Lundi 20. Départ
Austerlitz, 19 h 00. Arrivés par le train en provenance de Blois, nous gagnons, en bus, la gare de Paris-Bercy où une foule de voyageurs occupe le hall. Visages soucieux, tous lisent le message défilant en continu au-dessus du panneau des horaires de départs : le train Paris-Rome arrivera à Rome avec un retard de trois heures en raison d’un incendie survenu dans le tunnel du Simplon, en Suisse. Heureusement que nous allons à Venise !
La femme et l’homme âgé qui partagent notre compartiment sont très sympathiques. Ils connaissent bien Venise et s’y rendent, cette fois-ci, pour faire une excursion sur le Pô.
Le train part à 20 h 33. Nous discutons tous les quatre pendant deux bonnes heures en attendant que quelqu’un vienne déplier les couchettes, comme dans le train de Barcelone. Ne voyant venir personne, nous nous débrouillons seuls. Ma femme et moi prenons les couchettes du haut. Nous somnolons plus que nous dormons et rouvrons l’œil à chaque ralentissement. Tard dans la nuit, le train s’arrête, on ne sait où, recule, change d’aiguillage, s’arrête à nouveau un long moment. Il repart enfin, très lentement. Je m’étais presque endormi.
Mardi 21 juin. 1er jour
Le train de nuit ne s’arrête plus, il roule. Je finis par trouver le sommeil sur le matin et il fait grand jour lorsque je me réveille. Nos compagnons de voyage sont sortis dans le couloir, ma femme est réveillée. Nous nous habillons puis gagnons le cabinet de toilette (infect !)
Il est près de huit heures. Nous sommes donc entre Milan et Venise puisque le train doit y arriver à 9 h 34. En repliant la couchette du bas, j’arrache l’accoudoir ! Je le remets en place comme je peux. Ma femme trouve le train vétuste et juge qu’il doit être largement amorti.
Nous discutons avec nos compagnons de voyage tout en suivant le paysage par la fenêtre. Des rizières défilent à n’en plus finir. L’homme âgé s’étonne d’en trouver ici, car il avait l’habitude d’en voir, bien avant, entre Turin et Milan, lorsqu’il effectuait ce parcours en voiture. N’étant jamais venu en train, il pense que la route passe beaucoup plus loin. Le train s’arrête dans une ville inconnue. Des drapeaux italiens sont aux fenêtres. Y a-t-il une fête ?
Puis c’est la mauvaise surprise. Nous n’entrons pas en gare, de Mestre (Venise sur le continent) mais en gare de Milan ! Nous avons trois heures de retard ! Pour traverser les Alpes, notre convoi a donc emprunté le même trajet que le train de Rome…
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Photo Groume Flickr |
Il était convenu avec la propriétaire de l’appartement qu’elle nous attende à 9 h 45 au vaporetto, Zaccaria ; jamais nous n’y serons ! Ayant son portable, nous la prévenons de notre retard et elle propose de la rappeler dès notre arrivée à Santa Lucia (gare de Venise)
Inutile de préciser que plus aucune rizière n’apparaît dans le paysage, après Milan ! Le train s’arrête à Brescia (où nous apercevons l’extrémité de l’immense lac de Garde) Vérone, Padoue, Mestre, enfin ! Il est 12 h 10.
Il fait beau, mais la ville paraît triste. Les grues du port se découpent à contre-jour au-dessus des maisons. Reparti de Mestre, le train emprunte aussitôt le pont sur la lagune.
Malheureusement, la vue est gâchée par le grand complexe pétrochimique de Porto Marghera, à droite. C’est un peu comme si la raffinerie de Donges se trouvait face au mont Saint-Michel plutôt qu’abritée dans l’estuaire de la Loire. Heureusement, Venise est loin dans la lagune. Lorsque nous y arrivons, nous ne voyons presque plus le continent.
Santa Lucia, 12 h 35 au lieu de 9 h 34. Après avoir été baladés d’un guichet à l’autre dans le hall, nous trouvons celui où nous avions réservé un pass vaporetto pour la semaine. Il se trouve, en fait, à l’extérieur sur l’esplanade bordant le Grand Canal.
