vendredi 9 août 2013

Remonter la Loire en remontant le temps !

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Embarquez en plein centre-ville de Blois, sur une réplique fidèle des anciens bateaux de Loire.
Installés dans un ou plusieurs bateaux suivant le nombre de personnes, découvrez le patrimoine architectural de Blois depuis le fleuve tandis que le guide évoque l’histoire de la Marine de Loire et ses anecdotes.





Il vous fera ensuite  découvrir la faune et la flore du fleuve, profitant  d’une halte sur un îlot pour repérer les traces de castors en répondant à vos questions.




Naviguez pendant une heure ou une heure trente au rythme des mariniers et vivez une expérience inoubliable ; fascination garantie pour les enfants !


























Photos Pierre NICOLAS  Tous droits réservés

Pour plus d'infos sur les diverses options de  promenades en Loire : http://www.observatoireloire.fr/







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jeudi 18 juillet 2013

Expo à la Fondation Cartier

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EXPO RON MUECK 



Les expositions de Ron Mueck sont si rares que l’on se presse pour ne pas rater pareille occasion. Bien que je sois arrivé très en avance à la Fondation Cartier, il me faut effectuer une heure de queue boulevard Raspail avant de pourvoir entrer.
J’avance entre un groupe d’Américains et une pipelette qui téléphone à son copain en m’envoyant le souffle de sa respiration dans le cou. Elle lui apprend, ainsi qu’à ceux attendant comme moi dans la file, que ses parents n’ont pas cru un mot à leurs explications, mardi soir. De toute façon elle s’en doutait, le plan était foireux. « … J’en sais rien, moi qu’est-ce qu’on fait !... Faut qu’on s’voie… Où j’suis ? J’fais la queue à une expo. C’est tellement blindé, j’sais pas si j’vais rester, il est presque midi !… » 

Une fois à l’intérieur, je retrouve l’ambiance feutrée du lieu avec cette lumière provenant des grandes baies vitrées et produisant mille reflets sur le sol satiné. Ouvert en 1994, le bâtiment de la Fondation Cartier a été conçu par l’architecte Jean Nouvel.



D’origine australienne, Ron Mueck est âgé de 58 ans. Il vit à Londres et, selon ses proches, passe des mois enfermé dans son atelier à créer ces sculptures hyperréalistes de corps humains. Après avoir utilisé la fibre de verre, il est passé à la silicone qui lui permet d’aller encore plus loin dans l’illusion de la réalité. Que ses sculptures aient l’air aussi vivantes produit chez le visiteur une sensation troublante. Comment le magicien Mueck peut-il atteindre une telle perfection ?

La première œuvre présentée aux visiteurs, Couple under an umbrella, (deux sexagénaires en tenue de bain sur une plage, sous un parasol) semble monstrueuse, en raison de son échelle, au moins le double de l’échelle humaine. Mais cette impression est tout de suite tempérée par l’expression si douce des visages, l’abandon des corps, cette complicité de vieux couple décelable dans les regards. 

À travers l’attitude des corps sculptés, l’habillement, la pose choisie, l’expression des visages, Ron Mueck nous fournit tellement d’indices sur ses personnages qu’on leur invente un passé, une histoire. Ils sont si vivants ! On s’attarde, on examine les petits détails époustouflants de la texture de la peau et ces gens acceptent  avec bienveillance notre irruption dans leur intimité.

Créées à des échelles incongrues, tantôt plus grandes, tantôt plus petites, ces sculptures nous troublent autant qu’elles nous fascinent ; leur surprenante humanité les rend si familières qu’après le trouble s’éveille notre empathie.

Derrière une telle prouesse technique, les œuvres de Ron Mueck interrogent notre relation au corps.



Programmée jusqu’au 29 septembre 2013, l’expo rencontre un tel succès que les organisateurs la prolongent jusqu’au 27 octobre 2013. 

Fondation Cartier pour l'art contemporain
261, boulevard Raspail
Paris 14






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lundi 13 mai 2013

A propos du film " WADJDA "

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WADJDA
de Haifaa Al Mansour avec Waad Mohammed

Ce film plein de fraîcheur nous décrit avec pertinence et finesse la condition de vie des femmes saoudiennes à travers la rébellion touchante d’une adolescente têtue, âgée de douze ans, Wadjda.
Passionnée de rock, portant jeans et baskets sous sa tenue stricte d’écolière, elle se sent à l’étroit dans cette société rigide où le droit des femmes est l’un des plus restrictifs au monde. Elle en bouscule les codes avec insouciance au grand dam des adultes.
Elle a même décidé de s’acheter un vélo pour battre son copain Abdallah à la course, mais en Arabie Saoudite, les femmes n’ont pas plus le droit de faire du vélo que de conduire une voiture. Leurs rares moments de liberté ne s’expriment jamais à l’extérieur, uniquement à l’abri des maisons.

Et Haifaa al Mansour exploite habilement cette alternance intérieurs-extérieurs donnant un rythme agréable au film : intérieurs où s’expriment librement, douceur, tendresse, confidences, décontraction vestimentaire, extérieurs où voilées et tributaires de la bonne volonté d’un chauffeur, les femmes se hâtent comme si un mystérieux danger les menaçait.
Ce film est très réussi et la performance de Waad Mohammed, incarnant l’adolescente, remarquable.

Réalisatrice de trois courts métrages et d’un documentaire tous récompensés à l’étranger, Haifaa al Mansour a réussi la prouesse de tourner WADJDA dans Riyad, la capitale de l'Arabie Saoudite, avec des acteurs saoudiens. De ce fait, il s’agit du premier long métrage produit dans le pays (les salles de cinéma y sont interdites depuis le début des années soixante-dix)
WADJDA est aussi le premier film saoudien écrit et mis en scène par une femme, Haifaa Al Mansour. Elle a dû tourner certains extérieurs, enfermée dans une voiture pour ne pas choquer les hommes, propriétaires de la rue.
Ce premier long métrage est un coup de maître puisqu’il a décroché en 2012 le prix du meilleur film d’art et essai à la Mostra de Venise.




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jeudi 7 mars 2013

À propos du film "Syngué Sabour"

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 Syngué Sabour   

(Pierre de Patience)



Un film de Atiq Rahimi


Ce huis clos se déroule dans une pièce quasiment vide au milieu des combats à Kaboul. Bien que l’histoire se passe dans un pays où l’homme se réserve la parole, c’est une jeune femme qui parle.

Lui (Hamid Reza Javdan) a reçu une balle dans la nuque et gît dans le coma, aux pieds de son épouse.
Elle (Golshifteh Farahani) veille sur son mari, lui lave le visage, lui parle sans cesse, espérant  qu’il reprenne conscience.  Sa voix envoûtante, entrecoupée seulement du fracas des combats, ne nous lâche plus. Elle lui parle, demande la permission de faire ceci ou cela. Comment pourrait-il lui répondre dans son état ?
Sa voix est un long monologue allant crescendo. S’il ne se réveille pas, que va-t-elle devenir avec ses deux petites filles ? Le reste de la famille a déjà fui la zone de combats. Elle est égarée, prisonnière de ce lieu.

La voix s’adoucit mais formule des reproches, des regrets. Quelle absurdité de prendre cette balle dans la nuque pour une stupide histoire de fierté blessée ! Et pourquoi se marier quand on est toujours absent ? Il n’était même pas présent au mariage, une photo remplaçait le héros parti combattre. D’ailleurs, elle n’a pas eu son mot à dire dans ce mariage. S’il se réveillait saurait-il s’occuper d’elle, l’aimer ? Bien qu'il soit dans le coma, entend-il ce qu’elle dit ?...

Sa voix devient confidence, elle parle de son corps, de ses désirs, révèle ses secrets de femme les plus enfouis, se libère totalement. À présent, la confidence déferle au-dessus du mourant, elle devient si intime que le fracas des mots sortant de sa bouche fait écho à celui des combats du dehors. « Mais, qu’est-ce que je dis ? Suis-je folle ? » De tels mots ne sortent jamais de la bouche d’une  femme afghane. « Non, je ne suis pas folle » déclare-t-elle avec lassitude, mais délivrée, dévoilée par la parole.




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mercredi 20 février 2013

VOYAGE AU QUEBEC

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Voyage au Québec du 20 juillet au 9 août 2012



Parc National Forillon Photo P Nicolas


Arrivée et premiers contacts

Vendredi 20 juillet 1er jour
Alors qu’en France le mauvais temps dure depuis plusieurs semaines, un soleil éclatant règne sur le Québec. Parti de Roissy vers 09 h 00, l’avion se pose 7 h 30 plus tard à l’aéroport Jean Lesage ; il est 10 h 25, heure locale. 
Ma première surprise vient de la température ; qu’il fait chaud ! Bien qu'international, l’aéroport de Québec est de petite taille. Dans le hall d’arrivée, nous retrouvons aisément notre fils, Jérôme, parmi quelques personnes attendant les voyageurs. Ma seconde surprise vient de l’absence de foule. Idem à l’extérieur. Aucune noria de véhicules déposant ou emmenant des voyageurs, pas de voitures en double file warning allumés, pas de visages préoccupés, tout est calme. Que se passe-t-il ? Étant français je songe immédiatement à un jour de grève, mais non.

Nous n’avons même pas à tirer nos valises sur des centaines de mètres, la voiture est garée quelques mètres plus loin. Le trafic réduit fait que nous quittons l’aéroport sans la moindre difficulté.
La voiture est un véhicule de location. Utilisant principalement les transports en commun, Jérôme qui vit et travaille à Québec ne juge pas utile d’en posséder une. Il s’est abonné à Communauto, ce qui lui donne accès à divers parcs de voitures. Ce dispositif peu onéreux couvre largement ses besoins. Comme beaucoup de Québécois, il utilise aussi le covoiturage, très développé au Québec.

L’un de ses amis, David, nous prête son appartement pour toute la durée du séjour. Situé rue d’Aiguillon, en centre-ville, ce logement sera un point de chute idéal entre les étapes de notre voyage. 
À cause de gros travaux dans plusieurs rues du quartier, nous rencontrons des difficultés pour gagner l’appartement. Jérôme nous explique alors que le climat du Québec autorise ces gros travaux uniquement trois mois sur douze, c’est donc le plein boom en été.
Rue d'Aiguillon Québec photo P Nicolas

Nous arrivons enfin rue d’Aiguillon et déposons nos bagages à l’appartement du premier étage. Après avoir restitué la voiture au parc Communauto le plus proche, nous nous rendons à pied au domicile de Jérôme, avenue Bourlamaque. L’ambiance du quartier est provinciale, il n’y a pas deux maisons identiques et les immeubles ont peu d’étages. M'étonnant qu'il faille grimper plusieurs marches pour accéder aux magasins et aux maisons. Jérôme me rappelle que la neige peut dépasser deux mètres en hiver !
Québec  photo B Nicolas

Contrairement à la France, le pickup est, ici, omniprésent. Certains, de taille impressionnante, possèdent un double train de pneus arrière. Lorsque l’un de ces monstres démarre, le bruit du moteur rappelle celui d’un camion. Cette curiosité soudaine pour les pickups m’attire les moqueries d’une épouse qui ne m’avait jamais vu m’intéresser de si près aux voitures.
Québec photo P Nicolas
Je remarque aussi qu’aucun véhicule ne possède de plaque d’immatriculation à l’avant, seulement une à l’arrière. Certains inscrivent un logo sur l'emplacement disponible ou un symbole sportif, voire une courte maxime. Beaucoup n’y inscrivent rien.


Jérôme est informaticien et travaille souvent à distance depuis son domicile. Ayant une application urgente à terminer il nous propose de se retrouver chez lui vers treize heures trente pour déjeuner.
Rentrés à l’appartement de David, nous décidons d’une courte sieste, car nous sommes levés depuis 04 h 00 du matin, heure de Paris, auxquelles il faut ajouter les 6 h de décalage horaire.
Reposés, nous allons retirer des dollars canadiens au distributeur de la première banque rencontrée, la Caisse Desjardins, banque emblématique de la province québécoise.
Alphonse Desjardins, né à Lévis, juste en face de Québec, avait créé cette coopérative d'épargne et de crédit en 1900. À la même époque, le mouvement coopératif français était constitué, donnant naissance aux coopératives agricoles, au Crédit Agricole…
Dollars canadiens en poche, nous nous dirigeons tranquillement vers le domicile de Jérôme. L’ambiance du quartier, le style des maisons, nous rappelle un peu Amsterdam. Dans certaines petites rues comme la rue Dumont, les câbles du réseau électrique forment un fouillis indescriptible au-dessus de nos têtes ; ces rues ne sont pourtant pas en travaux !
Rue de Québec photo Nicolas

Face au domicile de Jérôme, une petite surface IGA, est ouverte chaque jour jusqu’à vingt-deux heures, samedi et dimanche compris. Les prix des produits sont affichés hors taxes. Nous avons acheté une tranche de cretons, sorte de pâté de porc très proche de nos rillettes, ainsi que du raisin bio et pourtant sans pépins.
Après déjeuner nous descendons la rue Saint-Jean. Après dîner, plutôt, puisqu’au Québec on déjeune le matin, on dîne à midi, on soupe le soir. 
La rue Saint-Jean est très commerçante. Il fait chaud et de nombreux promeneurs boivent des rafraîchissements en discutant, assis sur des bancs jaunes. Nous voyons deux itinérants (SDF) ramasser canettes et bouteilles vides pour toucher quelques dollars en les rapportant aux commerçants.
Le mot "débarcadère" inscrit en gros à l’angle d’une rue nous intrigue puis nous fait sourire lorsque nous comprenons qu’il signale un emplacement réservé aux livraisons. Inévitablement, de nombreux mots français ont pris un sens différent au cours des siècles : bienvenue, formulé par les caissières de magasins quand nous les remercions, signifie : de rien. Un dépanneur n’est pas un garagiste mais une épicerie de quartier. On trouve des dépanneurs un peu partout en ville.

Montréal photo P Nicolas

Descendant la rue Saint-Jean en direction de la vieille ville nous arrivons à une très large avenue, l’avenue Mercier. L’immeuble en brique situé à l’angle de gauche abrite la société de radio-télévision nationale CBCRadio-Canada. Le drapeau blanc et bleu du Québec flotte à droite de l’entrée, celui du Canada à gauche. La rue Saint-Jean continue de l’autre côté de l’avenue, rejoint les fortifications et se prolonge un peu dans la vieille ville, au-delà de la Porte-Saint-Jean. Québec est la seule ville fortifiée d’Amérique du Nord. 

Devant retrouver notre fils à 17 h 00, nous ne pénétrons pas dans la vieille ville et remontons tranquillement vers l’avenue Bourlamaque. Jérôme a terminé son travail ; il propose de nous faire découvrir un commerce spécialiste du café, la Brûlerie Castelo où l'on peut non seulement acheter des cafés de toutes provenances, mais aussi en déguster sur place, ce que nous faisons dans un salon dont les murs de brique, peints d'un noir satiné, accueillent une expo de peinture. Le café est extra !
Jérôme nous invite ensuite à un concert en plein air car il doit effectuer des photos  d’une amie, chanteuse. Le concert se déroulant à la périphérie de la ville il prend un véhicule Communauto.

Il y a déjà pas mal de monde lorsque nous y arrivons vers 18 h 00. Jérôme nous présente deux autres amies avec lesquelles nous écoutons le concert pendant qu’il prend ses photos. Il effectue un reportage à chaque concert de son amie. Celle-ci chante des classiques de Jazz ; elle possède un excellent sens du rythme.
Au retour, nous effectuons quelques courses à IGA pour le souper. Après notre trajet en avion, la ballade, ce concert plus le décalage horaire, nous rentrons fatigués à l’appartement. Cela fait 26 h 30 que nous sommes levés ! 



Samedi 21 juillet.  2e jour
Québec Château Frontenac Photo B Nicolas

Excellente nuit. Le contraire m’aurait étonné après une si longue journée ! Jetant un œil à la fenêtre je constate avec  plaisir qu’il fait toujours aussi beau.
Aujourd’hui, nous partons pour un voyage d’une dizaine de jours, dont les trois premiers avec Jérôme. Après avoir déjeuné chez lui, nous descendons jusqu’à un hôtel de la place Georges V, récupérer la voiture louée par Internet avant notre départ. Sur la place, des personnes font la queue à des guichets. Il s’agit de la billetterie du concert des Pink Floyd qui se produisent ce soir.
Dans le hall de l’hôtel Château Laurier, il y a aussi la queue au guichet du loueur de voitures, un seul employé y travaille. Bien que toutes les formalités aient été remplies sur Internet, nous patientons une bonne heure, tandis que l’agent se débat avec un couple étranger comprenant mal ses explications.

Notre contrat est enfin signé. L’employé nous donne une Hyundai Élantra quasi neuve, elle n'a que 50 km au compteur. La plupart des voitures québécoises ont une boite de vitesse automatique. Jérôme en a l’habitude, il prend le volant. 
Après être passés à l’appartement récupérer notre valise, nous quittons Québec par la route 175 en direction du parc des Laurentides. Il est déjà 11 h 00 !
Lac Jacques Cartier Photo P Nicolas

Dans le parc, nous quittons la route 175 pour une piste, aboutissant au lac Jacques Cartier et laissons la voiture sur une aire de stationnement. Longeant la rive, nous marchons sur une plage étroite jonchée de blocs de pierre et de débris de troncs d’arbres abandonnés lors de la fonte des neiges. Cette vaste étendue d’eau et la forêt tout autour me procurent une agréable sensation de sérénité.
Lac Jacques Cartier Photo P Nicolas

Au retour nous piqueniquons près du lac avant de nous familiariser sur le parking avec la voiture à boite automatique. Sa simplicité de conduite nous surprend agréablement. Je prends donc le volant et nous rejoignons la 175. Le parc est vraiment magnifique ; nous dépassons d’autres lacs sur lesquels nous apercevons des embarcations de pêcheurs. Ils sont toujours deux à bord ; est-ce une question de sécurité vu l’immensité des étendues d’eau ? 

Alors que nous roulons, un réflexe idiot me pousse à freiner brutalement en voulant débrayer pour changer de vitesse. Les pneus crissent, nous sommes projetés en avant, heureusement retenus par la ceinture. Une odeur de caoutchouc brûlé envahit l’habitacle, il faut aérer.
La voiture n’a pas dérapé ; bravo Hyundai pour la tenue de route ! Je repars en essayant de faire attention, mais me trompe encore deux ou trois fois à l’approche des intersections. Ma vitesse étant faible cela ne provoque pas de nouvel incident.

À la sortie du parc, nous rencontrons un chantier routier et roulons sur une piste de graviers dans un nuage de poussière. Ce chantier nous fait rater la route 169 allant au lac Saint-Jean. Nous continuons jusqu’à Saguenay avant de pouvoir remonter au nord.
Il est 17 h 00 lorsque nous arrivons à l’immense lac Saint-Jean. C’est le troisième plus grand lac du Québec : 44 km de long et 24 km de large. Rien d’étonnant, donc, si la côte en face ne forme qu’une ligne imperceptible. 
Lac Saint-Jean photo P Nicolas

Ce lac est ce qu’il reste de la mer de Laflamme, vaste étendue d’eau salée couvrant la région après la dernière glaciation et qui communiquait avec le fleuve Saint-Laurent. Quand la mer s’est retirée, l’eau emprisonnée dans l’immense cuvette s’est lentement adoucie forçant les poissons comme l’Ouananiche (saumon atlantique) à s’acclimater au nouvel environnement.


Depuis la France, nous avions réservé des gîtes ou auberges de jeunesse pour chaque étape de notre séjour. Nous trouvons sans peine le gîte l’Amical à la sortie de Métabetchouan. Le nom complet est : Métabetchouan-lac-à-la-croix. Si, la longueur des noms de localités est proportionnelle à celle de leur lac, on doit pouvoir trouver des noms encore plus longs puisque ce lac n’est que le troisième par sa taille !

