jeudi 7 mars 2013

À propos du film "Syngué Sabour"

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 Syngué Sabour   

(Pierre de Patience)



Un film de Atiq Rahimi


Ce huis clos se déroule dans une pièce quasiment vide au milieu des combats à Kaboul. Bien que l’histoire se passe dans un pays où l’homme se réserve la parole, c’est une jeune femme qui parle.

Lui (Hamid Reza Javdan) a reçu une balle dans la nuque et gît dans le coma, aux pieds de son épouse.
Elle (Golshifteh Farahani) veille sur son mari, lui lave le visage, lui parle sans cesse, espérant  qu’il reprenne conscience.  Sa voix envoûtante, entrecoupée seulement du fracas des combats, ne nous lâche plus. Elle lui parle, demande la permission de faire ceci ou cela. Comment pourrait-il lui répondre dans son état ?
Sa voix est un long monologue allant crescendo. S’il ne se réveille pas, que va-t-elle devenir avec ses deux petites filles ? Le reste de la famille a déjà fui la zone de combats. Elle est égarée, prisonnière de ce lieu.

La voix s’adoucit mais formule des reproches, des regrets. Quelle absurdité de prendre cette balle dans la nuque pour une stupide histoire de fierté blessée ! Et pourquoi se marier quand on est toujours absent ? Il n’était même pas présent au mariage, une photo remplaçait le héros parti combattre. D’ailleurs, elle n’a pas eu son mot à dire dans ce mariage. S’il se réveillait saurait-il s’occuper d’elle, l’aimer ? Bien qu'il soit dans le coma, entend-il ce qu’elle dit ?...

Sa voix devient confidence, elle parle de son corps, de ses désirs, révèle ses secrets de femme les plus enfouis, se libère totalement. À présent, la confidence déferle au-dessus du mourant, elle devient si intime que le fracas des mots sortant de sa bouche fait écho à celui des combats du dehors. « Mais, qu’est-ce que je dis ? Suis-je folle ? » De tels mots ne sortent jamais de la bouche d’une  femme afghane. « Non, je ne suis pas folle » déclare-t-elle avec lassitude, mais délivrée, dévoilée par la parole.




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