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Photo Richard Flickr |
Le vaporetto partant à gauche descend le Grand Canal. Il y a une queue monstre ! Celui de droite (ligne 42) sort directement sur la lagune au niveau du port et arrive beaucoup plus rapidement à Zaccaria. Nous prenons celui-là.
Si la queue est moins importante, le vaporetto est quand même bondé au départ. Après 17 h 30 de train, je suis trop fatigué pour apprécier réellement le somptueux paysage entre le quartier du Dorsoduro et l’île de la Guidecca.
Vu les nombreux arrêts sur cette île, Ma femme craint que nous ayons pris le mauvais bateau et que celui-ci se dirige vers le Lido. J’ai beau être sûr d’avoir vu le n° 42 inscrit sur sa coque, la fatigue me fait douter, je suis inquiet moi aussi. C’est le bon vaporetto ! Après le dernier arrêt sur Guidecca, il traverse la lagune en direction de san Marco et s’arrête, juste après le palais des Doges, à Zaccaria.
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Photo Footage flickr |
La propriétaire nous ayant envoyé sa photo par courriel, nous l’identifions tout de suite. Il fait très chaud.
À cet endroit, le quai est large et beaucoup de touristes s’y pressent. Le fameux hôtel Danieli se trouve juste à notre gauche avant le palais des Doges. La foule se dirige dans cette direction pour apercevoir le pont des Soupirs, un peu plus loin.
À cet endroit, le quai est large et beaucoup de touristes s’y pressent. Le fameux hôtel Danieli se trouve juste à notre gauche avant le palais des Doges. La foule se dirige dans cette direction pour apercevoir le pont des Soupirs, un peu plus loin.
Photo B Nicolas |
La propriétaire parle parfaitement le français qu’elle enseigne au lycée de Mestre. Elle nous entraîne vers un immeuble bordant le quai. Étonné, surtout fatigué, je me dis qu’il y a peut-être des papiers à remplir dans un bureau quelconque situé là… Mais non ! C’est un raccourci. Nous passons sous le vieil immeuble et débouchons dans un dédale de ruelles devenant de plus en plus calmes au fur et à mesure que nous nous éloignons du quai.
Son appartement est à 10 minutes à pied. Je profite peu du cadre, car en plus de la fatigue, je tire la valise sur les pavés des ruelles ou la porte pour franchir chaque pont. Le parcours du combattant ! Ma femme aussi est chargée avec le sac à dos et la mallette d’ordinateur. Heureusement, le trajet est court.
La rue que nous remontons maintenant longe le rio della Piéta et s’arrête face à un mur sous une série d’arcades. À droite, un pont franchit le rio, nous sommes presque arrivés. Avant de le franchir, la propriétaire nous indique une porte verte, sous les arcades, une épicerie se trouve là. « Disposer d’une épicerie aussi près de chez soi est un luxe à Venise », assure-t-elle. Nous allons le vérifier chaque jour en voyant les habitants pousser leur chariot de provision à roulettes, et les plus âgés se faire aider pour franchir les ponts.
De nombreux rios ne sont accessibles qu’en bateaux. D’autres ont une rue nommée Fondamenta, sur l’un des côtés, comme celle au bout de laquelle nous arrivons.
De l’autre côté du pont il n’y a donc pas de rue, mais un large porche, sous l’immeuble en bordure du rio. Après avoir descendu quelques marches sous ce porche, nous débouchons sur une impasse : Corte Nuova. L’appartement se trouve au fond, à droite dans un bâtiment de deux étages. Quel calme !
Le hall d’entrée est assez grand, l’escalier très étroit. Un dernier effort pour porter la valise au 1er ! La porte de l’appartement ouvre sur le séjour. Côté gauche, deux fenêtres donnant sur l’impasse encadrent un canapé et une table basse, en verre, posée sur un tapis. À droite de l’entrée, la salle de bains et les toilettes sont séparées du salon par deux portes successives, coulissantes. Immédiatement après ces portes coulissantes, face au canapé, se dresse une grande penderie avec une niche recevant : écran plat, livres et documentation sur Venise. Sous la niche, deux grands tiroirs permettent de ranger pas mal de linge. Après le meuble-penderie, la pièce forme un angle aménagé en cuisine. Une table ronde avec des chaises en cuir est placée contre le mur du fond entre coin-cuisine et séjour.