Metabetchouan photo B Nicolas

Les propriétaires du gîte se sont absentés, c’est leur petite-fille âgée de 18/20 ans qui nous accueille. Je suis surpris de voir Jérôme enlever ses chaussures en entrant. L’adolescente qui nous conduit à l’étage est pieds nus. L’étage comprend trois chambres, deux salles de bains, un petit salon avec jeux de société et un vieux téléviseur. Dans le couloir, un distributeur d’eau fraîche et un réfrigérateur sont à notre disposition.
Après un brin de toilette, nous reprenons la voiture et cherchons un restaurant où souper. Nous longeons le lac jusqu’à la localité de Chambord. N'y trouvant pas notre bonheur nous poursuivons jusqu’à Roberval. 
Environs de Roverval photo B Nicolas

Là, un restaurant, La bonne cuisine, se trouve en bordure de route dans une zone artisanale. On accède à la salle de restaurant par un escalier extérieur en bois. 
L’aménagement intérieur me rappelle immédiatement ces restaurants américains au bord des routes que l’on voit dans tant de films. Vu son emplacement, je suppose qu’en semaine il accueille principalement des travailleurs, mais un samedi soir, la clientèle est différente : couples, familles, les conversations sont joyeuses. 
La serveuses comprend mal ce que nous commandons et apporte à Jérôme une assiette avec deux steaks et une salade composée. Nous avions commandé chacun un steak et ma femme une salade. On s’explique et tout rentre dans l’ordre. Me voyant prêt à commander une bière, Jérôme m’explique que ce type de restaurant ne vend pas d’alcool. Je me rabats sur le pichet d’eau mais son contenu sent l’eau de javel. 
Le lien est difficile à établir, mais je trouve quand même cocasse de servir de l’eau javellisée à proximité d’un lac d’eau douce de 44 km de long ! Le piquenique était meilleur que le souper, mais d’avoir trouvé le lieu pittoresque l’emporte.

Rentrés au gîte, je m’installe au salon de l’étage et note le déroulement de la journée. Pendant que j’écris, j’entends puis aperçois une femme et une fillette d’environ six ans monter l’escalier. Passant la tête dans l’ouverture, la fillette me regarde écrire avec une expression curieuse. Sa mère vient me saluer et nous discutons un moment. 

Elle habite près de la frontière du Québec et de l’état américain du Vermont. Ne disposant que d’une semaine de congés, elle ne peut pas aller loin et vient ici. Auparavant, elle habitait beaucoup plus loin… elle ne dit pas où. Puis elle conclut d’une voix amusante : « je dois coucher ma fille, il est quand même 22 heures ! » 
Ayant, un peu plus tard, la carte du Québec en mains, je calcule que ce qu’elle appelle « ne pas aller loin » fait tout de même plus de 600 km. C’est plus de la moitié de la France en longueur comme en largeur, mais évidemment une petite distance à l’échelle du Québec, lequel n’est que l’une des nombreuses provinces d’un pays dépassant les 5000 km de l’atlantique au pacifique. Nous serons souvent confrontés à cet écart d’appréciation des distances au cours du voyage.



Dimanche 22 juillet. 3e jour.
Bords du lac Saint-Jean Photo B Nicolas

Descendant tous les trois pour déjeuner, nous faisons la connaissance des propriétaires du gîte l'Amical, absents lors de notre arrivée. Très simples, attentionnés, ils sont âgés d’au moins 70 ans. 
Ce déjeuner est probablement le mieux présenté, le plus copieux et le meilleur dont je me souvienne. Tout est remarquablement présenté sur la table. Nous nous asseyons devant une assiette contenant fraises, tranche de pastèque, petits fours et plusieurs autres choses encore. Le jus d’orange est bien frais. Une seconde assiette nous attend. Elle contient de l’omelette avec de fines tranches de jambon fumé passées au gril, une véritable dentelle croustillante fondant sur la langue ! Des coupelles contiennent des confitures de fabrication maison. Les crêpes chaudes arrosées d’un filet de sirop d’érable sont délicieuses.
Tout en nous servant, les propriétaires s'entretiennent avec nous et je leur demande si les vieux bâtiments de bois au toit à plusieurs pans aperçus hier tout au long de la route sont d’anciens séchoirs à tabac. Lui me répond que non, ce sont simplement d’anciennes granges, il n’y a pas de culture du tabac par ici ; ces toits à deux pentes c'est pour la neige. 
Sa femme nous confie avoir eu plusieurs filles. Elle désigne le cadre de photos accroché au mur où toutes apparaissent avec leurs enfants. 
Propriétaires du gîte l'Amical  photo P Nicolas

Son sourire est empreint de fierté en fixant cette photo. Comme elle nous interroge sur notre famille, nous lui indiquons avoir, en plus de Jérôme, une fille et un autre garçon vivant et travaillant dans Paris.
La propriétaire nous embrasse au moment de partir. Le gîte l'Amical, porte bien son nom.


Nous reprenons la route 169 empruntée la veille, mais quittons les bords du lac avant Roberval pour tourner à gauche en direction de Val Jalbert, village situé au flanc d’un massif forestier.
Québec Village Valjalbert photo P Nicolas

Jalbert est le nom d’un industriel qui avait eu l’idée de construire une usine de pâte à papier en raison de la présence d’une chute d’eau de 72 m de hauteur sur la rivière Ouiatchouan. Suffisamment puissante pour fournir l’eau nécessaire à la fabrication de la pulpe de papier la chute produirait l’électricité pour l’usine et un village. Usine et village furent donc construits.
Chute de Valjalbert photo P Nicolas

Au départ, tout allait à merveille, et le village dépassa vite les 900 personnes. Bien payés, les employés étaient enviés dans les localités alentour. Malheureusement, la chute brutale du prix de la pulpe de papier et la concurrence firent péricliter l’usine. Les habitants abandonnèrent le village en 1927. 
Valjalbert photo P Nicolas

Longtemps resté un village fantôme, il renaît aujourd'hui grâce au pôle touristique créé sur le site. Un bus superbement entretenu, datant des années 1900, effectue le trajet entre le parking public et le village.
Celui-ci est animé par des personnes en tenue d’époque. On y visite l’ancienne poste, le grand magasin d’approvisionnement, le couvent-école où une religieuse en habit noir et coiffe blanche accueille le public. Invitant les visiteurs à s’asseoir sur les bancs d’une classe elle leur fait un cours où dominent les rires. Une des classe a conservé ses anciennes tables à encrier. 
 Valjalbert Couvent-école photo B Nicolas
 Valjalbert Ecole photo P Nicolas















Plusieurs vieilles maisons en bois équipées de mobilier d’époque sont ouvertes au public. Autour de celles maintenues en ruine règne une ambiance saisissante.
Valjalbert Maison abandonnée photo B Nicolas

L’usine aussi se visite. Depuis le bâtiment, un téléphérique transporte les visiteurs en haut de la cascade où un belvédère à plancher de verre domine la chute vertigineuse. Là, un parcours sur passerelles de bois accède, en amont, à un belvédère dominant la rivière Ouiatchouan, en aval, à un vaste panorama surplombant le village.
Valjalbert photo P Nicolas

Il est 13 h 30 quand nous quittons Valjalbert. Nous gagnons le Saguenay, rivière partant du Lac-Saint-Jean et se jetant dans le fleuve Saint-Laurent à Tadoussac. Il fait très chaud. Ne trouvant aucun endroit à l’ombre nous piqueniquons au bord d’un bras du Saguenay, dans une zone de loisir où il y a déjà pas mal de monde. Un hydravion stationne sur l’autre rive. Des bateaux de plaisance passent devant nous, moteurs au ralenti. 

Leurs occupants saluent les riverains de la main. Pas tous ! Sur un bateau très effilé, une jeune femme bronze en bikini, allongée sur le pont avant. Buste légèrement relevé en s’appuyant sur ses coudes, elle adopte une nonchalance affectée, ignorant superbement les badauds. Son beau brun de compagnon en débardeur blanc et lunettes de soleil à verres miroir tient la barre. Cheveux brillant de gel, il pilote en regardant droit devant. Sa fixité est-elle due au corps de la jeune femme étendue dans l’axe de son regard ou guette-t-il d’improbables récifs ? 
Certains bateaux, équipés de puissants moteurs, peuvent s’aventurer sans crainte dans le vaste golf du Saint-Laurent. Le soleil cogne, il doit faire plus de 30°.


Après la ville de Saguenay la rivière laisse subitement place à un ancien glacier. Il s'agit de l’un des fleurons touristiques du Québec. Nous effectuons une halte à La Baie où le panorama sur le fjord du Saguenay est aussi émouvant que grandiose.
Fjord du Saguenay à La Baie photo P Nicolas
Mais qu’est-ce qu’un fjord ?...

Un fjord est une ancienne et profonde vallée glacière envahie par la mer pendant la déglaciation. Ses côtes escarpées se prolongent sous le niveau de la mer. Pour revendiquer l’appellation « fjord », il faut : un site creusé par un glacier, de l’eau salée, et que le site soit soumis aux marées.
Certains sites appelés fjord n’en sont pas : les fameuses bouches de Kotor du Monténégro sont en réalité un canyon immergé, le limfjorden au Danemark est juste un détroit, quant au Glafsfjorden suédois, si réputé, il s’agit d’un simple lac.
L’eau de surface d’un fjord est peu salée, car alimentée par les torrents et la fonte des neiges, elle se mélange très lentement à l’eau de mer plus lourde qui reste au fond.
Fjord du Saguenay à La Baie photo P Nicolas

Profitant d’une pause-café, face au site, Jérôme nous apprend que le glacier ayant creusé le fjord du Saguenay avait une épaisseur de 2 km, ce qui explique l’escarpement de ses bords. Je comprends mieux les forces titanesques ayant façonné un tel site.
Fjord du Saguenay à La Baie photo P Nicolas

Le fjord commence à Saint-Fulgence, en aval de Saguenay, et s’étend sur environ 100 kilomètres jusqu’à Tadoussac où il s’ouvre sur le Saint-Laurent. Sa largeur varie de 1 à 3.5 km. Si les falaises qui le bordent culminent au cap Éternité à 457m d’altitude, ses fosses sous-marines dépassent par endroits les 250 m de profondeur. Le Saguenay est l’un des fjords les plus profonds au monde et le premier pour la navigation.


Ce soir, nous sommes hébergés à l’Auberge du Bout du Monde. Comme son nom le laisse deviner, elle est située à l’écart, sur la rive droite d’un affluent du Saguenay, au-dessus de L’Anse-Saint-Jean. On y accède par une piste raide et peu entretenue. 
Auberge du bout du monde photo P Nicolas

L’auberge est un bâtiment en bois très original. Sur un long calicot rouge accueillant les visiteurs est inscrit : Nous sommes arrivés où tout commence. L’accueil est chaleureux. Nous rencontrons plusieurs étudiants, des couples avec enfants, Français ou étrangers. L’ambiance est détendue, il est aisé d’engager la conversation.



Semaine du 23 au 29 juillet 2012


L'Anse-Saint-Jean photo P Nicolas

Lundi 23 juillet. 4e jour.
L’insolent beau temps continue. Quittant l'Auberge du bout du monde, nous descendons dans la vallée par la piste de terre et nous arrêtons à L’Anse-Saint-Jean, point de départ de nombreuses ballades en canoë ou en bateau sur le fjord. 
Nous avons choisi d’effectuer deux courtes randonnées : l’une sur la rive droite de l’affluent, l’autre sur la rive gauche où existe un grand belvédère panoramique.
Parc du Saguenay
photo P Nicolas

Le chemin de la première randonnée est balisé mais payant, car nous sommes dans le Parc National du Fjord du Saguenay. Le paiement s'effectue à une simple borne d’où nous retirons une enveloppe contenant un ticket d’entrée en deux parties à remplir. Nous plaçons un volet du ticket avec l’argent dans l’enveloppe et la glissons dans la borne, c’est tout ! Personne ne vérifie si les visiteurs paient leur passage. 
La partie du ticket que nous conservons nous donnera accès au site de la seconde ballade. Une telle confiance n’est même pas imaginable chez nous. 
Étant Français, Jérôme comprend notre étonnement, mais affirme qu’au Québec on fait confiance aux gens et que cela fonctionne plutôt bien.

Parc du Saguenay
photo P Nicolas

Le chemin, principalement en sous-bois, est parfois un peu raide; des trouées dans la végétation nous laissent entrevoir le fjord. Apercevrons-nous un ours ? Ce matin au déjeuner, quelqu'un nous a appris qu’une pensionnaire de l’auberge avait croisé deux oursons la veille. Craignant d’être coincée entre eux et la mère inévitablement tout proche, elle avait préféré faire demi-tour.
Arrivés au point le plus haut nous surplombons l’estuaire de l’Anse-Saint-Jean et du Fjord du Saguenay. Splendide ! 
Parc du Saguenay
photo B Nicolas

Fjord du Saguenay photo P Nicolas
Fjord du Saguenay photo B Nicolas

Tandis que nous contemplons la vue, un couple de randonneurs québécois  arrivant en sens inverse nous salue et l’homme qui a deviné notre nationalité dit en blaguant quelque chose comme : « que peut-on faire dans de si petites montagnes quand on possède les Alpes et les Pyrénées ? »

De retour à L’Anse-Saint-Jean, nous gagnons en voiture le point de départ de la seconde randonnée.
Là, en revanche, une billetterie tenue par une employée du parc est installée à l’entrée. Elle valide le ticket pris à la borne et nous ouvre la barrière.
La ballade est bien aménagée avec plusieurs belvédères dont l’un domine le Saguenay. 
Parc du Saguenay photo P Nicolas

Sur celui-ci, une femme vêtue d’un uniforme que j’identifie comme celui des agents du parc nous propose un jeu de devinettes destiné à préciser les dates essentielles de la création du Québec. 

Parc du Saguenay photo P Nicolas

Elle répond à toutes les questions que nous nous posons sur le fjord. Souriante, très aimable, comment fait-elle pour rester en pleine chaleur sans ruisseler de transpiration ni afficher de traces de fatigue ? Il est quand même 12 h 30 ! Jérôme suppose qu’il y a un roulement fréquent des agents sur le site.
Anse du Petit-Saint-Jean
photo B Nicolas

Nous descendons piqueniquer à l’anse du petit Saguenay. Un orage éclate subitement, et il se met à pleuvoir. Ramassant précipitamment le piquenique, nous l'achevons dans la voiture. Le soleil réapparaît aussitôt ; il tiendra le reste de la journée.

Fjord du Saguenay photo B Nicolas

La route ne suit plus le fjord. Nous devons rejoindre Saint-Siméon, au bord du Saint-Laurent et longer le fleuve jusqu’à à l’embouchure du Saguenay. Là, nous prendrons le traversier pour Tadoussac d’où nous filerons vers le nord en direction des Escoumins. Une amie de notre fils, Manu, habitant cette localité propose de nous héberger deux nuits.

La route 138 n’aboutissant qu’au traversier, c’est un cul-de-sac d’où il est impossible de s’extraire en cas de bouchon. 
Québec Route 138 photo P Nicolas

Et vu que ce sont les vacances, il y a un énorme bouchon ! 
Nous allons être immobilisés 45 min, avançant mètre par mètre avant d’accéder enfin à la rampe d’embarquement. Lorsque nous y arrivons, un traversier est à quai, un second se trouve au milieu de l’embouchure, tandis qu’un troisième accoste sur l’autre rive à Tadoussac.

Traversier photo P Nicolas
Traversier photo P Nicolas














La traversée ne dure qu’une quinzaine de minutes et il nous reste une quarantaine de kilomètres pour gagner les escoumins au bord du Saint-Laurent


Enclavé dans la commune des Escoumins, le village amérindien Essipit ne se distingue en rien du reste de la cité. Seul un très haut portique placé à l’entrée informe le visiteur qu’il pénètre sur une réserve amérindienne.
Les Escoumins photo P Nicolas

Essipit abrite une communauté de la nation innue, première nation autochtone à avoir occupé la région il y a plusieurs milliers d’années. Des recherches ADN indiquent que leurs ancêtres, venus des steppes d’Asie, ont franchi le détroit de Bering par vagues successives il y a plus de 50 000 ans. Parmi la dizaine de nations amérindiennes vivant au Québec, la nation innue est la plus importante, environ 17 000 membres, et presque tous vivent dans l’une des neuf communautés établies au bord du Saint-Laurent entre Tadoussac et la frontière du Labrador. 

Manu, chez qui nous nous rendons est d’origine innue par sa mère. (Les Innus n’ont rien à voir avec les Inuits de l’extrême nord ; ces derniers sont arrivés lors d’une vague migratoire bien plus récente)
Les réserves amérindiennes sont gérées par un chef de village et possèdent leur propre police. Le nom, Essipit, provient de la langue Innue et désigne la rivière, Les Escoumins, qui a donné son nom à la commune. Essipit
 Québec photo P Nicolas
vient de Esh (coquillage) et de Shipi (rivière). La rivière aux coquillages. L’emploi du coquillage pour les parures et une multitude d’autres usages est omniprésent chez la plupart des nations autochtones.

Jeune femme mince, très brune, âgée d’environ 25 ans, Manu nous accueille chaleureusement. 
Manu photo P Nicolas
Elle est encadrée de deux gardes du corps : deux chiots (un croisement de Yorkshires et de je ne sais quoi) qui frétillent d’excitation quand nous entrons. Se poursuivant à travers le séjour, ils dérapent sur le parquet vitrifié jusqu’au canapé. Manu est pieds nus et l’on se déchausse dans l’entrée. Au Québec, tout le monde se déchausse en entrant dans une maison ce qui produit un tas de chaussures de tous types et de toutes tailles à côté de la porte. Manu nous apprend que son chum n’est pas encore rentré du travail. 


Les jeunes Québécois, non mariés, disent : mon chum pour (mon petit-ami), ma blonde pour (ma petite amie). Bien que très brune, Manu est néanmoins la blonde de son chum !
Entrée d'Essipit photo P Nicolas

Une fois le compagnon de Manu arrivé nous discutons tous les quatre un bon moment. Comme il se lève très tôt, il ne tarde pas à se coucher après souper. Nous discutons encore avec Manu et sa mère qui habite la maison d’en face. La mère a le type amérindien plus marqué que sa fille. 
Manu travaille pour le Service fédéral de communication et du trafic maritimeSa job consiste à s’entretenir en permanence avec les pilotes de bateaux naviguant sur le Saint-Laurent. 
Fleuve Saint-Laurent photo B Nicolas

Bien qu’aux Escoumins la largeur du fleuve dépasse les 30 km, les bateaux sont tenus d’emprunter un couloir de navigation. Tous les marins professionnels s’accordent à dire que le Saint-Laurent est l’un des fleuves les plus difficiles à naviguer au monde, en raison du climat (5 mois de glace sur 12), du trafic (7000 bateaux/an), des marées, des courants contraires, du vent, et enfin des brouillards susceptibles de recouvrir subitement certains tronçons du fleuve. Un corridor de transport des marchandises a donc été créé, aucun bateau ne doit s’en écarter.

Alors que tout le monde va se coucher, les deux gardes du corps de Manu prennent position dans un couffin devant notre porte de chambre. Si les Iroquois attaquent Essipit pendant la nuit, nous serons protégés. 




Mardi 24 juillet 5e jour.
La nuit a été calme ;  les Iroquois n’ont pas osé attaquer ; il fait toujours aussi beau. Nous descendons prendre un brunch avec Manu au restaurant où travaille sa mère. L'établissement se nomme : Chocolaterie Le Rêve-Doux mais tout le monde l'appelle Le Belge
Le Belge Les Escoumins photo P Nicolas

Le Belge Les Escoumins photo P Nicolas

On nous apporte une assiette rectangulaire sur laquelle est présentée une belle composition de fruits frais tranchés parsemés de bleuetsLe bleuet appartient à la même famille que nos myrtilles, mais sa baie est deux à trois fois plus grosse. Sa culture est très répandue au Québec et nous sommes au moment de la récolte.Il y en partout. 
Baie des Escoumins photo B Nicolas

Après cet excellent brunch, nous longeons la baie des Escoumins qui parait immense quand le fleuve est à marée basse. La rive droite, invisible, nous donne l’illusion de nous trouver au bord de la mer.
photo B Nicolas
photo P Nicolas
photo B Nicolas


À l’horizon, la silhouette sombre d’un gros cargo nous apparait. Difficile de dire s’il remonte où descend le Saint-Laurent. À notre droite une croix métallique immense se dresse sur les rochers. Son pourtour est ceinturé d’une rangée de grosses ampoules ce qui permet de la voir de nuit. S’agit-il d’un point de repère pour les marins ?

