côtés dans ces superbes ruelles, après avoir franchi plusieurs ponts pittoresques, découvert une charmante petite église et de belles maisons sur un campo arrondi, nous cherchons à nous orienter. 
Le plan, c’est bien, mais le nom des rues est écrit si petit que nous n’arrivons pas à les lire, de nuit, même sous un lampadaire. Et chercher à s’orienter sur le plan d’un quartier quand on se trouve dans un autre est encore moins aisé !!!

Nous reconnaissons enfin une ruelle empruntée ce matin au retour du marché. Sauvés !
 Pas vraiment, la place de l’église où cette ruelle débouche nous est totalement inconnue. (Manifestation d’un peu d’énervement, de part et d’autre…) N’arrivant pas à lire le plan, nous partons au petit bonheur et, miracle, débouchons sur le rio san Lorenzo à cent mètres de chez nous.




Mardi 28. Dernier jour


Photo S Di Zanutto Flickr
L’appartement est nettoyé, nos valises sont prêtes. Mme Derome arrive à midi, comme convenu pour l’état des lieux. 
Photo B Nicolas
Photo B Nicolas


Elle nous restitue le chèque de caution sans inspecter l’appartement, demandant juste si nous avons cassé quelque chose. Nous n’avons rien cassé. 

 Nous sommes partis. S’il fait aussi chaud que les jours précédents, il manque ce petit vent qui nous a accompagnés toute la semaine. Je peine à traîner la grosse valise sur les pavés des ruelles du Castello et ma chemisette me colle désagréablement au dos. Nous avons pourtant choisi une itinéraire ne franchissant que cinq ponts sur les 400 de la ville 

Quai Fondamenta Nuove, j’apprécie de m’asseoir un peu, à l’ombre, dans l’abri du ponton. Le bateau arrive. Il est très effilé et beaucoup plus bas sur l’eau qu'un vaporetto.
Photo Piaser Flickr
Comme sur ces derniers, on y accède par le milieu, près de la cabine de pilotage. L’amoncellement de bagages entassé là indique que celui-ci a déjà fait plusieurs arrêts avant le quai nord. On peut s’asseoir, soit à l’avant, soit dans la partie arrière. L’avant étant plein, nous trouvons deux places côte à côte dans la partie arrière.
Quand le bateau part, on sent à la poussée du moteur qu’il s’agit d’un engin beaucoup plus puissant que le vaporetto.

Contrairement à ce que je pensais, le bateau ne rallie pas directement le continent, il s’arrête prendre des voyageurs à Murano, juste en face. 
L’arrêt est court, peu de voyageurs montent. Une fois reparti, il accélère brusquement et met moins de vingt minutes pour rallier l’aéroport Marco Polo.
 Les bâtiments proches de l’embarcadère, repérés sur internet, ne sont pas ceux de l’aéroport, mais des parkings à étages. Nous devons donc emprunter un passage couvert et tirer la valise pendant dix minutes pour rejoindre l’aérogare.

L’enregistrement s’effectue rapidement. Que c’est agréable de ne plus tirer cette grosse valise ! Au moment de passer sous le portique, ma femme fait une bonne blague au policier italien qui ne rit pas du tout.
Mallette d’ordinateur et sac à dos récupérés, nous empruntons un escalier roulant qui nous dépose à l’étage supérieur dans un vaste hall abritant : boutiques détaxées, restaurants, bar à vins, borne internet...
Il reste une heure avant le départ. De nos sièges, nous apercevons la lagune, comme nous apercevions la mer du Nord et ses bateaux à travers les verrières du quai de la gare d’Amsterdam.

L’avion part vers 16 h 30. Ce qui nous frappe, c’est d’arriver si vite au-dessus des Alpes. Il se pose à 18 h sur l’aéroport de Roissy. Une fois la valise récupérée, nous gagnons Paris en taxi. Il fait lourd, le temps se couvre. Il se met à pleuvoir.


Photo Nemodus Flickr

Venise aura été un tel dépaysement que quelques jours seront nécessaires pour redescendre sur terre.





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