À gauche de la porte d’entrée se trouve celle de la chambre dont les deux fenêtres donnent également sur l’impasse.
La propriétaire nous fait quelques recommandations avant de nous quitter. Elle a laissé sur la table une bouteille de Proseco (pétillant local), et un sachet de ces petits biscuits que nous verrons partout dans les magasins à Venise.
Il est treize heures trente. Bien que fatigués, nous avons faim. Nos affaires rangées, nous descendons faire quelques courses à l’épicerie. Traverser le pont sans valise… un vrai bonheur !
Sous les arcades, l’épicerie n’a ni vitrine ni enseigne, seule la porte verte, grande ouverte, révèle les rayonnages intérieurs.
L’équivalent vénitien de notre administration des monuments historiques s’oppose sans doute au percement de larges vitrines ou à la pose d’enseignes sur ces maisons anciennes. Très profond, le magasin est finalement assez grand et très bien achalandé. Paniers et caddies attendent, à l’entrée, près des deux caisses enregistreuses.
Il est treize heures trente. Bien que fatigués, nous avons faim. Nos affaires rangées, nous descendons faire quelques courses à l’épicerie. Traverser le pont sans valise… un vrai bonheur !
Sous les arcades, l’épicerie n’a ni vitrine ni enseigne, seule la porte verte, grande ouverte, révèle les rayonnages intérieurs.
L’équivalent vénitien de notre administration des monuments historiques s’oppose sans doute au percement de larges vitrines ou à la pose d’enseignes sur ces maisons anciennes. Très profond, le magasin est finalement assez grand et très bien achalandé. Paniers et caddies attendent, à l’entrée, près des deux caisses enregistreuses.
Quelques précisions sur Venise.
Tout le monde dit Venise et non pas l’île de Venise. Cela s'explique par le fait que Venise se compose de plusieurs dizaines d’îlots séparés par des rios. Ces îlots sont divisés en quartiers. Venise possède six grands quartiers et quelques sous-quartiers reliés par quatre cents ponts.
L’île de Murano, tout proche, est aussi composée de plusieurs îlots, idem pour les îles de Burano et Torcello.
Au niveau administratif, ça se complique. Venise se compose de toutes les iles de la lagune, ainsi que du sud de la ville de Mestre sur le continent. Si Venise proprement dite possède 60 000 habitants. La Commune de Venise en comprend 270 000.
Après déjeuner, après une petite sieste et une bonne douche, nous quittons l’appartement, munis du Guide du Routard 2011.
Au milieu de notre impasse se dresse un puits fermé. Nous découvrirons qu’il y en a partout dans Venise. Il s’agissait de réserves d’eau d’une profondeur pouvant atteindre 5 à 6 mètres, seul moyen, autrefois, pour alimenter la ville en eau potable.
Sous le porche étroit d’un immeuble de notre ruelle se trouve une niche avec une vierge. Un rebord permettait d’y déposer des bougies puis une ampoule électrique y a été installée. Elle ne fonctionne plus depuis longtemps. En avançant sous ce porche, nous constatons qu’il débouche sur un minuscule couloir pavé. Puis nous réalisons qu’il ne s’agit pas d’un couloir mais d’une ruelle, laquelle communique avec d’autres ruelles débouchant sur une rue avec des magasins. Notre impasse n’en est pas une ; c’est une ruelle communiquant avec les autres par deux porches d’immeubles. Un vrai labyrinthe ! Il faudra se faire à l’idée qu’ici, une rue ne fasse qu’un mètre de large !
Le quartier où nous habitons se nomme Castello. Il y a peu de monde, encore moins de touristes dans ces petites ruelles.