Certains autochtones d’Essipit organisent des excursions en bateau ou en zodiac pour approcher les baleines. 
Les Escoumins sont l’un des points de départ privilégiés du Saint-Laurent pour les observer. Jérôme a retenu trois places et a choisi le zodiac, car cet engin se déplace beaucoup plus vite que les bateaux, ce qui augmente nos chances d’apercevoir les cétacés en passant très rapidement d’un site à l’autre.
Circuit cétacés sur le Saint-Laurent photo P Nicolas

Le pilote nous fait quelques recommandations avant le départ. Une fois partis, je comprends pourquoi il a répété trois fois : surtout, restez bien assis pendant le trajet ! L’engin, très puissant, bondit sur l’eau nous communiquant de fortes secousses lorsqu’il touche la surface. 
Le Saint-Laurent photo P Nicolas 

 Même assis, nous devons nous accrocher à la glissière. Comment prendre des photos dans de telles conditions ? Heureusement, il ralentit beaucoup aux endroits propices à l’observation et je peux sortir mon appareil photo du ciré où je l’avais enfoui pour ne pas le mouiller.
Cétacé. St Laurent photo P Nicolas

Nous apercevons bientôt un dos de baleine, mais trop loin pour le photographier. Un autre cétacé ou le même apparait plus près ; on voit bien sa nageoire dorsale en éperon sur son dos noir. Et c’est tout ! Le pilote nous avait avertis que l’on ne peut jamais savoir à l’avance ce que l’on verra. Il décide de se rendre sur un autre site et le rodéo reprend, infernal pour les reins. 
le Saint-Laurent photo P Nicolas


J’essaie de caler mes pieds contre le boudin en caoutchouc afin de soulever les fesses pour amortir les chocs, mais l’eau le rend glissant et je ne tiens pas longtemps. Les organisateurs déconseillent fortement cette activité aux femmes enceintes et aux personnes cardiaques, sage précaution !


Je craignais d’avoir trop chaud sous mon ciré, mais pas du tout, la température est étonnamment fraîche sur le Saint-Laurent. Les éclaboussures que nous recevons de temps à autre sur le visage me permettent de vérifier que l’eau est bien salée. Le temps se couvre subitement. 

Et c'est le miracle ! Une baleine à bosse et son bébé avancent côte à côte, juste devant nous. On voit le jet de vapeur qu’ils produisent puis leur dos et cette large queue qui ressort.
Baleine du St-Laurent photo P Nicolas
Baleineau du St-Laurent photo P Nicolas
Baleine du St-Laurent photo P Nicolas
Baleine du St-Laurent photo P Nicolas

Les reconnaissant immédiatement aux particularités de cette queue le pilote nous apprend que la mère est une baleine à bosse de 40 tonnes. Lorsque sa queue sort de l’eau, pensez que sa tête est déjà à douze mètres de profondeur !
À un autre moment, une baleine jaillit entièrement hors de l’eau puis retombe en produisant une monstrueuse éclaboussure. Cris d’enthousiasme dans le bateau et mine radieuse du pilote ; c’est une chance rare d’assister à un tel saut. Pas de bol, je n’ai vu que l’éclaboussure, car je guettais la baleine beaucoup plus à droite, œil collé au viseur. Déçu, je me console en me disant que, juste avant, j’ai vu la mère et le petit d’assez près, réussissant à les photographier.
Sur le Saint-Laurent photo P Nicolas

Nous rentrons. L’écart de température est tel entre le milieu du fleuve et la côte qu’une fois notre équipement retiré nous apprécions la chaleur du soleil sur la peau. 
Il est 13 h 00. Jérôme nous invite à La Galouine, un restaurant spécialiste du homard situé à Tadoussac. Il y a beaucoup de monde lorsque nous arrivons. Nous choisissons de dîner au soleil.

dunes Tadoussac Photo P Nicolas

Après le repas, Jérôme nous fait découvrir un lieu tout à fait inattendu en bordure du Saint-Laurent, des dunes ! Le site se situe juste au-dessus de Tadoussac sur la route, Chemin du Moulin à Baude, et surplombe le fleuve.

Dunes de Tadoussac photo P Nicolas

Après cette journée bien remplie, nous remontons aux Escoumins souper chez Manu et son chum avec lesquels nous discutons de divers sujets comparant les modes de vie québécois et français. 
Dunes de Tadoussac photo P Nicolas




Mercredi 25 juillet 6e jour.

Traversier sur le Saint Laurent photo P Nicolas
Lever : 5 h 45 ! 
C’est tôt, mais nous traversons le Saint-Laurent à 07 h 00 et l'enregistrement s'effectue 45 min avant. Par chance, le quai d'embarquement se trouve au pied de la colline d'Essipit, à quelques minutes de chez Manu. Reprenant le travail aujourd'hui, Jérôme rentre à Québec en bus.

Trois minutes ont suffi pour descendre du village à l’embarcadère ; une quinzaine de voitures stationne déjà le long du quai où est amarré le traversier de la CNB (Compagnie de Navigation des Basques). Un employé en casquette bleue et gilet fluo vérifie que chaque véhicule correspond bien à la taille mentionnée lors de la réservation. Il enregistre les justificatifs de passage puis oriente chaque voiture vers l’une des trois files d’attente. 
Traversier sur le Saint Laurent photo P Nicolas

Ne souhaitant pas attendre 45 min dans la voiture, je marche le long du fleuve. La lumière est douce à cette heure matinale. Bien que nous ayons le soleil en face, le paysage est superbe. Devant moi, trois personnes observent le fleuve aux jumelles, l'une montre quelque chose du bras. 

Cétacé au bord du Saint-Laurent photo P Nicolas

Je m’approche et vois une baleine évoluant tout près de la côte. Sa nageoire dorsale apparaît à plusieurs reprises puis disparaît.

Le quai est plein ! Une file de camions, camping-cars, voitures stationne jusque dans le virage de la route montant à Essipit. L’embarquement commence avec une lenteur désespérante. Les puissants camions américains avec rangée d’avertisseurs sonores alignés sur le toit et chromes rutilants sont prioritaires. 
Véhicules sur un traversier photo P Nicolas

Leurs cabines superbement astiquées, spectaculaires, me font penser à des têtes de guerriers grimés pour le combat. Les sociologues et analystes nord-américains se sont-ils intéressés à cette surenchère de symboles virils chez les camionneurs ?

Camion canadien photo P Nicolas
Bref ! C’est enfin à nous d’embarquer.
Sur le traversier, une employée nous fait garer à quelques centimètres du véhicule précédant puis nous invite à gagner le pont supérieur. La paroi du bateau étant trop près pour que je puisse ouvrir ma portière, je sors côté passager et nous avançons entre deux files. 
Dans certaines voitures, des oreillers recouvrent les appuis-tête des sièges arrière. Yeux ensommeillés, bras serrés frileusement autour du torse, ceux qui en sortent font peine à voir.
Evitant les portière s’ouvrant soudain sur notre passage, nous gagnons les escaliers métalliques à… bâbord ou tribord ? Impossible à dire, car les deux extrémités du bateau sont identiques et il avance tantôt dans un sens tantôt dans l’autre. Question : comment distingue-t-on la droite de la gauche sur un traversier ?



Pour des raisons de sécurité, les portes des escaliers sont verrouillées, une fois les passagers sur le pont supérieur. Au moment où le traversier s’ébranle, une voix nasillarde nous explique comment enfiler le gilet de sauvetage et où se rassembler en cas d’incident. Le pont supérieur possède  un salon avec une mini-boutique, puis un second salon, plus vaste, possédant un bar.
Traversier du Saint-Laurent photo P Nicolas

Tantôt assis sur les caissons de bois renfermant les gilets de sauvetage, tantôt debout au bastingage, nous sommes un petit groupe, resté dehors pour contempler le Saint-Laurent à contrejour. Sa surface scintille et le soleil lui donne une couleur d’ardoise mouillée, irisée de blanc à la crête des vagues. Deux cormorans passent silencieusement au raz de l’eau. Quelqu’un signale une baleine, droit devant nous, un Rorqual.

Forts de l’expérience en Zodiac, nous avons prévu un vêtement chaud pour les 1 h 30 de traversée. Les deux rives du Saint-Laurent étant séparées d’environ 30 km, le bateau doit dépasser les 15 nœuds. 

Il peut accueillir deux cents personnes et quarante-deux véhicules, mais ne fonctionne que de fin mai à début octobre en raison du climat.
photo B Nicolas

Frigorifiés au bout de 30 min, nous entrons au premier salon puis passons dans le second boire un café. Le grand verre d’eau chaude que l’on nous sert a bien la couleur du café, mais... 
Réchauffés malgré tout, nous réintégrons le groupe d’une quinzaine de personnes au premier salon. L’employée de la boutique et deux Québécois discutent à haute voix. Rapidement, d’autres passagers se mêlent à la conversation. L’employée parle de sa job saisonnière qui semble beaucoup lui plaire. Les autres comparent avec leur propre boulot et la conversation change de sujet. Une jeune femme qui me fait face, une rangée de sièges plus loin, parle assez fort. Elle évoque une infection contractée au visage, dont elle garde des traces sur la joue. Écartant ses cheveux, elle montre aux autres un chapelet de boutons. Ceux-ci lui posent des questions auxquelles elle répond sans la moindre gêne. J’ai l’impression d’être au milieu d’une famille échangeant tranquillement à la fin du repas. Les passagers ne prenant pas part à la conversation écoutent plus ou moins distraitement, certains lisent. J’imagine mal pareille conversation dans un transport collectif français !
Traversier sur le Saint-Laurent photo P Nicolas

Nous ressortons prendre l’air. À présent, la rive droite du Saint-Laurent et les habitations de Trois-Pistoles se distinguent nettement. Nous accosterons dans une petite demi-heure.

Après les trois quarts d’heure d’attente à l’embarquement, le débarquement s’exécute en quelques minutes. Nous voilà en Gaspésie ! Joindrons-nous notre voix au concert de superlatifs lus et entendus sur cette péninsule de la taille de la Bourgogne ou de la région PACA ?
L’imposante église Notre-Dame des Neiges de Trois Pistoles est la seule église que nous rencontrerons au Québec, surmontée de quatre clochers. Comme de nombreux bâtiments du Québec, sa toiture est couverte d’un métal inoxydable extrêmement clair. Sans doute est-ce la meilleure protection contre la neige et la glace. Des maisons individuelles emploient aussi ce type de couverture, mais le métal est souvent peint de couleurs vives.
Eglise de Trois-Pistoles photo P Nicolas

« Vous allez en Gaspésie pendant les vacances de la construction ! Oh ! la route 132 va être surchargée de véhicules ; les plus belles plages du Québec se trouvent toutes là-bas » 
« Vous allez rencontrer énormément de circulation, vous arrivez pile au début des vacances de la construction ! »  
Au Québec, une loi impose aux salariés du bâtiment de prendre leurs congés les deux dernières semaines de juillet et plus de 100 000 salariés sont concernés par cette mesure. Comme leur conjoint(e) travaille fréquemment dans un autre secteur d’activité, cette disposition provoque un déplacement massif de vacanciers durant ces quinze jours fatidiques, d’où ce nom : les vacances de la construction.
Nous croiserons, effectivement, quelques pickups affichant des noms d’entreprises du bâtiment dans lesquels une famille entière a pris place, mais le trafic nous parait extrêmement fluide, voire inexistant !
Le Québec étant presque trois fois plus grand que la France pour seulement 8 000 000 d’habitants, le nombre de véhicules en circulation est fatalement plus restreint que chez nous. Il y a donc une grosse différence d’appréciation du trafic routier entre Québécois et Français.

Rimouski photo P Nicolas

Après Trois-Pistoles, nous longeons le Saint-Laurent sur une soixantaine de kilomètres jusqu’à Rimouski. Là, petite halte pour apprécier le marais et ses hérons depuis une promenade aménagée au bord du fleuve. 

Nous roulons sur la route 132. Longue de 1 400 km, elle longe la rive droite du Saint-Laurent depuis Montréal, dépasse la ville de Québec et continue jusqu’à la péninsule gaspésienne dont elle fait le tour complet en formant une grande boucle. 
Gaspésie. Rive du Saint-Laurent photo P Nicolas

Au niveau de Sainte-Flavie, deux options s’offrent donc aux vacanciers : poursuivre côté ouest le long du fleuve, jusqu’à la pointe pour revenir par la Baie-des-Chaleurs, ou bien prendre à droite, et traverser le bas de la péninsule en direction de la Baie des Chaleurs puis remonter en direction de la pointe. Afin d’indiquer aux touristes le sens dans lequel ils roulent sur la boucle, les panneaux de signalisation mentionnent, 132 Ouest, lorsque l’on se dirige vers la pointe de la péninsule, 132 Est, lorsque l’on en revient. Et cela est valable que l’on passe côté Saint-Laurent ou côté Baie-des-Chaleurs.

Notre prochain hébergement se trouvant au fond de cette baie, nous prenons la 132 sur la droite pour traverser le sud de la Gaspésie en empruntant la vallée de la Matapédia. Cette rivière donne son nom à la vallée, à un lac s’étirant sur plus de 15 km, ainsi qu’à une localité située à l’autre extrémité de la vallée.

Vallée de la Matapédia photo P Nicolas
Au départ, de grandes étendues de cultures s’étalent de chaque côté de la route. Cette campagne verdoyante abrite de grosses fermes d’élevage. 
Près des étables, toujours de grandes dimensions, s’élèvent de hauts silos, deux au minimum. Le nom de la ferme est inscrit en haut du plus élevé. Est-ce pour mieux la localiser quand la neige recouvre le paysage ? Interrogeant quelqu’un sur ces silos nous apprenons qu’ils contiennent de l’ensilage. Au Québec, les bovins ne sortent jamais brouter dans les champs, même pendant l’été. Ils restent douze mois sur douze en étable et sont exclusivement nourris avec cet ensilage que les éleveurs stockent dans ces silos en énormes quantités.
La vallée de la Matapédia possède 20 000 hectares de terres agricoles, mais 500 000 hectares de forêts dont la moitié est privée.

Il fait très chaud. Le ciel qui a pris une couleur bleue, soutenue, est parsemé de cumulus. Après Sayabec, nous longeons le lac Matapédia pendant une quinzaine de kilomètres jusqu’à Amqui. Cette ville d’environ 6 000 habitants est la plus importante de la vallée.
Quelques kilomètres plus loin, nous longeons le lac au saumon. Beaucoup moins important que le Matapédia, lui aussi est tout en longueur. 
Ferme de la Matapédia photo P Nicolas

Très large au départ, la vallée se rétrécit, les grands espaces cultivés laissent place aux massifs forestiers. Nous traversons les Monts Notre-Dame dont certains sommets, après une érosion de plusieurs millions d’années, sont transformés en minuscules plateaux. Leur hauteur dépasse rarement quatre cents mètres. Je suis surpris de lire dans nos guides qu’ils appartiennent à la chaîne des Appalaches que je cantonnais aux États-Unis, et plus encore d’apprendre que le début des Appalaches se situe, au-dessus du golfe du Saint-Laurent, sur la côte ouest de Terre-Neuve. Cette portion isolée mise à part, les Appalaches forment donc une ligne continue allant du Québec à l’Alabama, dans le sud des États-Unis !

Plusieurs ponts couverts franchissent la rivière Matapédia. Ouvrages pittoresques, ils sont une particularité du Québec. Le pont couvert n’a pas seulement un toit, il est également fermé sur les côtés, protection qui évite aux tabliers en bois de pourrir sous l’effet de la glace et de la neige. On comptait plus de 1000 ponts couverts au siècle dernier, il n’en subsiste que 82.
Pont couvert de Routhierville photo B Nicolas

Celui de Routhierville où nous nous arrêtons enjambe la Matapédia. De loin, son toit à double pente fait plus penser à un bâtiment agricole qu’à un pont. Lorsque l’on se trouve face à l’entrée, on ne distingue qu’un long tunnel sombre avec la tache brillante de sa sortie. Long de 78 mètres et haut de 4.20 m, il peut supporter une charge de 10 tonnes. Classé aux Monuments Historiques depuis 2009, sa restauration a été achevée au début de l’été, on croirait donc un ouvrage neuf. Sa couleur rouge vif que l’on retrouve sur d’autres ponts couverts, tranche singulièrement au milieu du massif forestier. Il tranche sans doute autant sous la neige.
Pont couvert de Routhierville photo B Nicolas

Nous croisons si peu de monde sur la route que l’on se croit loin de tout. Descendus au bord de la rivière, nous sommes frappés par la limpidité de l’eau. Et quel calme ! Sur l’autre rive, les pentes raides des monts Chic-Chocs sont recouvertes de diverses espèces d’arbres dont une majorité de conifères. Ils s’arrêtent au raz de l’eau.  De notre côté, un canot est accroché à la berge. L’avant a la forme 

Rivière Matapédia photo P Nicolas

caractéristique du canoë tandis que l’arrière, plat, peut certainement recevoir un moteur. Sa coque, en bois, est peinte à l’extérieur, vernie, à l’intérieur. Il s’intègre bien dans le cadre. Nous verrons à plusieurs reprises ce type de canot avec la même combinaison de couleurs.

La vallée devient encore plus étroite. Le pays a beau être grand, nous sommes tout de même étonnés de rencontrer si peu de monde. La majorité des vacanciers doit emprunter l’autre section de la 132, le long du Saint-Laurent.
Nous voilà au bout de la vallée de la Matapédia, à la frontière sud-est de la province du Québec et du Nouveau-Brunswick. Si le Québec est la plus grande province du Canada, le Nouveau-Brunswick, en revanche, est l’une des plus petites. ( Le Canada est composé de 10 Provinces et 3 Territoires. Les Provinces sont autonomes, alors que les Territoires sont gérés par le pourvoir fédéral d’Ottawa )

Les eaux mêlées de la Matapédia et de la Ristigouche se jettent dans la Baie-des-Chaleurs s'ouvrant devant nous. Le fond de cette baie est très étroit. Sur la droite, des panneaux signalent l’entrée d’un lieu historique national canadienCe site, moitié musée, moitié mémorial, commémore la bataille navale de la Ristigouche qui se déroula en juillet 1760. C’est une date importante dans l’histoire du Canada, car ce fut la dernière bataille navale entre la France et la Grande-Bretagne pour la possession du territoire nord-américain. Les Anglais ont gagné la bataille.
Cimetière de Pointe à la Garde photo B Nicolas

Pointe-à-la-Croix est le premier bourg de la baie des ChaleursAyant repéré l’emplacement de l’auberge château Bahia où nous couchons ce soir, nous cherchons un chemin pour accéder au bord de la baie. Après avoir longé un bâtiment communal puis un cimetière sans clôture nous trouvons un passage et débouchons sur une plage de graviers. 
Branchages et troncs d’arbres au bois blanchi par la neige et la glace sont abandonnés là sans doute depuis des années. Notre arrivée chasse un oiseau perché sur une branche morte. Avant son envol j’ai le temps de voir qu’il ressemble à un merle, mais sa poitrine est orangée. Je découvrirai  plus tard qu’il s’agit du merle d’Amérique.
Baie des Chaleurs photo B Nicolas

A l'horizon, une falaise de teinte ocre attire notre regard. C’est la fameuse falaise de grès rouge du parc national de Miguascha. Cette falaise renferme une grande quantité de fossiles remarquablement conservés datant de 370 millions d'années, parmi lesquels les scientifiques ont découvert les fossiles de poissons qui sont les ancêtres des premiers vertébrés à quatre pattes pouvant respirer de l'air. Le site est classé au patrimoine mondial de l'UNESCO et se visite.



L’après-midi s’achève quand nous arrivons à l'auberge. Le premier bâtiment, en retrait de la route, est l’auberge de jeunesse proprement dite. Château-Bahia, en revanche, se situe 500 m plus haut, dans une clairière au milieu des bois. Nous devons emprunter un chemin de terre  pour y arriver.
Château Bahia photo P Nicolas
Débouchant dans la clairière, nous avons la sensation d’entrer dans un décor de dessin animé. Il s’agit bien d’un château, mais quel château !
Construction fantaisiste, totalement en bois, il s’inspire très librement de ceux du moyen-âge. La couleur rouge vif des toits comme le vert des embrasures de fenêtres me fait penser à un album de coloriage ; les enfants doivent adorer l'endroit. Dépaysement garanti !
Le hall m’évoque une salle d’armes. Le comptoir d’accueil se trouve au fond de la salle du restaurant, avant la cuisine d’où nous parvient le crépitement d’une fricassée d’oignons, si j’en crois mes narines. Le propriétaire nous reçoit et nous indique notre chambre, au premier étage d’une tour donnant sur l’arrière du château.
Château Bahia
photo P Nicolas

Aidé de son père, l'actuel propriétaire a défriché la clairière puis construit lui-même ce château. 18 ans de travail ont été nécessaires ! Le petit-fils prend la relève et s’est lancé dans la construction d’un second château, juste derrière celui-ci, le pavillon naïf, presque terminé.
Château Bahia
photo P Nicolas



Château Bahia
photo P Nicolas













De forme octogonale, notre chambre possède un petit balcon d’où nous apercevons la Baie-des-Chaleurs.
La forêt débutant immédiatement après la clairière, nous décidons d’y faire une promenade. Il fait encore très chaud à 17 h 00 et nous apprécions la fraîcheur du sous-bois. Une bonne partie des arbres bordant le sentier nous sont inconnus. 