Nous arrivons sur un campo devant l’église san Francisco della Vigna. La façade est de Palladio. (Impossible de ne pas retenir ce nom d’architecte, omniprésent à Venise) L’intérieur est intéressant, sans plus. Une porte ouverte du bas-côté nous attire vers une chapelle située de l’autre côté d’un couloir aux dalles polies, satinées, usées à force d’y marcher. Ce couloir conduit à un cloitre qui nous séduit par son harmonie et sa simplicité.
Photo B Nicolas |
Depuis notre sortie de l’appartement, le calme ambiant nous surprend.
Que c’est agréable ! Presque aucun bruit ne nous parvient. Est-ce dû, uniquement, à l’absence de voitures ?
Nous poursuivons notre promenade au hasard des ruelles et, malgré le plan détaillé, débouchons, côté arsenal, à l’opposé de l’endroit où nous pensions aller. Les quais du nord sont tout proches. Nous les rejoignons et remontons le Fondamenta Nuove vers l’ouest.
Dans la lagune, l’île saint Michel (cimetière de Venise) et l’île de Murano, semblent toutes proches. Poursuivant sur le quai, nous arrivons à une station de bateaux ambulance avec gyrophares. Dans l’un d’eux, une équipe se tient prête à intervenir.
Dans la lagune, l’île saint Michel (cimetière de Venise) et l’île de Murano, semblent toutes proches. Poursuivant sur le quai, nous arrivons à une station de bateaux ambulance avec gyrophares. Dans l’un d’eux, une équipe se tient prête à intervenir.
À l’extrémité ouest du Castello, nous franchissons le large rio dei Mendicanti et passons dans le quartier du Cannarégio. C’est là que se trouve la station de bateau Alilaguna effectuant la navette entre Venise et l’aéroport Marco Polo, sur le continent. Ayant prévu un retour en avion, nous prenons quelques renseignements et sommes heureux de constater qu’il y a un départ toutes les heures.
Revenant sur nos pas, nous franchissons à nouveau le rio séparant les deux quartiers puis descendons le long de l’hôpital. Une passerelle en bois enjambe un bras étroit du rio dei Mendicanti, lequel s'enfonce sous un passage voûte de l'hôpital. Il s'agit d'un accès de type SAMU car des bateaux ambulances sont à quai de chaque côté.
Cela surprend ; je n'avais jamais envisagé, en ville le transport des malades par bateau !
Cela surprend ; je n'avais jamais envisagé, en ville le transport des malades par bateau !
B Nicolas |
La façade de l’hôpital ressemble à celle d’une église vénitienne ; elle donne sur le campo san Giovanni et Paulo, place paisible avec son inévitable puits fermé, quelques terrasses de café, et un marchand de glace ! Je choisis un cornet à deux boules, café/nougat, prenant soin de le tenir avec la serviette en papier que l'on me tend pour ne pas me tacher. Raté !
Comment m’y suis-je pris ? Mystère. Une grosse tâche orne ma braguette. Je termine le trajet en la dissimulant avec le Guide du Routard. Une fois à la maison je nettoie mon pantalon puis cherche un endroit où l’étendre. Je dois avoir l’air empoté, car ma femme me le prend des mains et, en bonne Italienne, se penche à la fenêtre pour le suspendre aux fils coulissant d’une maison à l’autre. Aurait-elle été Vénitienne dans une autre vie ?
Les fenêtres de l’appartement d’en face sont grandes ouvertes. Si notre appartement est loué chaque semaine, ceux d’en face ne doivent jamais apercevoir les mêmes têtes et je trouve cela cocasse. Un spectacle peut-être plus intéressant que la télé de Berlusconi…
Installés dans le canapé, fenêtres grandes ouvertes, nous transférons les photos de l’après-midi sur l’ordinateur quand le son d’une clarinette rompt le silence. Cela vient de l’immeuble en vis à vis, mais pas de l’appartement d’en face. La mélodie vient de celui du second aux fenêtres également grandes ouvertes. Un fin maillage protège ses ouvertures. S’il arrête les moustiques, il laisse passer la musique ! La mélodie est très agréable.
Les photos une fois enregistrées, nous ouvrons la bouteille de Prosecco. Le goût est inattendu, un peu amer, j’aime moyen. Une recherche Internet m’apprendra que Prosecco est le nom d’un cépage. On le cultive au nord de Venise, dans les collines de la province de Trévise entre les villes de Conegliano, Valdobbiadene et Cartizze. Seul le Prosecco de Cartizze est élaboré selon la Méthode traditionnelle, les autres, élaborés en cuve close, sont de simples mousseux.
Nous avons eu tort de dormir les fenêtres ouvertes ! De tout petits moustiques, friands de viande française bio, m’ont obligé à me relever en pleine nuit pour les fermer.
Mercredi 22 juin. 2e jour
À 9 h 30, nous partons au marché qui se tient, chaque jour au bord du grand Canal, de l’autre côté du pont du Rialto. Une fois en route, nous ne résistons pas à l’envie de faire un détour par la place Saint-Marc, l’une des plus célèbres au monde.
Photo B Nicolas |
San Marco est à la fois le nom du quartier, le nom de la place, et le nom de la basilique dédiée à ce saint dont le corps momifié avait été volé de façon rocambolesque en 828, à Alexandrie, par deux marchands vénitiens.
Piazza san Marco est la seule place de Venise à se nommer piazza ; toutes les autres portent le nom de campo. Le palais des Doges jouxte la basilique qui était à l’origine la chapelle du Doge. Face à eux : le campanile puis les Procuratie, long bâtiment abritant plusieurs Musées qui cerne la place sur trois côtés.
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Photo Flick.fr |
L’accès principal à la place Saint-Marc se situe au sud, par le quai, entre l’extrémité des Procuratie et le palais des Doges. On y accède aussi par une série de ruelles invisibles débouchant discrètement sous les arcades des Procuratie, côtés nord et ouest.
La Piazza san Marco étant le point le plus bas de Venise, la lagune l’envahit à chaque forte marée. Ces périodes d’acqua alta nécessitent la mise en place de passerelles démontables pour que les touristes puissent y accéder. Les fortes marées touchent d’autres quartiers et je ne serais pas surpris que Venise soit la ville d’Europe possédant le plus grand nombre de paires de bottes par maison !
Malgré le chantier entourant le pied du campanile, la place est si belle que nous y restons plus d’une heure. Sous l’un des cinq porches en façade de la basilique, nous admirons la seule mosaïque d’origine de l’édifice (milieu du XIIIe) située dans la lunette du dernier portail à gauche. Elle représente l’arrivée du corps de saint Marc à Venise.
Photo B Nicolas |
Nous effectuons un tour de la place sous les larges arcades abritant des boutiques de luxe. Les prix affichés aux vitrines expliquent sans doute pourquoi il y a plus de monde en plein soleil sur la place que dans ces magasins climatisés.
Café Florian Photo B Nicolas |
Nous passons devant les deux grands cafés de Venise : Gran caffé Quadri, côté nord de la place, et le mythique Florian, juste en face, où un groupe de musiciens se produit lorsque nous passons. Il est près de onze heures quand nous nous arrachons à la magie du lieu pour filer au marché.
Le trajet entre la piazza san Marco et le ponte Rialto est enfantin ; l’itinéraire est fléché en jaune sur les murs des ruelles. Problème, tout de même, nous ignorions qu’il s’agit de l’axe touristique majeur de la ville ; des milliers de touristes s’y engouffrent chaque jour, photographiant avec frénésie, même les vitrines !
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Photo Cochonou Flickr |
Comment sortir d’un tel piège ? Ni l’un ni l’autre n’avons de bouée ! Le flot multilingue nous abandonne bientôt au pied du fameux pont en haut duquel les gens se précipitent pour photographier le Canal Grande. Il ne reste plus qu’à franchir ce rideau de paparazzi pour redescendre de l’autre côté du pont.
Le marché du Rialto est paisible, très coloré, un vrai bonheur. Bien qu’il y ait du monde, nous ne sommes pas au milieu d’un flot de touristes pressés, ici, les gens effectuent tranquillement leurs courses.
Des étals de poissons côtoient ceux de fruits et légumes, certains vendeurs chantent, d’autres blaguent avec les passants. Rien à voir avec le marché de la Boqueria, à Barcelone, spectaculaire, chic, très urbain où les fruits sont alignés au cordeau. Ici, l’ambiance évoque davantage celle d’un marché de campagne. Très agréable !