Nous décidons de descendre souper à l’auberge de jeunesse pour finir les restes du piquenique de midi. Derrière le bâtiment, deux jeunes s’activent autour d’un barbecue, tandis qu'un troisième joue de la guitare, coiffé d’un chapeau de cowboy. Tous nous saluent puis nous indiquent la porte de la cuisine.
Face à l'entrée trône une énorme cuisinière en fonte. À droite, debout devant la gazinière, une jeune fille en jean, cheveux relevés sur le crâne avec un élastique, surveille la cuisson de deux homards. Elle est française, étudiante, et nous indique travailler ici pour l’été. « Si vous avez des choses à mettre au frigo, poussez les trucs dedans, faites-vous de la place ». Elle nous explique profiter de ses temps de repos pour visiter la région. D’être nourrie logée en échange d'un travail ne lui coûte pas cher. « C’est un bon plan ! »

La salle à manger, toute en longueur, communique avec un salon bibliothèque où un garçon et une fille échangent à mi-voix, sans relever la tête de l’ordinateur posé sur leurs genoux. S’interrompant  pour nous saluer ils se remettent à pianoter, commentant leurs recherches sur le Net de phrases courtes.
Plus de vingt personnes peuvent s’asseoir autour de l’immense table; nous sommes les seuls à souper. Il fait presque nuit quand nous réintégrons notre chambre. 




Jeudi 26 juillet. 7e jour
Baie des Chaleur photo B Nicolas

Bagages dans la voiture, il est 07 h 00 lorsque nous descendons déjeuner à l’auberge de jeunesse. Les deux garçons croisés la veille devant le barbecue nous y accueillent joyeusement. « Bonjour ! Le café est prêt, servez-vous pendant que nous préparons des crêpes. Il y a aussi du thé. Et du lait chaud…» L’incontournable confiture de framboises et le traditionnel pichet de sirop d’érable sont à notre disposition. Arrosées d’un filet de sirop, les crêpes chaudes sont savoureuses. 
Une fois le déjeuner achevé, nous récupérons nos packs de glace au congélateur et quittons Château Bahia. Le temps est splendide ; cette situation serait-elle devenue immuable ?

Aujourd’hui, nous projetons de remonter la Baie-des-Chaleurs en suivant la route 132 jusqu’à la localité touristique de Percé où nous passerons la prochaine nuit.
Après avoir dépassé le parc National de Miguasha, la baie s’élargit de plus en plus. Il fait déjà très chaud lorsque nous effectuons une halte à Carleton, première station balnéaire de la Baie des Chaleurs. Les camping-cars et pickups immobilisés un peu partout trahissent la proximité des grandes plages ; aucun doute, nous avons rejoint la civilisation.

Carleton est dominée par l’imposant Mont Saint-Joseph qui surplombe la ville à 555 m de haut. Une route y grimpe, abrupte et en mauvais état.
L’un de nos guides mentionne un stationnement à droite dans la montée. Le chemin de randonnée partant d'ici gagne le sommet en une heure. Tentés, nous décidons de nous y lancer.
Comment avons-nous pu rater ce parking ? Nous arrivons en voiture au sommet où une aire de stationnement bitumé occupe la quasi-totalité de l’espace.
Carleton mont Saint-Joseph photo P Nicolas

L’ancienne chapelle se dressant au point culminant est, en revanche, bien entretenue, et les passerelles de bois installées en bordure du sommet offrent un panorama spectaculaire sur la Baie. 
Carleton photo P Nicolas

Les contours du barachois se dessinent avec précision. 
Un barachois est une petite lagune fermée par deux bras ne laissant qu’un étroit goulet de communication avec la mer. Peu profond, l’eau s’y réchauffe vite favorisant le développement d'une vie grouillante qui assure une nourriture abondante aux oiseaux.
Barachois de Carleton vu du mont Saint- Joseph photo B Nicolas


Carleton vu du mont Saint- Joseph photo P Nicolas

Les passerelles sont jalonnées de panneaux pédagogiques remarquablement conçus. Ils fournissent une multitude de renseignements allant de la formation géologique du site aux faits marquants de l’histoire du pays. Leur lecture est un vrai plaisir.

 Du sommet, les champs  forment un damier de parcelles géométriques séparées à intervalles réguliers par des chemins et des routes. Cette disposition appelée rangs date de l’époque où les terres furent cédées aux immigrés européens pour être cultivées.

Ayant raté le départ de rando en montant, nous l’effectuons en sens inverse. Dans le sentier en sous-bois, nous découvrons une plante curieuse : d’une taille de 20 à 30 cm de haut, la forme de ses feuilles rappelle celles du muguet. Au bout d’une tige lisse, deux ou trois fruits ressemblant aux baies du cassis sont accrochés séparément. 

photo P Nicolas

Nous apprendrons le lendemain que cette plante est menacée de disparition ; malheureusement, j’en ai oublié le nom.

Nous croisons un groupe de quinquagénaires dans une partie abrupte. Comme nous nous arrêtons pour les laisser monter, l’un d’eux, visiblement embarqué à contrecœur dans l’expédition, me demande si le sommet est encore loin. « 200 m, pas plus ! » Il repart, soulagé. Son pantalon blanc et ses mocassins sont peu adaptés au terrain. Nous croisons deux autres personnes montant en chaussures de ville. Tous viennent probablement du parking raté tout à l’heure.
Camping-cars, pickups et autres véhicules entourent notre voiture quand nous regagnons le sommet.Il est presque 11 h 00.
Baie des Chaleurs vue du mont Saint-Joseph photo B Nicolas

Si la montée était raide, j’ignore comment utiliser la boite automatique dans la descente. J'avance donc le pied sur la pédale de frein et une odeur d’échauffement envahit bientôt la voiture. Elle se dissipe rapidement une fois en bas du mont Saint-Joseph.

Cherchant un endroit ombragé où piqueniquer, nous trouvons un square minuscule ne contenant que deux tables, dont l’une à l’ombre. À peine sommes-nous installés que deux jeunes filles à moto s'arrêtent et s'assoient à l’autre table. Vu la forte chaleur, ma femme leur propose de partager l’ombre de la notre. Elles la remercient mais déclinent son invitation affirmant ne pas craindre le soleil. Voyant ensuite ma femme s’apprêter à me photographier, l’une d’elles se lève et propose de nous photographier tous les deux. Saisissant alors le Nikon, elle le manipule avec l’aisance d’une professionnelle et effectue rapidement trois prises de vues. Leur sandwich avalé, elles repartent à moto, une BMW routière aux équipements sobres.


Une fois la pointe de Carleton dépassée, nous nous enfonçons dans une anse d’environ 18 km de profondeur. Perché sur une hauteur au fond de cette anse, le village amérindien de Gesgapegiag possède une église originale dont l'architecture évoque la forme du tipi.
Eglise de Gesgapegiag photo P Nicolas

Gesgapegiag abrite l’une des trois communautés autochtones micmaques de la province. Avant l’arrivée des Européens, ce peuple vivait en Gaspésie, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et sur l’Île-du-Prince-Édouard. Nomades, ils construisaient leurs wigwams (tipis) de façon à pouvoir les déplacer facilement. Chasseurs, pêcheurs, ils s’étaient spécialisés dans la pêche loin des côtes.


Les Micmacs sont catholiques. Nous entrons dans leur village afin de visiter l’égliseSi la toiture de l'édifice est métallique, l’intérieur en bois procure une agréable sensation de confort. Des objets propres à la culture micmaque en décorent les murs.
Eglise de Gesgapegiag photo P Nicolas

500 Micmaques vivent dans ce village. Comme les Innus d’Essipit, ils possèdent leur propre Police. Les enfants apprennent le micmac à l’école, mais parlent également français et anglais. Néanmoins, seulement 8% des 19/35 ans, ont un diplôme universitaire.
Contrairement au village Innu d’Essipit, intégré dans la commune des Escoumins, Gesgapegiag est très isolé. Autre différence, nous avons l’impression d’une communauté plus pauvre ; certaines maisons peu entretenues tranchent avec l’aspect neuf de l’église
Eglise de Gesgapegiag photo P Nicolas

Si nous ne rencontrons personne dans le village, nous devinons des présences derrière les fenêtres des maisons. Au moment de repartir, deux jeunes Micmacs conduisant un pickup délabré nous coupent la route. Ils remorquent un autre vieux pickup à l'aide d'une corde. Dans la cabine de celui-ci, un garçon tente en vain de démarrer le moteur. S’immobilisant au milieu du carrefour, ceux du premier pickup viennent l’aider sans plus de succès. L’état de leurs vêtements n’est guère mieux que celui des engins. Passant lentement sur le côté, nous quittons le village avec la sensation désagréable d’être entrés par effraction.


Bonaventure photo P Nicolas

Nous effectuons une courte halte à Bonaventure et entrons dans un bar pittoresque. C’est à la fois un café, une boulangerie avec un coin bibliothèque et un espace de jeux pour les enfants. Il y règne une ambiance sympathique. 

La patronne est une jeune femme brune aux cheveux frisés. Elle porte un teeshirt noir et enfile des gants pour servir le pain aux clients. Quand je luis dis que nous désirons acheter une baguette et boire un café, elle me répond avec un large sourire en écartant les bras : « Vous êtes au bon endroit ! » Tandis qu’assis à une table, nous buvons un excellent café, je remarque des distributeurs où l’on peut remplir soi-même des pochons de café de thé et de tisanes.
Une porte s’ouvre alors, côté bibliothèque, et le boulanger entre avec un plateau de pains chauds. Le fournil se trouve juste là, derrière la porte. Voir passer un plateau de pains chauds devant des rayonnages de livres est inattendu. Question : existe-t-il un autre endroit où le fournil dune boulangerie communique avec une bibliothèque ?
Baie des Chaleurs photo P Nicolas

Sortis de la localité, nous descendons sur une plage de graviers et trempons nos pieds dans l’eau. Quelques personnes se baignent. Alors que nous marchons tranquillement sur la plage, un homme vient à notre rencontre en se penchant sans arrêt pour ramasser de petits cailloux. Il les inspecte minutieusement, un par un, puis les rejette. Ma femme se souvient alors avoir lu dans un guide que l’on trouve parfois des pierres semi-précieuses sur ces plages. L'homme en cherche-t-il ?


À Gascons, la Baie des Chaleurs fait place à l'immense golfe du Saint-Laurent, lequel communique avec l'océan atlantique, plus de 300 km au large.

La pointe de la Gaspésie se rapproche. Notre route franchit un dernier cap rocheux puis débouche sur la baie de Percé. La vue est si belle que nous avons ma femme et moi la même exclamation enthousiaste.
Baie de Percé photo P Nicolas

Une longue falaise ferme le bord opposé, s’avançant dans la mer en direction de l’île Bonaventure. L’érosion a détaché un bloc à son extrémité. Ceinturé d’eau, celui-ci se dresse tel un doigt pointé vers le ciel.
Le village de Percé est important à plus d’un titre : c’est à Percé que Jacques Cartier débarqua en 1534, Percé a été jusqu’au XIXe le plus important port de pêche de la péninsule, et aujourd’hui, la ville est devenue la capitale touristique de Gaspésie. 

Notre hébergement se trouvant à l’autre extrémité de la commune, nous longeons la baie puis traversons le bourg de Percé dont la rue principale, jalonnée de restaurants et boutiques de souvenirs, grouille de touristes en tenue de plage. 
Qu’un gîte au bord de la mer, se nomme, Gîte de la Savoie, peut paraître incongru ! La propriétaire, petite septuagénaire aux cheveux blancs légèrement frisés, nous accueille avec courtoisie.Voyant que nous souhaitons visiter l’île Bonaventure, elle retient par téléphone deux traversées pour demain matin. Tout en téléphonant, elle nous conseille de choisir le premier bateau, celui de 09 h 00, ceux partant plus tard sont bondés. Une fois les places retenues, elle nous remet des billets à présenter au ponton. «L’idéal, c’est d’arriver 15 min avant pour choisir les meilleures places à bord ».
Percé photo P Nicolas

Descendus au port, nous sommes surpris de voir autant de pêcheurs à l’heure du souper. Puis nous remarquons une étrange agitation à la surface de la mer. Il s’agit d’un banc de maquereaux évoluant à quelques mètres du ponton. Nous apprendrons de la propriétaire que la pêche au maquereau est la distraction favorite des habitants de Percé.
Percé photo P Nicolas

Nous piqueniquons sur la plage, près du gîte, face à la longue falaise fermant la baie. Très bas, à présent, le soleil incendie sa pierre ocre produisant une coloration incroyable. Bien que nous soyons à environ huit cent mètres du port, ici aussi des centaines voire des milliers de maquereaux s’agitent à la surface de l’eau.

Percé photo B Nicolas

Tandis que nous mangeons devant ce paysage sublime, une famille avec plusieurs enfants, garçons et filles, arrive en file indienne, tenant chacun une canne à pêche, grande pour les parents, petite pour les enfants. Maman qui ferme la marche se porte plutôt bien, papa porte la glacière où l’on mettra les poissons. 
Se positionnant chacun à quelques mètres les uns des autres, tous lancent leur ligne dans les premières vagues. On voit immédiatement que même le plus petit est très expérimenté. Chaque prise est accompagnée de cris de joie. Les cormorans aussi sont à la fête ; ils plongent et ressortent proie en travers du bec. Nous rentrons au gîte, des images inoubliables plein les yeux.


Vendredi 27 juillet. 8e jour

Falaise de Percé photo B Nicolas

Lorsque j'ouvre les volets, le temps est  couvert. C'est la première fois depuis notre arrivée au Québec. Les cris plaintifs des goélands sillonnant le ciel s'accordent bien à cette ambiance maussade.
Dans la salle à manger, une femme d’une quarantaine d’années déjeune tout en discutant avec la propriétaire. D’après l’échange, je crois comprendre qu’elle vient régulièrement déjeuner au gîte avant de se rendre au marché, y travaille-t-elle ?
Une fois encore, le déjeuner que l'on nous sert est copieux et excellent, qualités que nous rencontrerons partout durant notre séjour. La propriétaire nous conseille son sirop d'érable, l'un des meilleurs de la région. Parlant alors des différentes qualités de sirop d’érable, elle dénonce la vente aux touristes de sirops impurs contenant diverses substances dont du caramel pour obtenir la bonne couleur.
Puis nous parlons de 
l’île Bonaventure et elle nous apprend que les phoques y sont de plus en plus nombreux, comme sur le littoral : « Tout cela c’est la faute de cette Brigitte Bardot qui en a fait interdire la chasse ! On n’en voyait pas tant auparavant. Ils pullulent ! Elle n’a pas mieux à faire en France plutôt que de nous causer ces ennuis ? »


Nous prenons congé de la septuagénaire et chargeons la voiture pour être prêts à partir au retour de l’île. Plusieurs bateaux sont à quai, les gens embarquent de tous côtés. Deux circuits sont proposés aux touristes : le tour de l’île en bateau puis retour au port, ou bien, le tour de l’île et visite de l’île. La traversée coûte 25$ auxquels il faudra ajouter 6$ pour visiter l’île.
Notre bateau a une capacité de 50 passagers. Quand nous y montons, une quinzaine de personnes se trouvent déjà à bord et occupent les meilleures places du pont supérieur. Tant pis !
Golf St Laurent photo B Nicolas

Il fait frais. Après avoir quitté le port, nous longeons la falaise emblématique de Percé. Si sa paroi est très belle depuis la côte, ses 88 mètres de haut et ses 448 mètres de long la rendent véritablement impressionnante de près. Malheureusement, sa couleur ocre se ternit sous le ciel gris, comme je regrette l’orangé éclatant d’hier soir au coucher du soleil !
Falaise de Percé photo B Nicolas
Falaise de Percé photo B Nicolas

l’érosion ampute cette muraille calcaire d’environ 300 tonnes par an ! Elle s’est donc transformée de façon spectaculaire au fil du temps. La falaise aurait eu deux arches naturelles à l’arrivée de Jacques Cartier, elle en possédait trois en 1700, deux en 1758, une seule depuis l’éboulement de 1845. Y en a-t-il une nouvelle à l’heure où je transcris ces notes ? Qu’elle soit aussi friable n'effraie pas les kayaks de mer pagayant au pied.

Nous voici arrivés sur la côte nord de l’île Bonaventure où une falaise également ocre abrite des fous de Bassan. Ils prennent leur envol avec majesté puis plongent de façon spectaculaire pour attraper des poissons.
Ile Bonaventure photo B Nicolas

Contrairement aux cormorans, ils ne poursuivent pas leur proie sous l’eau et ressortent rapidement. Nous apercevons aussi quelques guillemots et petits-pingouins, volant rapidement au ras de l’eau. Je les reconnais à leur vol caractéristique, mais suis incapable de les différencier. Au pied de la paroi, quelques phoques communs sont immobiles sur leur rocher. Ils se remarquent à peine tant leur couleur gris moucheté se confond avec celle de l'eau.
Phoque commun photo B Nicolas

Leur façon de se tenir en arc de cercle, tête et queue relevée, m’évoque une sculpture parfaitement lisse posée en équilibre sur un bloc de pierre brute. Comment ne pas songer au phoque de Brancusi ou à certaines œuvres d’Henri Moore ?
Percé vu depuis Bonaventure photo P Nicolas

Le tour de l’île est rapide et le temps s'améliore à une vitesse étonnante. Le soleil apparaît lorsque nous accostons sur la côte ouest, juste en face de Percé.

 Deux options se présentent : soit entreprendre seuls le tour de l’île, soit effectuer en compagnie d'un guide naturaliste la portion allant du débarcadère à la colonie de fous de Bassan. Nous choisissons de suivre le guide et poursuivrons seuls, ensuite, le tour de l'île.  

Notre groupe se compose d’une douzaine de personnes ; le jeune naturaliste nous explique la formation géologique de Bonaventure, l’histoire des premiers colons ayant occupé l’île, les particularités de sa flore et de sa faune. 
Nous nous arrêtons à plusieurs reprises pendant le trajet pour découvrir des plantes endémiques. Le guide illustre sa présentation de documents photo et nous apprend à différencier telle ou telle espèce de plantes ou d'animaux. Comment différencier un guillemot d’un petit-pingouin ? Excellente question ! Le mieux est d’avoir une lunette d’observation et un bon livre d’ornitho.

Lorsque le chemin débouche sur la côte nord, nous changeons soudain de planète. 70 000 couples de fous de Bassan, soit 140 000 individus, nichent ici d’avril à octobre avant de migrer en Floride. 

Fous de Bassan Ile Bonaventure photo P Nicolas

Le spectacle est à la fois grandiose et ahurissant. Grandiose, car ces oiseaux sont d’une incroyable beauté, ahurissant, car une simple balustrade nous sépare d’eux. Les premiers sont à moins d’un mètre! La taille de ces grands oiseaux  atteint environ 1m de haut pour 1m60 à 1m80 d’envergure.



Fou de Bassan photo P NICOLAS
Jeune fou de Basssan photo P Nicolas

Ils nichent sur un périmètre restreint, poussent des cris rauques, se querellent si l’on empiète sur leur minuscule territoire. Aucun ne prête attention aux visiteurs. Leur puissant bec jaune pâle est magnifique ; son contour bordé de noir donne l’impression d’avoir été surligné au feutre. Ailes semi-déployées, des couples se livrent à une sorte de parade, cou levé, heurtant le bec de leur partenaire comme des escrimeurs croisent le fer.