B Nicolas |
Nous choisissons l’étal d’une agricultrice affichant la quarantaine et un sourire engageant. Elle a la peau hâlée des personnes qui travaillent en plein air. Ne connaissant pas un mot d’italien nous lui montrons les melons en faisant le chiffre 2. Elle nous adresse un petit sourire et dit dans un français impeccable : deux melons ? C’est pour manger aujourd’hui ?... Ceux-là seront parfaits. Il vous faut autre chose ?... Et sans accent !
Nous lirons dans l’un de nos guides que beaucoup d’Italiens parlent français, les enfants l’apprennent, très tôt, à l’école. Ce guide dit aussi qu’en Italie on ne touche pas les fruits avec les mains, c’est très mal vu. Des panneaux le rappellent d’ailleurs à plusieurs reprises (aux Français ?)
Les étals de poisson sont si tentants que nous achetons deux tranches d’espadon.
Je suis frappé par la circulation intense du Grand Canal. Les vaporettos y naviguent toute la journée, s’arrêtant, tantôt rive droite, tantôt rive gauche, coupant la circulation aux autres embarcations.
B Nicolas |
Il y a ensuite les bateaux faisant office de taxi qui louvoient entre les petites embarcations pour déposer leurs clients, ici et là. Et il y a les gondoles, plus lentes.
Le matin, il y a aussi les bateaux de livraisons sur lesquels s’entassent toutes sortes de produits. Et comme il n’y a pas assez de monde, ajoutons les petits bateaux privés qui se faufilent entre les autres embarcations. En début de matinée, toute la vie vénitienne semble concentrée sur le Grand Canal.
Photo B Nicolas |
Aux accostages, j’observe avec intérêt l’habileté des employés (garçons et filles) pour attraper le bollard du ponton avec leur cordage.
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Photo Guillaumeo Flickr |
Ils l’enroulent aussitôt au bollard du vaporetto en le croisant ce qui évite de faire un nœud. Le cordage se tend en émettant un grincement sinistre. Dompté, le vaporetto se range contre le ponton. L’employé (le marin ?) fait alors coulisser la partie amovible du bastingage pour que le public puisse sortir avant que d’autres y montent.
Dès qu’une personne âgée se présente, l’employé lui prend le bras, l’aide à monter ou descendre, tout en bavardant, et lui portant son sac. Idem pour les femmes enceintes ou les personnes ayant un bébé en poussette.
Photo B Nicolas |
Le Grand Canal est beaucoup plus calme l’après-midi, la majorité des bateaux de livraison étant repartis vers le continent.
À Zaccaria, nous devons, comme hier, nous frayer un chemin entre les touristes pour gagner le porche d’immeuble accédant aux ruelles du Castello.
Attirés par la somptueuse façade du palais des Doges, impatients de voir le pont des Soupirs, très peu de visiteurs remarquent ce vieux porche qui me fait l’effet d’une porte magique: il suffit de la franchir pour retrouver silence et sérénité.
Attirés par la somptueuse façade du palais des Doges, impatients de voir le pont des Soupirs, très peu de visiteurs remarquent ce vieux porche qui me fait l’effet d’une porte magique: il suffit de la franchir pour retrouver silence et sérénité.
Le melon était extra, comme l’espadon cuit à l’huile d’olive. Après une brève sieste, nous reprenons le vaporetto puis descendons à l’arrêt Accadémia pour visiter le Musée du même nom. Situé au bord du Grand Canal, dans le quartier du Dorsoduro, il accueille une collection impressionnante de tableaux couvrant la vaste période du XIVe au XVIIIe. Certaines salles disposent de chaises, ce qui permet de se reposer en contemplant les œuvres. Interdiction de prendre des photos. Le sol d’une des salles nous procure une sensation étrange en marchant ; il est ondulé ! Est-ce dû à l’effondrement de pieux soutenant l’édifice ?