Fou de Bassan photo P Nicolas

Fous de Bassan photo P Nicolas

Le bruit des becs se heurtant m’évoque la sonorité du tube de bambou. Lorsque l’un souhaite quitter le nid pour aller pêcher il signale son intention en s'agitant sur place puis s’envole. Chaque nid étant à distance d’une longueur de bec du nid voisin, mieux vaut ne pas se tromper d’emplacement en rentrant de la pêche. 

L'île Bonaventure possède la colonie de fous de Bassan la plus importante au monde.

Bonaventure photo B Nicolas
Bonaventure photo B Nicolas

La tête pleine d’image, le Nikon aussi, nous quittons le site pour attaquer le tour de l’île. Il faut faire plusieurs centaines de mètres avant de dépasser totalement la colonie. 





Une fois en sous-bois ne plus entendre le concert de cris rauques donne l’impression que quelqu’un a coupé le son. Nous croisons peu de touristes, car beaucoup viennent uniquement voir la colonie de fous de Bassan. Ils retournent ensuite au ponton d’où un bateau part chaque quart d’heure pour Percé.
Bonaventure photo B Nicolas

Le tour de l’île est très bien aménagé, de nombreuses passerelles en bois suivies de courtes portions d’escaliers sont installées sur les parties les plus délicates. À présent, il fait très chaud. Nous piqueniquons rapidement sous les arbres puis arrivons en terrain découvert. 
Bonaventure photo P Nicolas

La chaleur est telle que je commence à peiner et suis heureux quand j'aperçois l’embarcadère. Nous y arrivons vers 13 h 00. Le retour étant direct, notre bateau débarque 15 min plus tard à Percé.


Dès la sortie de Percé, la route grimpe beaucoup. Nous sommes sur les flancs du mont Sainte-Anne qui domine la ville de ses 320 mètres. La baie suivante se nomme, baie de Gaspé. Beaucoup plus profonde, elle s’enfonce dans les terres sur près de 40 km. Notre destination se trouve sur la rive d'en face, le Parc National Forillon.
L’auberge Forillon est située au coeur du parc ; nous y avons réservé deux nuits et sommes accueillis par une étudiante française. L'ambiance du lieu nous plait tout de suite. Sitôt installés, nous descendons sur la plage et admirons un long moment le paysage, assis sur un tronc d’arbre blanchi par la neige et la glace. 
Parc de Forillon photo P Nicolas

Tout est calme. 30 m à droite, une femme marche lentement dans l'eau, vêtue d'une robe de plage à motifs blanc et gris. A côté d'elle, deux hommes en short se sont relevés de leur chaise pliante. Le plus grand porte un chapeau, l'autre une casquette à visière. Leurs mouvements sont paisibles. Un peu plus loin, cinq jeunes garçons en bermudas aux couleurs vives sortent du bain et jouent au ballon. 
Parc National Forillon photo B NICOLAS

De retour à l’auberge, nous descendons à la cuisine préparer notre souper puis nous nous asseyons à la grande table près d’une jeune fille mangeant seule. Encore une étudiante française ! Originaire de Bretagne, elle suit des études de médecine et vient ici se ressourcer. Elle a effectué une superbe randonnée au mont St Alban et nous conseille vivement d’y monter car la vue sur le golfe est exceptionnelle. Deux autres étudiantes françaises arrivent, puis un couple de Français avec deux enfants en bas âge.
Parc National Forillon photo B Nicolas

 Lorsque nous montons nous coucher, je me demande comment il se fait que depuis notre arrivée au Québec les étudiants français rencontrés soient majoritairement des filles.




Samedi 28 juillet. 9e jour
Parc National Forillon photo P Nicolas

La chambre ne possédant qu’un simple rideau, je suis réveillé à 5 h 45 par un soleil magnifique.
Voyant que  ma femme dort. J’écris. 
Hier soir, j'ai eu du mal à m'endormir en raison de piqûres d'insectes à la nuque et la tête. Ces piqûres proviennent de notre passage sur l'île Bonaventure et je m'étonne de n'avoir rien ressenti pendant notre tour de l'île. Les démangeaisons se sont manifestées bien après, tandis que nous roulions en voiture. Ma femme aussi en a été victime ; nous ressentirons ces démangeaisons pendant trois jours. C'est un peu gênant sans être véritablement un problème.

Nous prenons notre déjeuner avec un Canadien d’environ 30 ans qui nous raconte, enthousiasmé, sa longue randonnée de la veille dans le Parc National. Apprenant notre intention de grimper au mont Saint-Alban, il nous prévient que la montée est assez physique, mais nous la recommande vivement en raison de la vue incroyable sur le golfe depuis le sommet.
Parc National Forillon photo P Nicolas

Créé en 1970, le parc s’étend sur une superficie de 244 kilomètres carrés. Si tous les guides mentionnent sa richesse exceptionnelle : diversité géologique, flore, faune, ainsi que les multiples activités proposées, aucun n’indique comment l’état canadien a chassé les derniers habitants de la pointe à la création du parc, allant jusqu'à détruire leur maison. Il s’agissait de personnes qui vivaient ici depuis des générations et produisaient, à l’ancienne, la fameuse Gaspé cure, morue séchée salée.
Au XIXe siècle, plusieurs centaines de familles étaient établies ici. Elles pêchaient la morue de mai à octobre et confectionnaient la Gaspé cure exportée aux Antilles, en Espagne et en Italie par des compagnies de pêche.
Intégrés au parc National, ces derniers habitants auraient pu faire découvrir leur métier ancestral aux visiteurs et aux scolaires. Aujourd’hui, il semblerait que le gouvernement canadien reconnaisse son erreur.


À cette heure matinale, nous ne croisons aucun véhicule sur la route côtière qui se termine en cul de sac, bien avant la pointe. À Petit Gaspé, le parking d'où part la randonnée au mont Saint-Alban est également vide. Y abandonnant la voiture, nous nous enfonçons dans la forêt. 
Parc Forillon photo B Nicolas

La journée s’annonce très chaude mais la forêt offre une agréable fraîcheur. Par endroits, des arbres morts sont retenus par les branches d’autres arbres. Leur aspect indique qu'ils se dessèchent là depuis plusieurs années. C'est parfois toute une parcelle qui reste à pourrir sur place. Les gestionnaires des parcs Nationaux laissent souvent la nature se régénérer elle-même ; j’ignore s’il s’agit d’une politique délibérée ou si l’immensité des parcs rend impossible un entretien systématique. De ne jamais voir cela dans les forêts françaises nous donne l’impression d’une nature vierge, sauvage, alors que le parcours est très bien aménagé.
Parc Forillon Photo B Nicolas

nous croisons un jeune couple descendant du sommet en courant alors qu'il n’est pas encore 9 h 00 !  À quelle heure ces deux-là ont-ils démarré ?... Lorsqu’ils nous saluent au passage, leur foulée est souple, tonique, leur visage détendu, on y lit un vif plaisir à courir.
De nombreuses espèces d'arbres à feuilles caduques : peupliers, bouleaux, ormes, érables… se mêlent aux conifères. La végétation a beau être bien référencée dans nos guides, nous avons du mal à identifier certains arbres. L'un retient notre attention car son tronc tordu lui donne une silhouette surprenante. Il ressemble à un bouleau par sa couleur claire, presque blanche, et son écorce se décolle en très larges bandes, dévoilant une superbe palette de tons orangés sur sa face interne. 
Parc Forillon photo P Nicolas


Parc Forillon
photo P Nicolas


Parc Forillon photo P Nicolas

Nous rencontrons aussi l’élégant bouleau jaune au tronc droit, couleur miel. Lui aussi a une écorce qui se décolle, mais elle s’effiloche en fines lanières. Nous apprendrons par la suite que le bouleau jaune est l’arbre emblématique officiel du Québec. 
Trouant la végétation qui nous enveloppe depuis le début de la montée, un belvédère offre une vue sur le golfe. Alors que nous contemplons la vue, un jeune couple nous y rejoint mais n’y jette qu’un rapide coup d’œil avant de repartir. Comment peut-on ne pas prendre le temps d’apprécier un tel paysage ?
Parc Forillon photo P Nicolas

Reprenant notre montée, nous trouvons l’explication cinquante mètres plus loin. Là, une structure de bois ressemblant à un grand affut se dresse entre les arbres. Arrivés au pied nous remarquons qu’il possède deux étages et un escalier central. Nous montons et débouchons sur une plateforme au-dessus de la cime des arbres. Le panorama à trois cent soixante degrés s’offrant à nous est époustouflant. 

Cap Gaspé depuis le St Alban photo P Nicolas

Cap des Rosiers depuis le St Alban  photo P Nicolas

Au sud s’étend la profonde baie de Gaspé, à l’est, la pointe de cap Gaspé, au nord, le cap des Rosiers et son phare, derrière nous, la forêt du Parc National Forillon ondulant vers l’ouest à l’infini. Découvrir un si vaste horizon, après deux heures de marche en forêt est grandiose. D’ailleurs, chaque randonneur arrivant sur la plateforme pousse une exclamation de surprise en se protégeant les yeux du soleil. Nous resterions des heures à contempler le golfe et les Appalaches si la chaleur n’était pas aussi forte. Avant de redescendre, j’effectue une séquence vidéo pour garder un souvenir de ce panorama exceptionnel.

Vide à notre départ, le parking déborde de véhicules au retour, plusieurs sont garés de façon anarchique devant la plage. Réussissant à nous en extraire, nous roulons jusqu’au bout du Boulevard de Grande Grève, là où la route s’arrête en cul-de-sac sur un espace, mi-rond-point, mi-parking. Au-delà, un chemin réservé aux piétons et cyclistes conduit à l'étroite pointe de Cap Gaspé, aperçue depuis le belvédère du Saint-Alban.
Avant de nous lancer dans cette nouvelle randonnée (4 h 00 aller-retour), nous mangeons des fruits secs et du raisin. La chaleur est telle que marcher jusqu’au cap en plein soleil me soucie un peu, mais bon...
Baie de Gaspé photo B Nicolas

Bordé d’une végétation extrêmement fleurie, le chemin suit la côte. Quelques vélos l’empruntent, pas trop. Nous avançons au même rythme qu’une famille américaine. Parents quadragénaires avec deux adolescents de seize dix-huit ans. Nous les dépassons chaque fois qu’ils s’arrêtent pour regarder la vue aux jumelles, eux nous dépassent chaque fois que nous rencontrons une plante intéressante ou que nous photographions le relief spectaculaire de la côte. La roche est sédimentaire et ses couches successives inclinées vers la baie donnent l’impression de glisser l’une sur l’autre pour s’y engloutir.
Parc Forillon photo B Nicolas

Vêtu d’un teeshirt et d’un pantacourt aussi noirs que ses cheveux, le père américain reste à la traîne en s’épongeant régulièrement le front. Aller au cap par cette chaleur semble l’indisposer.
Au bout d’une heure, je trouve pénibles les coups de sonnette des cyclistes arrivant dans notre dos. Néanmoins, tous nous remercient de nous ranger à droite pour les laisser passer. La majorité sont des cyclistes isolés, nous croiserons seulement deux ou trois couples et une famille à vélo.


photo B Nicolas

Le chemin est rectiligne. La longue pointe du cap devient si étroite que sept cents mètres seulement séparent sa côte sud de sa côte nord. Au milieu du chemin, la crotte fraîche d’un plantigrade témoigne du passage d’un ours, sans doute en matinée. Il n’y a plus personne derrière nous, pas davantage devant. Où sont donc passés les Américains ?...
Au bout de la ligne droite, le chemin tourne et grimpe subitement, Cap Gaspé n’est plus très loin. Dans la langue du peuple Micmaque, Gaspé se dit Gespeg et signifie la fin des terres. (Comme Finistère chez nous en Bretagne)


Cap Gaspé. Parc Forillon   photo P Nicolas

Ça y est ! Nous y sommes, nous sommes au bout du monde. C’est ici, à Cap Gaspé, que s’achève la péninsule de Gaspésie. C'est aussi le terme de l’Appalachian trail, randonnée mythique qui débute 4 150 kilomètres plus bas, au mont Springer en Géorgie, dans le sud des États-Unis. 

Un vent étonnamment frais, venant du large, balaie le cap. Le phare de taille modeste, seulement 12.80 m de haut, s'élève quelques mètres en retrait de la falaise. 
Après le panorama exceptionnel du belvédère au Saint-Alban, la vue sur le golfe est seulement superbe. Au bout de quelques minutes, j’ai froid. J’ai froid en plein soleil ! Je me reposerais bien un peu à l’une des tables de piquenique installées sur le promontoire, mais ce courant d’air marin me frigorifie. Quelqu’un aurait-il un manteau ? Personne !

Nous revenons par la forêt sur la moitié du parcours avant de rattraper le chemin à découvert. L’itinéraire en sous-bois est agréable, mais accidenté ; il faut se méfier des nombreuses racines de conifères sortant du sol. 
Parc Forillon  photo B Nicolas
Parc Forillon  photo B Nicolas

















Après avoir rejoint le chemin principal et son soleil de plomb, trois perdreaux au plumage encore ébouriffé débouchent d’une haie. Cou tendu, ils observent les alentours en pivotant la tête de tous côtés comme s’ils étaient surpris de se retrouver ici. Ne sachant quoi faire, ils ne bougent plus alors qu’un couple et deux enfants arrivent en vélo. Les enfants pédalent vite. J’agite les bras pour leur signaler les perdreaux, les parents comprennent et crient aux enfants de stopper. Tous les quatre arrivent au ralenti en chuchotant. Cela commence à faire beaucoup de monde pour nos perdreaux qui font lentement demi-tour et disparaissent dans les broussailles sans nous quitter du regard. « Qu’est-ce que c’était ? » demande, tout excité, un des enfants à ses parents.
Nous rencontrons plus de monde sur le chemin qu’à l’aller, ce qui nous incite à emprunter l’étroit sentier bordant la falaise. 
Parc Forillon photo B Nicolas
Parc Forillon photo B Nicolas


Parc Forillon photo B Nicolas

Une végétation fleurie  nous entoure, dominée par des regroupements d’épilobes d’un rose soutenu. Nous en avions aperçu quelques rares bouquets dans les clairières en montant au Saint-Alban ; ici, elles sont omniprésentes et la hauteur des pieds  approche les 2 m de haut.

Le retour ayant été plus rapide que prévu, nous gagnons en voiture la côte nord par la petite route du Cap Bon Ami où un musée (un centre d’interprétation) donne des informations sur la géologie du cap, sa flore, sa faune terrestre et sous-marine. Le musée présente dans ses aquariums un certain nombre de poissons et mollusques de la région. 
Il fait un peu moins chaud. Profitant d’un paysage très différent, car il n’y a aucune falaise de ce côté, nous marchons au niveau de la mer et apercevons une grande variété d’oiseaux. Malheureusement, nous n’avons ni jumelles ni lunette pour les observer.

Lorsque nous rentrons à l’auberge, le responsable s’apprête à projeter un diaporama qu’il a réalisé sur le parc. Ses commentaires témoignent d’une grande connaissance du site. Une des séquences illustre les conditions de vie difficiles sur cette côte en hiver et les dangers que la glace peut représenter pour les vacanciers non avertis. Il donne un exemple : la glace est si épaisse que l’on peut s’aventurer dessus. Néanmoins, il ne faut pas y aller seul, car si le temps se dégrade plus aucun repère n’est visible et il y a de fortes chances qu’un vacancier perde toute orientation. De plus, si une plaque de glace se détache, lors de la marée montante, la personne pourra dériver sur des centaines de kilomètres dans le golfe avant d’être retrouvé.
J'aime bien l'été !




Dimanche 29 juillet. 10e jour.
Signalisation routière en Gaspésie photo P Nicolas

Partis de l’auberge à 07 h 00, nous traversons le parc National Forillon en direction de la côte nord jusqu’à Cap-des-Rosiers. C’est là que se trouve le phare le plus ancien de Gaspésie et le plus haut du Canada avec ses 34 m, ce qui le place loin devant celui de Cap Gaspé, où nous étions hier.
Aujourd’hui, nous allons suivre cette côte nord longeant le golfe du Saint-Laurent puis l’estuaire, et remonter le fleuve, jusqu’à Rimouski par où nous étions entrés dans la péninsule gaspésienne. L’hébergement réservé pour ce soir est un gîte rural à Saint-Donat-de-Rimouski.
Cap des Rosiers  photo B Nicolas

Après une brève halte au phare de Cap-des-Rosiers, nous attaquons la seconde partie de la boucle qu'effectue la 132 autour de la péninsule et traversons plusieurs villages de pêcheurs abrités dans des anses aux noms pittoresques : L’Anse-aux-Griffons, L’Anse-à-Fugère, Rivière-au-Renard…
Port de pêche golf St Laurent photo B Nicolas

Sur notre droite, le golfe à perte de vue et, quelques part au loin, invisible depuis la côte, la grande île d’Anticosti dont la pointe ouest sépare l’estuaire du fleuve Saint-Laurent en deux détroits.
À partir de L’Anse-à-Valleau, la route s’écarte momentanément de la côte et traverse un massif forestier. Le changement d’ambiance est radical ; si nous ne savions pas la mer à moins d’un kilomètre, nous jurerions nous trouver au milieu d’une immense forêt tellement la masse des arbres est compacte autour de nous.
Sur notre gauche, un grand étang borde la route. Nous y faisons halte et découvrons qu’il se nomme : Grand-Etang. Difficile de ne pas rire, mais je n’oublie pas nos cafés de la gare ou café de la poste dans la plupart des villes de France…
Lac en Gaspésie photo P Nicolas

La route 132 rejoint la côte avant Saint-Yvon puis s’en éloigne encore et y revient à l’entrée du village suivant puisqu'elle dessert tous les petits ports côtiers. L’un d’entre eux, Grande-Vallée, apparait au bout d’une ligne droite. La particularité de ce village est que son église soit construite, dans la baie, sur un énorme rocher. 
Village Grand Vallée Golf du Saint-Laurent photo P Nicolas

Le meilleur point de vue se situe de l’autre côté de la baie. Sous cet angle, le rocher semble détaché du littoral. Est-il entouré d’eau lors des fortes tempêtes ?
Tandis que nous l’observons, un bus étrange ne possédant aucune vitre latérale se gare sur le parking. Il s’agit d’un camping-car de la taille d’un bus de 10 à 12 mètres de long. Très répandu aux USA, on en voit de plus en plus au Canada. Un simple permis suffit pour les conduire car leur usage est privé. En revanche, un permis spécifique sera nécessaire pour conduire un minibus scolaire, pourtant beaucoup plus court.
Camping car nord américain  photo P Nicolas

Ces maisons sur roue sont la plupart du temps conduites par des retraités voyageant plusieurs semaines d’affilée, voire plusieurs mois. Certains propriétaires de ces monstres tirent en plus, leur voiture en remorque. Celui-ci transporte juste une grosse moto, accrochée sur la face arrière. Une recherche sur ces camping-cars m’apprendra qu’ils coûtent entre 70 et 150 000 $ soit le prix d’une maison. Certains modèles haut de gamme dépassent 500 000 $.


Ayant dépassé le golfe, nous longeons l’estuaire du Saint-Laurent. De Manche-d’Épée à Marsoui, la 132 semble emprisonnée entre la muraille verticale de la montagne, immédiatement à notre gauche, et la mer à droite. 
Estuaire du Saint-Laurent  photo P Nicolas

Est-ce dû au fait que nous soyons les seuls sur la route ? Nous avons la brève sensation de pénétrer dans un goulet sans échappatoire possible. Mais qui voudrait s’échapper de tels paysages ?
Il est dix heures et toujours pas un chat sur la route. Nous nous faisons la remarque qu'un tel site, en France, serait envahi de touristes pendant l'été. Laissant la voiture, nous descendons nous dégourdir les jambes au bord de l’eau. Là aussi, la roche sédimentaire et constituée de plaques d’épaisseur variable. Alors qu’à Forillon elles semblaient s’enfoncer dans l’eau, celles-ci donnent l’impression d’en surgir.
Roches sédimentaires au bord du St Laurent  photo B Nicolas

 La couleur de la roche est également différente : grise, uniforme, elle prend la couleur de l’ardoise, une fois mouillée.
Arrivés à Sainte-Anne-des-Monts, nous avons parcouru 200 km le long de la côte nord. Cette ville se situe au carrefour de la 132 et de l’itinéraire transversal rejoignant la Baie-des-Chaleurs à travers les Appalaches. Beaucoup de vacanciers l’empruntent évitant ainsi de faire le tour complet de la péninsule. Cette route transversale permet également aux randonneurs de gagner rapidement les monts Chic-Chocs dominés par le mont Albert ou le mont Jacques-Cartier (1268 m), second plus haut sommet du Québec.

Il est midi lorsque nous faisons halte à Cap-Chat. Cette localité est connue pour son grand parc éolien le Nordais, abritant la plus grande éolienne à axe vertical au monde. Il s’agit d’un prototype de 110 m de haut, à l’arrêt car non rentable. L’observant depuis l’entrée, nous voyons bien ses longues pales repliées le long du fût.
Le Nordais photo P Nicolas

Il est 13 h 00 et le soleil cogne. Après le piquenique, nous cherchons en vain un bar ou boire un café. Plus loin, un panneau publicitaire aux couleurs vives annonce un : Café-Bar-Restaurant. Chouette ! m’exclamais-je avant de lire le reste du panneau (bar à 44 kilomètres). Après en avoir ri, nous nous demandons s’il existe, en France, un panneau annonçant un bar restaurant 44 km plus loin.
Maisons au bord du St Laurent photo B Nicolas
La montagne est derrière nous. Le relief s’est aplani et la 132 se déroule à présent au niveau du fleuve. 40 km séparent les deux rives du Saint-Laurent ; la gauche est bien sûr invisible. Des maisons sans étage, colorées, bordent la plage de graviers. Nous décidons de descendre y marcher un peu. 
St Laurent à marée basse photo P Nicolas
St Laurent à marée basse  photo P Nicolas

Le fleuve découvre un large banc rocheux en partie recouvert d’algues. Les miroirs des petites cuvettes emprisonnant l’eau nous renvoient le reflet éblouissant du soleil. Une ombre floue, sans doute celle de deux gros bateaux, se distingue à peine sur l’horizon. Tout près, des Fous de Bassan plongent depuis des hauteurs vertigineuses et ressortent de l’eau, une proie dans le bec.
St Laurent photo P Nicolas


100 m à notre gauche, quatre personnes marchent avec prudence sur les algues glissantes. Au-delà de la limite du banc rocheux, plus rien n’accroche le regard tellement la ligne d’horizon se confond avec le ciel, tellement le paysage est vaste. J’ai le plus grand mal à me persuader que ce n’est pas la mer. D’autant plus que l’odeur tiède des algues réveille des souvenirs d’enfance : nous n’avions que la rue à traverser pour jouer sur la plage et, à marée basse, fouiller sous les algues tièdes dissimulant les rochers constituait un champ d’exploration infini. Cela se passait dans l’estuaire de la Loire. Les 4 km séparant les deux rives étaient pour moi une distance colossale. Ici, la sensation éprouvée est similaire, mais la distance se multiplie par 10.  


Après avoir parcouru 400 km depuis ce matin, nous retrouvons Sainte-Flavie où les deux tronçons de la 132 se rejoignent. La boucle est bouclée. Nous suivons la section empruntée à l’aller pendant une quinzaine de kilomètres, puis bifurquons à droite en direction de Saint-Donat de Rimouski où nous sommes attendus.
Route de la Neigette St Donat de Rimouski  photo B Nicolas

Bien que le gîte soit indiqué au 120 rue de la Neigette, à Saint-Donat, cette rue n’existe pas dans le bourg. Nous nous rappelons alors qu’au Québec, le mot rue signifie aussi route. Effectivement ! Le gîte se trouve en dehors du bourg, sur la toute petite route de campagne nommée rue de la Neigette. Cadre agréable, bocage vallonné.
Gîte Entre monts et marées  photo P Nicolas

Le gîte, Entre-Monts-et-Marées, est au bord de cette route peu fréquentée. Comme souvent au Québec, il s’agit d’une maison en bois dont le rez-de-chaussée est ceinturé d’un couloir extérieur à balustrade. Ce couloir n’occupe, parfois, que deux ou trois des quatre côtés du bâtiment, c’est le cas ici.
 photo P Nicolas
Gîte Entre monts et marées photo P Nicolas

Chantal Girard, propriétaire souriante proche de la quarantaine, nous indique notre chambre, une pièce claire dont les murs, en lambris, dégagent une sensation de confort. Un vaste salon est à notre disposition. Ses murs lambrissés, peints d’une teinte bleu pastel, s’accordent parfaitement au tissu imprimé du canapé et des fauteuils. L’ambiance chaleureuse du salon donne immédiatement l’envie de s’y asseoir (ce que je ferai après souper pour écrire le déroulement de notre journée). 
Gîte Entre monts et marées  photo P Nicolas
Puis la propriétaire nous fait découvrir l’immense cuisine où nous déjeunerons demain matin. La taille de cette pièce nous étonne. 
Celle-ci n’est pas trop grande pour recevoir les skieurs en hiver, explique-t-elle en riant. Nous apprenons que des adeptes du Télémark, très développée ici sur les pentes du mont Comi se retrouvent chaque année dans ce gîte. La grande table peut accueillir une quinzaine de convives.
Nous invitant alors à nous asseoir, côté jardin dans le couloir extérieur, elle nous apporte un rafraîchissement et reste discuter un moment avec nous. C’est le premier gîte où l’on nous offre une boisson fraîche en arrivant et où l’on prend le temps de s’asseoir pour parler avec nous et faire peu connaissance.

 Le souper expédié, nous effectuons une petite promenade sur la route de la Neigette avant de nous coucher.



Semaine du 30 juillet au 5 août 2012


Lundi 31 juillet. 11e jour.
Gîte Entre-Monts-et-Marées   photo P Nicolas

Un soleil magnifique éclaire la grande cuisine du gîte ; il est 08 h 00. Le déjeuner est servi sur une petite table ronde près de la fenêtre s’ouvrant sur le couloir extérieur. Comme partout où nous sommes passés, il s’annonce délicieux. Trois bols de confitures maison sont disposés sur la nappe près de l’incontournable pichet de sirop d’érable. La lumière provenant de la fenêtre lui donne des reflets ambrés. Un verre de jus d’orange frais est servi. Le café et le thé sont prêts. La propriétaire achève la préparation d’une pâte à gaufre ; elle nous apporte une petite coupe contenant un yaourt frais recouvert d’un lit de fines céréales sur lequel sont disposés des fruits (framboises, bleuets et fraises) qu’elle vient juste de cueillir.
Gîte Entre-Monts-et-Marées   photo P Nicolas

Ainsi préparé le yaourt est délicieux. Tout en surveillant la cuisson des gaufres, Chantal Girard nous parle d'un site à découvrir tout près d'ici : la chute de la Neigette, 

« C'est à 9 km. En continuant la route de la Neigette, vous tombez sur la route du Four à chaux. Là, vous tournez à gauche et c’est à 800 m toujours sur votre gauche. Il y a un parking. La chute est peu connue, aucun aménagement touristique n’y a encore été réalisé ; le lieu a donc conservé un aspect sauvage et pittoresque. Bien sûr, son débit est moins spectaculaire en été qu’au printemps, mais ça lui donne un autre charme ».
Cette description éveille notre curiosité ; nous décidons d’y aller avant de reprendre la route. 


Ferme  photo B Nicolas
Pont photo B Nicolas

En chemin, nous avons la bonne surprise de traverser un pont couvert avant de déboucher sur la route du Four à Chaux. Nous apercevons le parking d’où part le chemin conduisant à la chute. 
Au bord du parking, noyées dans la végétation, se dissimulent les ruines d’un grand four à chaux datant du XIXe. Son état est déplorable ; dommage que rien ne soit entrepris pour le restaurer.




Le chemin de la chute est en pente douce. Une première intersection, à droite, permet d’accéder au sommet tandis que le chemin continue tout droit jusqu’à un pont. Juste avant ce pont, il faut prendre un court sentier longeant le torrent sur 200 m. Celui-ci forme un coude si accentué avant la chute que le site semble totalement isolé.
Chute de la Neigette  photo P Nicolas

Uniquement accessible par le sentier en sous-bois, cerné d’un puits de verdure, ce lieu nous enchante. Il s'en dégage une agréable sensation de quiétude, on s’y sent à l’écart du reste du monde. 

la Neigette  photo P Nicolas

Le niveau du torrent est si bas qu'il est possible de s'y aventurer sans crainte. Pieds dans l'eau, nous restons un bon moment à goûter le calme de ce lieu paisible, troublé uniquement par les chants d'oiseaux et le bruit feutré de la chute. 

Ferme bas St Laurent  photo P Nicolas

Nous avons repris la route. Adieu, splendide Gaspésie, bonjour, le Bas-Saint-Laurent

Suivant des axes secondaires, nous ne rencontrons presque personne. Cet itinéraire descend au sud vers le Parc du lac Témiscouata. Notre destination n’est, ni le parc, ni le lac, mais le village d’Auclair où existe une érablière possédant un écomusée que notre fils nous a conseillé de visiter. Nous mettrons ensuite le cap sur Québec où Jérôme nous attend en soirée.
Bas-St-Laurent  photo P Nicolas

Après Saint-Narcisse de Rimouski, nous prenons la route 232 qui passe par La Trinité des Monts et Lac-des-Aigles. Le relief est très vallonné, mais la route, une interminable ligne droite. Ici, la forêt laisse peu de place aux surfaces agricoles. 

Stockage de grumes Bas St-Laurent photo P Nicolas

En bordure de route, un vaste emplacement accueille des milliers de grumes formant des alignements d’une hauteur impressionnante. Impressionnants aussi les camions affectés à leur transport. Certains tractent deux remorques. Combien de mètres cubes ces monstres peuvent-ils transporter ?
Stockage de grumes Bas St-Laurent photo P Nicolas


Dans Auclair nous empruntons une piste rectiligne épousant le relief accidenté du terrain. Elle descend sur une courte distance avant de remonter, loin devant nous. Un trois roues avançant à vive allure dans la montée provoque un tel nuage de poussière que l’on devine à peine l’engin. L’érablière du Domaine Acer se trouve à quelques centaines de mètres dans la descente. Les produits de sa boutique sont réputés
L’écomusée raconte les origines du sirop d’érable, les procédés de récolte et de fabrication, l’évolution des matériels et des techniques. J’ignorais que seulement trois espèces d’érables fournissent du sirop et que cet arbre vient de Chine. Si même les arbres viennent de Chine !…
La boutique propose tout un choix de produits. Nous achetons du sirop et plusieurs autres produits.

Pour rattraper la 185 rejoignant Rivière-du-Loup au bord du Saint-Laurent, nous devons contourner l’interminable lac Témiscouata (40 kilomètres de long). Sa largeur n’étant que d’environ 5 kilomètres, les habitants de Notre-Dame-du-Lac qui utilisent le traversier en été passent directement en voiture sur la glace pendant l’hiver pour gagner l’autre rive.
Fleuve St-Laurent  photo P Nicolas

Plus nous approchons du Saint-Laurent, plus la circulation augmente. Nous apercevons enfin le fleuve dont la ligne sombre barre tout l’horizon. Beaucoup moins large, à présent, le relief montagneux de l’autre rive est nettement visible.
Fleuve St-Laurent  photo P Nicolas

Peu tentés par l’autoroute, nous décidons de prendre la route longeant le fleuve. Elle traverse des localités pittoresques dans lesquelles nous nous arrêtons.
St-Jean-Port-Joli  ph. B Nicolas
St-Jean-Port-Joli  ph. B Nicolas


Le paysage change ; nous traversons une zone industrielle interminable avant de franchir le fleuve par un pont métallique, face à Québec. Une fois le pont franchi, nous voulons prendre la direction de Sainte-Foix, mais la route est fermée pour travaux et une déviation nous entraîne sur un échangeur à l’opposé. Ayant bien mémorisé le plan, je bifurque juste avant l’échangeur et rattrape un peu plus loin notre itinéraire. 
Il est 19 h 00 lorsque je gare la voiture devant le domicile de notre fils. Je meurs de soif ! La solution au problème se trouve derrière nous, le magasin IGA où sodas, jus de fruits et bières sont conservés dans des espaces réfrigérés.
Munis de boissons fraîches, nous entrons chez notre fils sans oublier d’ajouter nos chaussures à la pile dans l’entrée ! Puis nous trinquons tous les trois avant d’aller restituer la voiture de location.
Après souper, nous rentrons à l’appartement de la rue d’Aiguillon et préparons notre valise pour les jours suivants. Malgré l’heure, la température est encore très élevée en ville.



Mardi 31 juillet. 12e jour.
Ville de Québec  photo B Nicolas

Le très beau temps dont nous bénéficions depuis 12 j a débuté bien avant notre arrivée. La chaleur est telle que la presse québécoise relaie l'inquiétude croissante du secteur agricole souffrant du manque d'eau. Qu'un pays possédant autant de grands lacs souffre du manque d'eau peut paraître un comble ; c'est néanmoins le cas. Ciel bleu, pas un nuage, la journée s’annonce à nouveau torride. 
En route pour Montréal !
Nous y resterons 4 j et optons pour le covoiturage. Ce mode de transport très développé au Québec présente de nombreux avantages : bien plus rapide que le bus, moins cher (15 $ par personne au lieu de 40 $ ), écologique, puisque quatre personnes utilisant un seul véhicule polluent fatalement moins. C’est aussi l’occasion de rencontrer des Québécois.
Une étudiante propose de nous emmener. Le rendez-vous est fixé à 9 h 30 devant La Pyramide, centre commercial faisant face au campus de l’Université Laval, à environ 6 km du centre-ville. Nous y allons en bus.
Québec. Avenue Laurier  photo P Nicolas

Malgré sa forme pyramidale, je trouve l’architecture du centre commercial plutôt massive. L’étudiante est pîle à l’heure. Elle est Française et son copain, Québécois. 
Sur l'autoroute, elle lui laisse rapidement le volant puis s'assoupit contre la portière. Nous parlons un peu de Montréal avec son chum qui nous confie préférer de loin la ville de Québec. La circulation sur l'A 20 est évidemment plus dense qu’en Gaspésie, mais le trafic reste extrêmement fluide. Il s'intensifie un peu à l'approche de Montréal où nous arrivons vers 12 h 30. 
Le pilote nous dépose à la station de métro Crémazie, lieu de rencontre privilégié des covoitureursNous y achetons un pass permettant de circuler plusieurs jours en métro ou en bus avec le même titre de transport.
Montréal  photo B Nicolas

Quatre lignes de métro desservent Montréal. Crémazie se situe sur la ligne 2, symbolisée par la couleur orange. Notre auberge se trouvant sur la 2, nous n’aurons aucun changement.
Je suis surpris par la taille du quai mais comprends vite pourquoi en voyant celle de la rame. 1/3 plus longue qu’une rame parisienne, elle couvre toute la longueur du quai une fois arrêtée. 
Métro de Montréal  photo P Nicolas

Si l’inauguration du métro parisien remonte à 1900, celui de Montréal est beaucoup plus récent puisque la mise en service des lignes 1 et 2 date seulement de 1966.
Nous descendons, six arrêts plus loin, à Mont-Royal, et la chaleur nous cueille brutalement en sortant. Dix minutes plus tard, nous arrivons en nage au 4133 du boulevard Saint-Laurent. Sur la porte étroite, est tracé rapidement au pinceau : Le 9 et demi C’est le nom de l’auberge.
Le 9 et demi photo B Nicolas

La porte s'ouvre sur un escalier d’une seule volée dont les marches peintes contrastent violemment avec les murs rouges et jaunes. Entrons-nous dans une boite de nuit ?... Un grand type filiforme apparaît en haut des marches :
     Bonjour ! Vous avez réservé ?
     Oui, quatre nuits.
     Ah ! Vous êtes les amis de Julien ?
     Oui, enfin, Julien est un ami de notre fils.
     Ok ! Montez, je m’appelle Greg.

Le 9 et demi photo B Nicolas

Au premier étage, salon, salle à manger et cuisine ne forment qu’une seule et même pièce. Côté cuisine, un équipement de base nous permet de préparer dîner et souper. C'est l’auberge qui fournit chaque matin le déjeuner. La cuisine communique avec un petit bureau ouvrant sur une terrasse ou nous pouvons également prendre nos repas.
La chambre se trouve au second étage. Assez grande, munie d’une large fenêtre à guillotine, elle donne sur le boulevard Saint-Laurent. De l'autre côté du boulevard, au-dessus des immeubles, j’aperçois la grande croix métallique coiffant le Mont-Royal, poumon vert de la cité. 
Sur une étagère, des livres de littérature française sont alignés et un ventilateur sur pied est posé près de la fenêtre.



Greg est très sympathique. Après nous avoir demandé ce que nous souhaitions faire durant ces quatre jours, il nous remet un plan détaillé de Montréal sur lequel il repère au fluo l’emplacement des sites retenus et note le transport le plus approprié pour s’y rendre. Il nous indique ensuite ce qui, de son point de vue, est incontournable à Montréal puis nous fournit une foule de renseignements du genre : petits commerces sympas, excellentes boulangeries, bons restaurants à des prix abordables…
 Une fois installés, nous partons à la découverte du quartier et achetons un sandwich dans une boulangerie qu’il nous a indiquée. Effectivement, le pain est excellent !
Montréal. parc Lafontaine  photo P Nicolas

Il fait si chaud que nous passons le reste de l’après-midi au parc Lafontaine. Ce parc est magnifique ! Assis ou allongés sur les pelouses, les Montréalais profitent d'un beau temps qualifié d'exceptionnel par la presse. Quelques personnes en tenue de plage bronzent sur des serviettes de bain, tandis qu’en bordure du plan d’eau, les enfants donnent à manger aux canards et goélands. Impossible de résister à l'agréable sensation de quiétude qui nous gagne.
Montréal. parc Lafontaine  photo P Nicolas

Immergés dans ce cadre de verdure, écoutant l'écoulement reposant de la fontaine au milieu du lac, nous goûtons ce moment au point de ne plus avoir envie de bouger. Quelques cyclistes traversent le parc à vitesse réduite. Certains s’arrêtent et s’allongent sur les pelouses. Un itinérant barbu, torse nu et en short, ramasse les canettes vides qu’il empile dans un sac-poubelle pour les échanger contre quelques pièces à la supérette.
Montréal. parc Lafontaine  photo P Nicolas

Quittant notre banc, nous effectuons le tour du parc et tombons sur la scène la plus improbable qui soit : des joueurs de boules ! Ils sont quatre, visages sérieux, jouant au milieu d’un cercle de curieux. Jamais je n’aurais imaginé rencontrer des boulistes en Amérique du Nord.
Montréal. photo B Nicolas

Sur le chemin du retour, nous effectuons quelques courses au dépanneur pour le souper. Les rues du quartier sont toutes à angle droit. C’est encore plus flagrant sur le plan où seule une rue, la rue Gilford, perturbe l’ordonnancement géométrique du coin. Remontant par de petites rues nous rencontrons tellement de commerces portugais que nous devons être au milieu de leur quartier. D’ailleurs, le restaurant situé en face de notre auberge est également portugais. À Montréal, les différentes communautés sont toutes regroupées. Les gays ont aussi leur quartier.

Le souper achevé, nous prenons le métro jusqu’à la station Champ de Mars, et poursuivons à pied vers le port du vieux Montréal. Visiblement, nous ne sommes pas les seuls à avoir eu cette idée ; plusieurs groupes se dirigent dans cette direction. 


Hôtel de ville photo P Nicolas

Rue Notre-Dame nous longeons les bâtiments massifs de l’hôtel de ville et de l’ancien Palais de justice. La Place Vauquelin qui les sépare se prolonge de l’autre côté de la rue par une place pavée en pente douce, la place Jacques Cartier. Une foule de touristes y stationne attendant je ne sais quoi. D’autres groupes rejoignent cet essaim compact cernée de vendeurs ambulants qui proposent sucreries et souvenirs. Nous fuyons ! 

Les rues transversales sont également noires de monde. Ne pouvant avancer, nous gagnons la première station de métro et rentrons.


Montréal. photo P Nicolas

Il fait nuit. Il fait aussi très chaud ! Cent mètres après la sortie du métro une averse subite nous prend par surprise. Nous gagnons le 9 et demi en courant mais la pluie s’arrêtant presque aussitôt, nos vêtements ne sont pas trop mouillés en arrivant.
S’il fait chaud dehors, une chaleur étouffante nous saisit en grimpant au second étage. Bien que le ventilateur soit branché en nous couchant, son courant d’air est insuffisant, il faut ouvrir la fenêtre.
À présent, c’est le trafic intense du boulevard qui nous gêne. N’ayant pas fermé l’œil à deux heures du matin, je me lève prendre une douche puis descends boire un verre d’eau à la cuisine. Les bruits provenant du boulevard sont tels que je referme la fenêtre en me couchant. Malheureusement, l’air devient vite irrespirable, je dois la rouvrir.