Bien que certaines pièces soient fermées pour travaux, nous apprécions beaucoup la visite. En sortant, nos jambes sont lourdes d’avoir longtemps stationné devant les tableaux ; nous les dérouillons dans les ruelles du quartier.
B Nicolas |
Arrivés sur le quai au bord de la lagune, nous décidons de boire un verre à une terrasse de café aménagée juste au bord du canal, face à l’île de la Guidecca. Il fait très chaud, mais un vent léger, permanent, rend cette chaleur supportable.
Reposés, nous descendons le quai jusqu’à la pointe de la douane. Le bâtiment de l’ancienne douane de mer, occupait, ici, un emplacement stratégique à Venise.
Il a été restauré par un architecte japonais et abrite le Centre d’Art contemporain de la Fondation F. Pinault. Il complète ainsi ses collections déjà exposées au palazzio Grassi.
L’extrémité de la pointe, nous offre un panorama grandiose sur Venise : l’entrée de la place Saint-Marc et le palais des Doges, à gauche, les jardins de la Biennale, en face, la pointe de la Guidecca et l’îlot san Giorgio Maggiore, à droite. La sculpture contemporaine Boy with frog trônant à cette extrémité du Dorsoduro, me fait penser à la figure de proue d’un navire.
Photo P Nicolas |
Elle représente un jeune garçon, nu, tenant une grenouille par une patte. Cette sculpture de plus de deux mètres de haut, en marbre de Carrare, est du sculpteur américain, Charles Ray (ne pas confondre avec Ray Charles, ça fait crétin) Elle a été installée, ici, pour l’inauguration du Centre d’art contemporain, en juin 2009.
Photo B Nicolas |
Nous remontons sur une centaine de mètres, côté Grand Canal, jusqu’à l’arrêt de vaporetto de La Salute. Cette église impressionnante a été construite au XVIIe suite à une épidémie de peste.
Le bateau traverse et dépose successivement ses passagers aux pontons de san Marco puis de Zaccaria.
Il faut, à nouveau, franchir la foule pour gagner le porche magique. Comment se fait-il que parmi cette foule arpentant les quais si peu ont la curiosité de s’avancer sous ce passage ?...
Marcher tranquillement dans les ruelles si calmes du Castello, procure l’agréable sensation que la fatigue se dissipe.
À la nuit tombée, nous effectuons une promenade nocturne dans Venise.
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Photo Kim Valmer Flickr |
La place Saint-Marc, illuminée de soleil et noire de monde en journée, adopte la quiétude des ruelles du Castello. L’éclairage des monuments enveloppe les visiteurs. La foule, beaucoup moins dense, éparpillée sur ce vaste espace, se compose de couples, de familles avec enfants, je ne remarque aucun groupe guidé. Des vendeurs à la sauvette, pakistanais, proposent de petits jouets fluorescents qui, lancés haut en l’air avec un élastique, retombent lentement. Quelques personnes se laissent tenter.
Au Florian, comme au Gran caffé Quadri, un petit orchestre joue sur une estrade pour le bonheur des consommateurs assis en terrasse. Au Gran caffé Quadri, l’orchestre accompagne une chanteuse à la voix chaude qui captive les consommateurs. Quand elle s’arrête de chanter des applaudissent crépitent.
De nuit, l’ambiance est radicalement différente de celle, en journée. Si les éclairages effacent certains détails d’architecture de la basilique et des Procuratie, ils donnent au site une homogénéité plus grande encore. On s’y sent merveilleusement bien et cela se voit dans le comportement des visiteurs qui flânent, détendus, prenant tout leur temps.
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Photo Setaou Flickr |
Difficile de s’arracher à la magie du lieu ! Après un petit tour sous les arcades pour admirer de belles œuvres de verre au prix prohibitif nous empruntons l’une des ruelles s’enfonçant dans le quartier san Marco. Ayant le plan de la ville, nous sommes confiants. GROSSIERE ERREUR !
La première ruelle est magnifique. Elle longe un rio où stationnent des gondoles. La lumière des maisons se reflétant sur l’eau éclabousse leur coque laquée de couleurs improbables. Sur notre droite, un pont traverse un autre rio ; il dessert une grande maison Renaissance, illuminée.