S’agissant d’un axe majeur, le boulevard Saint-Laurent est très fréquenté, même au milieu de la nuit. Long d’environ 11 km, il partage historiquement la ville en deux quartiers : le quartier francophone à l’est, le quartier anglophone à l’ouest. Débutant au vieux port, en bordure du fleuve, il traverse intégralement l’île sur laquelle Montréal est construite.
Montréal se trouve donc sur une île, la plus grande de l’archipel d'Hochelaga, située à la confluence du Saint-Laurent et de la rivière des Outaouais. Cette île dépasse les 55 km de long et atteint 16 km dans sa plus grande largeur. Si la ville seule de Montréal compte 1 650 000 habitants, le peuplement de l'île frôle les 2 000 000 d'habitants.



Mercredi 1er août 13e jour.

Marché couvert de Montréal. photo P Nicolas

Levés de bonne heure, nous descendons le plus discrètement possible car tous les pensionnaires dorment. Seuls à la cuisine, nous préparons notre déjeuner avec les produits mis à notre disposition. Qu’il est agréable de déjeuner sur la terrasse en respirant l’air frais matinal, quand on a subi la chaleur étouffante de la nuit ! Le ciel est couvert. C’est la première fois depuis 13 j.
photo B Nicolas

À son arrivée, Greg vient nous saluer : « Est-ce que le vieux Montréal vous a plu ?... » Nous répondons que oui, mais il y avait une telle foule. « Ah ! C’est normal, les gens attendaient le lancement du feu d’artifice. En ce moment il y a  un concours international de feux d’artifice à Montréal, les gens adorent ça. »
Comme il nous interroge sur le programme du jour, nous lui indiquons notre intention de visiter le grand marché couvert, Jean-Talon. L’idée lui paraît excellente et il nous invite à y aller à pied pour découvrir les ruelles si caractéristiques du Mîle-End.
Quartier Mile end
photo B Nicolas

Après avoir traversé le boulevard Saint-Joseph puis l’avenue Laurier, nous suivons l’avenue de l’Esplanade bordée de belles maisons. L’avenue croise une ruelle au nom étrange, rue Groll, nous nous y engageons et découvrons une série de ruelles typiquement bobo où les habitants laissent la végétation pousser sans intervenir. Nous sommes au cœur du Mîle-End. 
Av Jeanne Mance Montréal. photo P Nicolas

Cette Rue Groll, débouche sur l’avenue Jeanne Mance, face à une maison pour le moins colorée : briques rouges, toit peint en vert, escalier mauve. Oups ! Curieusement, ça ne jure pas. Remontant à droite dans cette avenue, nous rencontrons de nombreuses maisons aux escaliers extérieurs et aux fenêtres multicolores. dommage que le soleil ne soit pas de la partie.

Av Jeanne Mance photo B Nicolas

À force de flâner dans les rues du Mîle-End, nous n’avons pas vu le temps passer. le marché Talon est encore loin ! Nous terminons le trajet en bus.
Situé au centre d’une longue place rectangulaire, le marché Talon se compose d’un grand pavillon totalement fermé, et d’une galerie extérieure en « T » desservant trois galeries secondaires, parallèles au pavillon. Ces trois galeries, ouvertes sur l’extérieur, sont surmontées d’un toit plat bordé de stores en tissu coloré.
Marché Talon Montréal photo P Nicolas
Marché Talon Montréal photo P Nicolas

Entrés par le pavillon central, nous prenons un café à l’une des boutiques entourant un espace central équipé de six grandes tables de bois où les visiteurs s’assoient pour manger et boire.
Dans les galeries, je suis frappé par le très grand nombre d'exposants. Les fruits et légumes impeccablement alignés de certains comptoirs nous rappellent le marché couvert de Barcelone, la Boqueriad’autres ont ce caractère provincial si sympathique de celui du Rialto à Venise. Nous constatons une nouvelle fois que chaque marché possède une ambiance bien spécifique. 
Marché Talon Montréal photo B Nicolas

Ici, les étals proposent un certain nombre de produits conditionnés en petites portions prêtes à emporter, je n’ai pas le souvenir d’avoir vu cela ailleurs. Comme la récolte des framboises bat son plein, tous les producteurs en proposent et nous nous laissons tenter par une barquette que nous consommons sur place. La superficie du marché Talon est très importante. Ses larges allées évitent bouchons et bousculades ce qui nous incite à y flâner de longues minutes en passant d’une galerie à l’autre, revenant souvent sur nos pas. 

Il est près de midi. Nous achetons de quoi piqueniquer et prenons le métro jusqu’à la station Sherbrooke. Le soleil est de retour !
Carré St Louis photo B Nicolas

Nous piqueniquons au Carré Saint-Louis, un square ombragé tout en longueur, bordé de maisons victoriennes aux huisseries colorées. 

Je suis surpris de voir des maisons aussi cossues dans la partie francophone de la ville ; je m’attendais plus à les rencontrer dans la partie anglophone, autrefois plus riche, à l’ouest du boulevard Saint-Laurent.
Carré St Louis photo P Nicolas

Après une petite promenade dans le quartier et une halte à l’auberge pour se changer nous montons à pied du Mont-Royal. La grisaille aura peu duré, le soleil est magnifique. La rue Duluth va jusqu’au parc Jeanne Mance d’où part l'un des itinéraires du Mont Royal. Nous rencontrons pas mal de monde dans la montée ainsi que des écureuils gris, omniprésents au Québec. Il fait à nouveau très chaud. 
Ecureuil gris photo B Nicolas

Arrivés au sommet, nous débouchons sur une grande esplanade surplombant la ville à 234 mètres de haut. Le splendide panorama offert est facilement reconnaissable car tous les documents touristiques montrent des photos de Montréal vu d’ici. Alignés devant la balustrade, les touristes photographient et filment ce paysage urbain dominé par les tours de verre du quartier des finances.

Montréal. Esplanade du Mont Royal  photo P Nicolas
Montréal depuis le Mont Royal photo P Nicolas


Croix Mont Royal photo P Nicolas

Quittant l’esplanade nous allons jusqu'à la gigantesque croix métallique visible de notre chambre, allumée la nuit. De là, nous partons pour le lac des castors en suivant de larges allées bordées d’arbres puis de sculptures contemporaines.
Parc du Mont Royal  photo B Nicolas

Grosse déconvenue en arrivant ! Le nom lac des castors est trompeur, il n’y a jamais eu de castors ici. Mieux ! Le lac, en travaux, est entièrement vidé de son eau. Nous décidons de nous rendre à l’oratoire Saint-Joseph et redescendons par le Chemin de la côte des neiges. Ayant sous-estimé la distance entre le Mont-Royal et l’oratoire, nous achevons le parcours en bus.

L’oratoire Saint-Joseph est une grande basilique néoclassique surmontée de l'un des dômes les plus grands au monde après Saint-Pierre de Rome. Lieu de pèlerinage très fréquenté, on y accède par un vaste escalier de trois cents marches que certains pèlerins gravissent à genoux. Tout ici est démesuré, sensation récurrente depuis notre arrivée au Québec.
Oratoire St Joseph photo P Nicolas
Oratoire St Joseph photo P Nicolas
  
















À l'image de l'extérieur, l'intérieur de l'édifice privilégie l’aspect monumental. Ce style d'architecture me déplaît néanmoins le volume m'impressionne.
La fatigue commence à se faire sentir ; nous avons beaucoup marché ce matin et plus encore cet après-midi. Sortis de l’Oratoire, nous rejoignons le centre-ville en bus puis l’auberge en métro.

Comme la nuit précédente, et malgré le ventilateur, nous devons ouvrir la fenêtre tellement il fait chaud. Jamais je ne me serais attendu à un tel climat au Canada ! Trouver le sommeil devient difficile avec la circulation du boulevard, les conversations des passants et le chahut intermittent de jeunes fréquentant les bars branchés du quartier. Ces bruits nous parviennent avec autant de netteté que si nous dormions sur le trottoir.


Jeudi 2 août 14e jour.
Montréal. Rue Simpson photo P Nicolas

Après cette seconde nuit de sommeil en pointillé, nous démarrons un peu plus tard que d’habitude. Quittant la salle de bain, je découvre une fillette attendant sagement son tour devant la porte. Agée de cinq ou six ans, en petite culotte, sa bouille ronde et ses deux courtes couettes lui donne un air espiègle irrésistible. Derrière elle, torse nu et en caleçon, un garçon de onze-douze ans me dévisage avec sérieux. Derrière lui, également torse nu et en caleçon, le père arbore une fine moustache qui s’étire autant que son large sourire en me saluant. La trousse de toilette qu’il tient sous son bras déborde tellement que la fermeture éclair est bloquée à mi course.

Au programme ce matin : visite du mbam (Musée des Beaux-Arts de Montréal), balade dans le quartier des affaires, visite de monuments anciens. Il fait beau. Nous comptabilisons treize jours et demi de soleil sur quatorze ! Que demander de mieux sinon un peu de fraîcheur la nuit ?
Maisons victoriennes de Montréal photo B Nicolas

La sortie du métro donne sur le boulevard Maisonneuve dans le Mille Carré Doré, quartier du secteur anglophone de Montréal. Autrefois, de riches familles canadiennes d’origine écossaise vivaient ici. On voit tout de suite aux belles maisons victoriennes qu’il s’agit toujours d’un quartier aisé. 

Le boulevard Maisonneuve est l’un des deux grands axes du quartier des affaires. Grands immeubles et hautes tours de verre y côtoient une architecture ancienne.
Montréal  photo B Nicolas

Plus de la moitié des employés gouvernementaux travaillent dans ce quartier où se concentre l’essentiel de l’activité économique montréalaise. 

Arrivés au carrefour des rues Sherbrooke et du Chemin de la côte des neiges, une maison en grès rouge, probablement fin XVIIIe, attire notre attention. Bien que son style mêle plusieurs influences, elle reste très typée, "Europe du nord"
Montréal boulevaard Sherbrooke  photo B Nicolas

Long de 32 km, le boulevard Sherbrooke est parallèle au brusque détour que le Saint-Laurent effectue vers le nord en arrivant à l'île de Montréal. 

Depuis le lac Ontario, son cours suit un axe allant d’ouest en est et ce petit détour vers le nord a autrefois provoqué une confusion d’orientation dans l’esprit des gens qui n'en ont jamais tenu compte, conservant l'orientation ouest/est.
Cette confusion n’a curieusement jamais été rectifiée ; sur les plans de la ville, les avenues parallèles au Saint-Laurent conservent toutes la fausse orientation ouest/est, d’où cette vieille plaisanterie québécoise : « À Montréal, le soleil se lève au sud ! » 
Nous le vérifions facilement en remontant le boulevard Sherbrooke orienté nord/sud, dont les numéros de rue sont signalés est/ouest.



MBAM de Montréal    photo P Nicolas

Le mbam se compose de plusieurs bâtiments situés de part et d’autre du boulevard Sherbrooke. Le plus ancien, datant de 1912 s’inspire du style grec tandis que le plus récent, contemporain, est l’entrée principale du Musée. Le bâtiment orné de colonnes grecques s’élève entre deux églises : l’une, presbytérienne, de style néogothique, à gauche, l’autre de style roman, à droite.  
B. Sherbrooke photo P Nicolas

Dommage que l'élégante tour de l’édifice presbytérien, Saint Andrew et Saint Paul, soit écrasée par l’immeuble de 32 étages construit à côté. Quant à l’église de style roman bâtie en grès rouge, à droite, elle appartient depuis peu au Musée qui y a créé une salle de concert de 444 places.

B. Sherbrooke photo P Nicolas

Juste après cette église romane se dresse un immeuble cubique du XXe siècle, haut et massif, orné de créneaux et tourelles dans l’esprit châteaux forts. Cet ensemble de monuments forme un alignement de styles totalement anachronique.
Boulevard. Sherbrooke photo P Nicolas

L’accès aux collections permanentes du Musée est gratuit, seules les expositions temporaires sont payantes. 
Bien qu’importantes et variées, les collections permanentes renferment peu d’œuvres majeures ; il ne s’agit évidemment ni du Moma de New York ni d’Orsay.
En revanche, les salles consacrées aux premières nations retiennent notre attention car il s'agit de notre première rencontre avec l’art amérindien. Et nous sommes séduits ! Ces œuvres de facture très variée sont souvent de petit format, mais de grande qualité. Je vois pour la première fois des sculptures en os de baleine et admire l’habileté avec laquelle cette matière poreuse est exploitée.


Montréal quartier des affaires photo P Nicolas

Une fois sortis du Musée, nous empruntons plusieurs petites rues, photographiant quelques maisons victoriennes ainsi que les reflets d’immeubles dans les tours de verre avant de déboucher sur une grande place, long rectangle de verdure coupé en deux par le boulevard Lévesque. La première partie de cette place, le square Dorchester, occupe l’emplacement de l’ancien cimetière catholique de Montréal. L’autre partie est la Place du Canada le long de laquelle s’élève la cathédrale Marie-Reine-du-Monde au dôme recouvert de cuivre.
Montréal  place du Canada  photo B Nicolas

Contournant la cathédrale, nous gagnons la gare Centrale et descendons boire un verre dans l’un des bars de la ville souterraine. Il est treize heures et de nombreux salariés descendent des bureaux pour y dîner. Robes et costumes-cravates se mêlent aux shorts et baskets des touristes pour faire la queue devant les comptoirs de restauration rapide produisant un effet assez cocasse ; j’ai l’impression, dans un autre domaine, de retrouver le mélange de styles des édifices de la rue Sherbrooke.
Finalement, nous décidons de dîner dans la ville souterraine. Malgré le monde arpentant les lieux, les bars-restaurants sont si nombreux qu’il est aisé de trouver une table au calme. Cette section de la ville souterraine entourant la gare est immense, aussi bien en étendue qu’en hauteur.
Marie-Reine-du-Monde  photo P Nicolas

Lorsque nous ressortons, une heure plus tard, la chaleur nous assomme. Heureusement, la cathédrale Marie-Reine-du-Monde que nous souhaitons visiter est à côté. Sa façade s’orne de treize colonnes grecques, dont quatre de style corinthien. Sur la corniche, treize statues en bronze s’alignent au-dessus des treize colonnes. Les proportions et l’équilibre de l'ensemble sont remarquables. L’intérieur, en revanche, me déçoit, excepté le superbe baldaquin baroque au centre de la nef, réplique exacte du baldaquin du Bernin à Saint-Pierre de Rome. Le guide nous apprend, d’ailleurs que la cathédrale Marie-Reine-du-Monde est une réplique, au tiers, de la basilique Saint-Pierre.
cath. Marie-Reine-du-Monde
photo B Nicolas

Très bien, mais que fait ce somptueux édifice catholique chez les protestants ?... 

La réponse est peu glorieuse : après l’incendie ayant détruit la cathédrale Saint-Jacques au XIXe siècle, l’évêque d'alors choisit de construire la nouvelle cathédrale dans le quartier anglophone pour affirmer la prééminence de l’église catholique sur le culte protestant. J’ignore quelles étaient, à l'époque, les relations entre ces deux communautés, mais une telle provocation n’a sans doute pas aidé au rapprochement.


Montréal. rue Ste Catherine
photo B Nicolas

Après la visite, nous gagnons la rue Sainte-Catherine, rue commerçante très animée, beaucoup moins large que le boulevard Lévesque. Nous la suivons en direction de la Place des Festivals et découvrons, à l’angle de l’avenue McGill Collège, un bus à l’arrêt emballé comme un paquet cadeau dans un  grand tissu rose. 

Montréal. rue Ste Catherine photo P Nicolas


Montréal. rue Ste Catherine
photo P Nicolas
Montréal. rue Ste Catherine
photo P Nicolas

Un peu plus loin, nous découvrons la Christ Church CathedralEnfin une petite église ! Petite, mais superbe. Ses trois élégants portails aux pointes ouvragées s’accordent à la flèche très élancée du clocher qui se détache devant la paroi  d’une tour de verre. Une des entrées de la ville souterraine se trouve juste à côté de l’église. 







Continuant d’avancer dans la rue Sainte-Catherine nous marchons à l’ombre du trottoir de gauche tellement il fait chaud, et ce, jusqu'à une portion de rue piétonne où l’architecture environnante est résolument contemporaine. Là, un panneau annonce qu’une animation débute le lendemain pour un mois. Le lancement ayant lieu ce soir, je suppose que le bus emballé fait partie de l’animation.
Montréal. rue Ste Catherine  photo P Nicolas

Toute en longueur, la Place des Festivals possède une double rangée de jets d’eau à même le pavage piéton. Il fait si chaud que des enfants en slip ou bermuda s’y rafraîchissent sous l’œil amusé des parents. Il y a même un bébé à qui on a laissé sa couche. 
Montréal. Place des Festivals photo P Nicolas
Montréal. Place des Festivals photo P Nicolas


Au bout de la place se dresse une scène provisoire sur laquelle un groupe répète sous l’œil du public. La rue Sainte-Catherine est très longue ; arrivés à la vaste Place des Arts nous effectuons une pause dans un bar et décidons de revenir en soirée pour assister au lancement de la manifestation.


Il fait nuit, lorsque nous retrouvons l’interminable rue Sainte-Catherine. Le tronçon fermé à la circulation est envahi par le public et les musiciens qui s'y produisent nous rappellent notre fête de la musique.
Montréal. rue Ste Catherine
photo P Nicolas

Un second bus est présent, ceinturé par un énorme personnage gonflable dont les bras ondulent frénétiquement sous la pression de l’air qu’envoie un compresseur. 

Un peu plus haut dans la rue, des boissons énergisantes, non alcoolisées, sont gratuitement proposées au public. Il fait si chaud que nombreux sont ceux qui s’y arrêtent.
Montréal. rue Ste Catherine photo P Nicolas

Escortés de policiers à vélo, un petit groupe d’étudiants du Printemps érable s’est joint à la fête. Ils manifestent contre l’augmentation de plus de 70% des frais de scolarité universitaire 2012-2017.  Augmentation décidée par le gouvernement québécois que conduit Jean Charest du Parti Libéral.

La grève étudiante débutée le 13 février dernier est la plus longue que le Québec ait connue. En voyant leur petit nombre, je me demande si cela est dû à la période des vacances ou si leur mouvement s’essouffle. Ils doivent tenir encore un mois pour être sûrs de se faire entendre, les élections étant fixées au 4 septembre.
À l’heure où j’écris ces lignes, les élections sont passées. C’est le Parti Québécois qui l’a emporté et le gouvernement de Pauline Marois a annulé par décret l’augmentation des frais de scolarité universitaire.