Après nous être promenés un moment, attirés de tous côtés dans ces superbes ruelles, après avoir franchi plusieurs ponts pittoresques, découvert une charmante petite église et de belles maisons sur un campo arrondi, nous cherchons à nous orienter.
Le plan, c’est bien, mais le nom des rues est écrit si petit que nous n’arrivons pas à les lire, de nuit, même sous un lampadaire. Et chercher à s’orienter sur le plan d’un quartier quand on se trouve dans un autre est encore moins aisé !!!
Nous reconnaissons enfin une ruelle empruntée ce matin au retour du marché. Sauvés !
Pas vraiment, la place de l’église où cette ruelle débouche nous est totalement inconnue. (Manifestation d’un peu d’énervement, de part et d’autre…) N’arrivant pas à lire le plan, nous partons au petit bonheur et, miracle, débouchons sur le rio san Lorenzo à cent mètres de chez nous.
Mardi 28. Dernier jour
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Photo S Di Zanutto Flickr |
L’appartement est nettoyé, nos valises sont prêtes. Mme Derome arrive à midi, comme convenu pour l’état des lieux.
Photo B Nicolas |
Photo B Nicolas |
Elle nous restitue le chèque de caution sans inspecter l’appartement, demandant juste si nous avons cassé quelque chose. Nous n’avons rien cassé.
Nous sommes partis. S’il fait aussi chaud que les jours précédents, il manque ce petit vent qui nous a accompagnés toute la semaine. Je peine à traîner la grosse valise sur les pavés des ruelles du Castello et ma chemisette me colle désagréablement au dos. Nous avons pourtant choisi une itinéraire ne franchissant que cinq ponts sur les 400 de la ville
Quai Fondamenta Nuove, j’apprécie de m’asseoir un peu, à l’ombre, dans l’abri du ponton. Le bateau arrive. Il est très effilé et beaucoup plus bas sur l’eau qu'un vaporetto.
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Photo Piaser Flickr |
Comme sur ces derniers, on y accède par le milieu, près de la cabine de pilotage. L’amoncellement de bagages entassé là indique que celui-ci a déjà fait plusieurs arrêts avant le quai nord. On peut s’asseoir, soit à l’avant, soit dans la partie arrière. L’avant étant plein, nous trouvons deux places côte à côte dans la partie arrière.
Quand le bateau part, on sent à la poussée du moteur qu’il s’agit d’un engin beaucoup plus puissant que le vaporetto.
Contrairement à ce que je pensais, le bateau ne rallie pas directement le continent, il s’arrête prendre des voyageurs à Murano, juste en face.
L’arrêt est court, peu de voyageurs montent. Une fois reparti, il accélère brusquement et met moins de vingt minutes pour rallier l’aéroport Marco Polo.
Les bâtiments proches de l’embarcadère, repérés sur internet, ne sont pas ceux de l’aéroport, mais des parkings à étages. Nous devons donc emprunter un passage couvert et tirer la valise pendant dix minutes pour rejoindre l’aérogare.
L’enregistrement s’effectue rapidement. Que c’est agréable de ne plus tirer cette grosse valise ! Au moment de passer sous le portique, ma femme fait une bonne blague au policier italien qui ne rit pas du tout.
Mallette d’ordinateur et sac à dos récupérés, nous empruntons un escalier roulant qui nous dépose à l’étage supérieur dans un vaste hall abritant : boutiques détaxées, restaurants, bar à vins, borne internet...
Il reste une heure avant le départ. De nos sièges, nous apercevons la lagune, comme nous apercevions la mer du Nord et ses bateaux à travers les verrières du quai de la gare d’Amsterdam.
L’avion part vers 16 h 30. Ce qui nous frappe, c’est d’arriver si vite au-dessus des Alpes. Il se pose à 18 h sur l’aéroport de Roissy. Une fois la valise récupérée, nous gagnons Paris en taxi. Il fait lourd, le temps se couvre. Il se met à pleuvoir.
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Photo Nemodus Flickr |
Venise aura été un tel dépaysement que quelques jours seront nécessaires pour redescendre sur terre.
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