Vendredi 3 août 15e jour.
Montréal Quartier des affaires  photo P Nicolas

Ce matin, nous achevons la visite du centre-ville entamée hier en nous concentrant sur le périmètre du vieux Montréal
La station de métro Square-Victoria où nous descendons est un peu la charnière entre le quartier des affaires et la vieille ville. Au fur et à mesure que nous remontons la rue Saint-Antoine, les hauts immeubles et les grandes tours laissent place à des constructions traditionnelles. Arrivés au Palais des Congrès, nous prenons à droite et rattrapons la rue Saint-Jacques que nous suivons jusqu’à la place d’Armes.
Montréal. place d'Armes et Basilique Notre-Dame  photo P Nicolas

Je trouve cette place d'Armes assez représentative du développement de la ville entre le XVIIIe et le XXe siècle. Si l’on respecte l’erreur d’orientation des plans de la ville, le côté sud (est) accueille la Basilique néogothique Notre-Dame, le côté nord (ouest), la magnifique Banque de Montréal,édifice néoclassique dont le dôme et la façade à colonnes grecques rappellent le Panthéon de Rome, le côté ouest (nord) un gratte-ciel Art déco, le côté est (sud) une tour, avant poste du quartier des affaires.
Banque de Montréal et tour de verre  photo P Nicolas

Montréal. place d'Armes  photo P Nicolas

Le clocher gauche de la basilique renferme un carillon, tandis que le clocher de droite abrite un bourdon de plus d’une tonne rarement utilisé. Le décor intérieur est somptueux : dorures, boiseries, vitraux… quant à l’orgue, je n’ai pas le souvenir d’en avoir vu un de cette taille.
Basilique Notre-Dame photo B Nicolas

 La visite s’effectue en compagnie d’une guide qui émaille sa présentation d’anecdotes tantôt drôles tantôt tragiques. Nous prenons plaisir à l’écouter.
Basilique Notre-Dame
photo B Nicolas

Une fois ressortis, nous descendons vers le port afin de visiter le Centred’histoire de Montréal (CHM), grand bâtiment en brique datant de 1903 qui servait auparavant de caserne de pompiers. Ce Musée présente l’histoire de la ville du XVIIe à nos jours. 
À l’étage supérieur, une expo temporaire construite autour de photos et de témoignages enregistrés nous apprend comment des quartiers entiers de la ville  ont été rasés entre 1950 et 1975. La raison officielle était leur insalubrité, mais il y avait aussi la volonté politique de donner une image idéale de la ville aux visiteurs pour l’exposition universelle en 1967, puis pour les Jeux olympiques de 1976. Les témoignages audio donnent la parole aux habitants traumatisés d’avoir perdu toute trace de leur lieu de naissance, et aux anciens ingénieurs de la ville, architectes, urbanistes. Chacun donne sa vision de la destruction des quartiers. Cette expo donnant la parole aux protagonistes sans porter de jugement est très intéressante.
Montréal  Marché Bonsecours  photo P Nicolas

Nous piqueniquons au port, avant de visiter le Marché Bonsecours. Long bâtiment de 163 mètres, il a eu de multiples fonctions depuis sa construction et abrite, aujourd’hui, une galerie commerciale réunissant des boutiques d’artisanat. Nombreuses sont celles qui proposent des créations amérindiennes. L’endroit est idéal pour dénicher un cadeau original à ramener en France.
Port de Montréal photo P Nicolas


Après un petit tour sur le port nous reprenons le métro jusqu’au Stade olympique. Bien que les plans le situent à la périphérie immédiate du centre-ville, il n’est pas du tout intégré à la cité. Construit dans un espace indéterminé entre ville et banlieue, il est à l’écart !


Montréal Stade olympique photo P Nicolas

Cette étrangeté mise à part, nous sommes séduits par l’architecture du stade, son équilibre, son originalité. L’architecte qui l’a conçu est le français Roger Taillibert qui a réalisé, entre autres, le Parc des Princes. Au stade olympique de Montréal, il a créé la plus haute tour inclinée du monde et s’est inspiré de la forme d’un casque de coureur cycliste pour la coque de béton de l’édifice. Nous en faisons le tour afin de l’admirer sous tous les angles et prenons de nombreuses photos. Je suis enthousiasmé par la prouesse technique et l’esthétique de cette réalisation.

Nous soupons dans l’un des restaurants portugais que l’aubergiste, Greg, nous a conseillés où l’on mange d’excellentes grillades au feu de bois. Il s’agit du restaurant Chez Doval, rue Marie-Anne Est, tout près de l’auberge. Heureusement que Greg nous avait avertis de réserver, car la salle est pleine lorsque nous y arrivons ; deux couples attendent dans l’entrée qu’une table se libère. Excellent souper pour un coût abordable.



Samedi 4 août 16e jour.
Québec Château Frontenac  photo P Nicolas

Après ces 4 j. passés à Montréal, nous rentrons à Québec en covoiturage. Le jeune homme qui nous a donné rendez-vous à 09 h30, station Crémazie, emmène aussi une étudiante. Elle se rend à un mariage, tandis que lui va dans sa famille.
Il nous dépose 3 h plus tard à Québec devant un arrêt de bus du boulevard Laurier. Cette ligne desservant le centre-ville, nous arrivons quelques minutes plus tard à Lévesque/Cartier. Là, agréable surprise, trois musiciens et un chanteur d'opéra se produisent en plein air sur le plateau d'un véhicule faisant office de scène.
Écouter de l’opéra à l’arrêt de bus d’un boulevard très fréquenté est assez inattendu, mais le public ne paraît pas surpris. La camionnette servant de scène est une idée ingénieuse ; elle permet au groupe de se déplacer rapidement et de se produire en divers lieux de la ville.
Québec. Place d'Armes photo B Nicolas

Arrivés chez notre fils, celui-ci nous apprend que depuis deux ans se déroule en été le Festival Opéra de QuébecDans ce cadre et sous le slogan, "l’Opéra vient à vous", le Brigade Lyrique (la relève des grands chanteurs en quelque sorte) se produit gratuitement en ville. Programmé du 25 juillet au 5 août, le festival s’achève malheureusement demain.
Jérôme nous consacre son après-midi ; il propose de nous guider dans le vieux Québec, de nous faire découvrir certaines rues pittoresques, certains bars sympas, et de souper ensuite dans un restaurant de la vieille ville.
Juste avant le vieux Québec, la rue Saint-Jean croise la très large avenue Mercier. Il fait si chaud qu’en attendant de pouvoir traverser nous apprécions le courant d’air frais du carrefour. Jérôme nous confie qu’en plein hiver ce carrefour est absolument glacial. De l'autre côté de l'avenue, la rue Saint-Jean conduit à la place d'Youville au  bout de laquelle se dressent les fortifications du vieux Québec. En équilibre sur leur skate, des ados dévalent bruyamment les marches accédant au Palais Montcalm, Salle de spectacle au style Art déco.
Québec. place d'Youville vue depuis les fortificattions
photo P Nicolas
Québec. "Les Muses" place d'Youville  photo P Nicolas

Sur l’esplanade, une sculpture en bronze un peu dans le style de Rodin campe des silhouettes féminines. Deux se tiennent debout et quatre assises. Intitulée, Les Muses, cette sculpture est l’œuvre du québécois Alfred Laliberté.
Je suis frappé par la différence existant entre la ville moderne et le vieux Québec. La partie moderne étant très étendue avec de larges avenues et espaces verts, la population s’y trouve relativement éparpillée, ce qui explique que nous croisions si peu de monde dans les rues. L’habitat du vieux Québec, en revanche, est très compact, et à cette époque de l’année de nombreux touristes envahissent ses rues étroites. 
Vieux Québec  photo P Nicolas

Si cette situation se retrouve dans de nombreuses villes à travers le monde, l’écart ici est frappant. Nous n’avons pas constaté un tel écart à Montréal, hormis le soir du feu d’artifice.

Jérôme nous entraîne à gauche dans la rue Couillard, une rue plus calme où il connait un bar sympa, le Temporel. Par cette chaleur, il me conseille une boisson pétillante locale à base de canneberge (version canadienne de notre airelle). Cette boisson est très rafraichissante, j’ai beaucoup apprécié.
Québec. rue des Remparts  photo P Nicolas

Après cette pause, nous empruntons la rue des remparts où des canons, tantôt isolés, tantôt regroupés, gueule tournée vers le fleuve, jalonnent la montée vers la position stratégique du promontoire. Culminant à 98 mètres au-dessus du Saint-Laurent, cet éperon permet de surveiller une vaste zone en amont et en aval du fleuve. C’est là qu’ont été construits le château et la citadelle.
Lorsque nous y arrivons, une foule de touristes y déambule admirant le très impressionnant château Frontenac construit en 1893 par la compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique. (On retrouve un peu partout au Québec ce style nommé, château, directement inspiré des châteaux français et propre à la province canadienne du Québec). Bien qu’il soit transformé en luxueux hôtel, le château Frontenac se visite.
Québec. Château Frontenac  photo P Nicolas

Parmi les nombreuses animations se déroulant chaque été dans le vieux Québec les fêtes de la nouvelle France, créées il y a 17 ans pour célébrer l’arrivée en Amérique des premiers Européens, remportent un vif succès. Elles se déroulent pendant 5 j. et constituent un événement incontournable. Pour l’occasion, beaucoup de Québécois se fabriquent un costume d’époque (XVIIe – XVIIIe).

Personnes seules, couples, toute une famille parfois déambule costumé. Certains costumes sont magnifiques et l'on mesure aisément le travail qu'ils ont demandé. Après avoir croisé l'une de ses amies  costumée, notre fils nous apprend que plusieurs de ses collègues informaticiens consacrent beaucoup de temps à la création de leur costume soit pour participer aux spectacles des fêtes de la Nouvelle France, soit simplement pour se promener, aller au restaurant en tenue d'époque. J'aime bien l'esprit de cette initiative plus festive qu'identitaire, et pas du tout nostalgique. 

Dans le même temps, je trouve paradoxal de passer autant de temps à se fabriquer un costume sur mesure pour une fête annuelle et se vêtir de prêt à porter au quotidien. Forts de l'expérience acquise, certains Québécois se fabriquent-ils d'autres vêtements ?
"Fêtes de la Nouvelle France"
Québec. photo B Nicolas



"Fêtes de la Nouvelle France"
Québec. photo B Nicolas
























La plus vieille maison de Québec photo P Nicolas

Nous quittons le promontoire du château par la rue Saint-Louis dans laquelle une maison au toit à lucarnes, rouge vif, retient notre attention. Jérôme nous apprend qu’il s’agit de la maison la plus ancienne de Québec. Arrivés à la porte Saint-Louis, nous grimpons sur les fortifications où une promenade est aménagée. 
Remparts du vieux Québec  photo P Nicolas
Remparts du vieux Québec
photo P Nicolas
Remparts du vieux Québec
photo P Nicolas

















Les remparts offrent un point de vue intéressant tantôt sur la vieille ville, tantôt sur la ville moderne. Arrivés au bout, nous descendons au port et visitons la gare de Québec construite, elle aussi, au début du XXe siècle dans le plus pur style, château, par la société de chemin de fer du Québec. 

Gare de Québec  photo P Nicolas
Gare de Québec  photo P Nicolas

















Si l'extérieur est monumental, cela s'atténue dans le hall grâce aux grandes verrières à vitraux et à la riche décoration mêlant brique, marbre et mosaïque. J'plus l'impression d'arpenter une galerie commerçante qu'un hall de gare. Ce bâtiment est classé au Patimoine du Québec.

Remontés dans la vieille ville, Jérôme nous emmène dîner rue Saint-Ursule au Petit coin latin. Une agréable cour intérieure, aménagée en terrasse, permet de souper au calme en plein air. La carte propose des plats classiques et d’autres plus typiques comme la tourtière de caribou.
Après souper, nous rejoignons le port pour assister à un spectacle audiovisuel panoramique projeté sur la longue façade que forme l’alignement des silos. Intitulé Le moulin à images, ce spectacle gratuit retrace l'histoire du Québec et son développement en exploitant les effets que permet cet alignement de cellules en béton. Le spectacle est très bien conçu et, chose rare, sans longueur ! 
Silos du port de Québec photo B Nicolas

Sur le chemin du retour, Jérôme nous emmène rue Dorchester à La Korrigane, une brasserie qu’il fréquente régulièrement. La vaste arrière-salle est mise à la disposition d’un groupe de danseurs adeptes du swing dont il fait partie.



Dimanche 5 août 17e jour.
Vieux Québec et Saint-Laurent  photo P Nicolas

Tout est calme. Si calme que je ne rencontre pas un chat en allant acheter des croissants rue Saint-Jean. Il fait déjà chaud et je ne perçois aucun souffle d’air en marchant. Il n'y a pas plus de monde dans la boulangerie que dans la rue ; les croissants sont chauds.
Sur le chemin du retour, je croise enfin quelqu’un. Un jeune couple chargé de sacs à dos. Lui est coiffé d’un chapeau blanc de type Panama et avance au même rythme que sa compagne. Elle a la main gauche agrippée à sa bretelle de sac à dos, tandis que son bras droit, tendu en arrière, tire une valise cabine. S’enroulant autour de cet avant-bras, un tatouage compliqué rappelant des entrelacs de lianes lui remonte jusqu’au coude. Un parfum de toilette me parvient en les croisant, mais impossible de dire auquel il appartient.
Rue de Québec photo B Nicolas

Nous sommes invités à un brunch chez la compagne québécoise de notre fils. Son appartement n’étant pas très éloigné, nous nous y rendons à pied. Émilie habite au premier étage d’un immeuble en brique et le balcon où elle nous fait asseoir donne sur un espace vert.


St Laurent vu des Plaines d'Abraham
photo P Nicolas

Après ce brunch aussi bien préparé que les déjeuners de Gaspésie, nous partons tous les quatre vers la vieille ville en passant par les plaines d’Abraham

Lieu chargé d'histoire, ce long espace vert surplombant le Saint-Laurent vient buter contre les fortifications de la citadelle à l'endroit le plus élevé du promontoire. A cet endroit, le panorama sur le fleuve est magnifique. Un escalier rejoint la longue promenade en plancher de bois conduisant à l'esplanade du château Frontenac. Cette promenade est superbe, le temps idéal, le Nikon crépite.

Québec Promenade de la Citadelle au château Frontenac
photo P Nicolas

Dans le vaste hall d’entrée du Musée de la civilisation sont exposés les restes d’une chaloupe française du XVIIe siècle. Comme son nom l’indique, le Musée cible l’histoire des civilisations, la sociologie l’ethnologie. Les trois expositions permanentes le confirment : Le temps des Québécois, qui rappelle comment s’est construit le pays, Nous les premières nations présentant les divers peuples amérindiens, et l’expo, Territoires, qui propose aux visiteurs une découverte tous azimuts du Québec.
La matinée étant déjà bien avancée, nous choisissons une exposition temporaire en visite guidée, la fameuse exposition Samouraï que nous n’avions pas vue en 2011, lors de son passage au Quai Branly. La prestation du guide a été remarquable. Vu l’heure nous décidons de dîner sur place à la cafétéria.

C’est aujourd’hui que se clôture le festival d’opéra de Québec. Voyant une troupe répéter sous un chapiteau en plein air, nous nous installons dans les gradins et suivons la répétition. Les deux chanteurs ont une voix puissante, majestueuse. Aucun des deux ne semble peiner. J’imagine aisément le travail colossal qu’il doit y avoir en amont pour donner une telle illusion de facilité.
Chapiteau Festival opéra de Québec
photo P Nicolas

Le temps s’est brusquement couvert. Le vent se lève et une rafale secoue la structure de la scène emportant les partitions des musiciens. Un coin de bâche se détache et claque de façon inquiétante. Les musiciens  jettent des regards inquiets autour d’eux. Comme il se met à pleuvoir, nous nous réfugions sous les bâches d'une galerie temporaire où des artisans d'art exposent leurs travaux. Ils se mettent à plusieurs pour refermer la partie des bâches ouverte sur l'extérieur pour limiter la prise au vent et y arrivent non sans mal.
Le vent fait place à une pluie violente frappant si fort les bâches que l’on ne s’entend plus parler. Je trouve la qualité des produits exposés très moyenne à l’exception d’un stand où un artisan travaillant le bois propose des objets utilitaires et décoratifs à l’esthétique extrêmement soignée.

La pluie s’arrête enfin, mais le ciel incertain nous incite à dîner dans la basse ville. Jérôme nous fait découvrir un restaurant de la rue Saint-Paul, Le Buffet de l’antiquaire qui sert des plats québécois traditionnels comme les boules de viande accompagnée de sauces diverses ou le Cipaille, plat traditionnel de Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent alternant six couches de pâte et de viande. La qualité du Cipaille (ou six pâtes) réside essentiellement dans une cuisson très lente au four et son assaisonnement. Ce plat roboratif, à priori peu adapté en plein été, convient parfaitement à des touristes trempés.




Derniers jours au Québec



Lundi 6 août 18e jour
Notre journée débute par la visite de la citadelle. Bien qu’érigée au point le plus haut du promontoire, la très faible hauteur de ses bâtiments (pour éviter le tir des canons) ne peut rivaliser avec l’orgueilleux château Frontenac, tout proche. C’est pourtant la citadelle avec son plan en étoile directement inspiré des fortifications de Vauban qui doit protéger, vieille ville et château.
Malgré l’histoire mouvementée de Québec, et bien que le projet de cette citadelle remonte à 1615, sa construction ne date que de 1820. Elle n’a donc jamais défendu la ville !
Québec. La Citadelle  photo P Nicolas

Aujourd’hui, la citadelle abrite une caserne et le Palais du gouverneur, représentant de l’état canadien au Québec. Sur la vaste esplanade centrale se déroule la relève de la garde qui attire une foule de curieux. Exécutée par une quarantaine de soldats en costume britannique, cette chorégraphie suit pendant près d’une heure un déroulement complexe, anachronique, assez déroutant. L’absurdité que ce spectacle atteint en pérennisant un rituel aujourd’hui vide de sens me laisse perplexe.
Relève de la garde à la Citadelle de Québec  photo P Nicolas

Relève de la garde à la Citadelle de Québec
photo P Nicolas


Nous nous promenons ensuite sur le périmètre en étoile de l’enceinte et visitons quelques bâtiments ouverts au public. Ce qui nous intéresse en fait, c’est la visite le palais du Gouverneur, mais cela n’est possible qu’en début d’après-midi.
Alors que la foule se pressait en matinée à la relève de la garde, nous sommes les seuls inscrits pour la visite du palais, l’après-midi. 
Québec vu depuis la Citadelle  photo B Nicolas

L’étudiant effectuant la visite prend donc tout son temps pour répondre à nos questions. Voyant que les œuvres d’art contemporain installées ici et là nous intéressent il s’attarde à chacune, évoquant brièvement leur auteur. Il nous apprend ensuite que l’initiative en revient au gouverneur, lequel se trouve justement sur place aujourd’hui, ce qui n’est pas fréquent.
Sans doute est-ce la raison pour laquelle il doit sans cesse demander à un huissier d' ouvrir les pièces à visiter. L’huissier attend à l’entrée, puis la referme à clé dès que nous ressortons. Il hésite à nous laisser entrer dans une petite pièce, car des personnes accompagnant le gouverneur travaillent à proximité. Finalement, il accepte puisque nous ne sommes que trois, mais invite le guide à parler bas pour ne pas les déranger.
Une fois à l'intérieur, l’étudiant nous dévoile plusieurs documents anciens. Qu'il parle à voix basse en nous montrant une très vieille carte de Québec donne à la scène une touche amusante de mystère et de complot.
En fin de visite, nous pénétrons dans un grand salon dont la terrasse, située au point culminant du promontoire, offre aux visiteurs la plus belle vue de Québec sur le Saint-Laurent.
Québec. Le Saint-Laurent vu depuis la Citadelle  photo P Nicolas

Au plafond du salon est installé un élégant système d’éclairage composé de fines plaques légèrement ondulées, en verre ou en cristal. Il s’agit d’une des créations contemporaines introduites au palais par le gouverneur et la succession des ondulations du verre évoque les marées sur le Saint-Laurent.
La visite nous a beaucoup plu. Disposer d’un guide pour deux personnes c'était royal !
Québec la Citadelle  photo P Nicolas

Jérôme nous a donné rendez-vous à un arrêt de bus du grand Boulevard Laurier, hors du centre-ville. Lorsque nous descendons du bus, Émilie vient d’arriver avec sa voiture, Jérôme arrive peu après. Émilie nous emmène dîner chez sa mère à environ trente minutes au sud-est de Québec. En chemin, nous nous arrêtons au bord de la rivière Chaudière et allons à pied jusqu’à une très large chute d’eau qui doit être  impressionnante en hiver et au printemps.
Nous sommes particulièrement bien reçus chez la mère d’Émilie. Elle habite un grand pavillon, possède un jardin en bordure d'une zone boisée qui offre un vaste cadre de verdure. Côté jardin, un escalier en bois accède à la terrasse qui communique avec le séjour et la cuisine de l’étage. Prendre un verre sur cette terrasse est très agréable.
Nous allumons un barbecue et faisons griller des pavés de saumon. La mère d’Émilie connait bien la France ; elle est venue à plusieurs reprises y faire du cyclotourisme. Avant le dessert, un plateau de fromages avec camembert nous est proposé. Un gâteau maison recouvert d’un nappage au sirop d’érable clôture ce sympathique repas.



Mardi 7 août 19e jour.
Porte du vieux Québec


Levés tôt, nous partons en direction de la vieille ville où nous arrivons vers 8 h 00. Le fait qu'il y ait très peu de monde dehors produit une ambiance radicalement différente de celle du week-end avec les fêtes de la Nouvelle France. Marchant dans les ruelles vides, nous examinons tranquillement l’architecture des vieilles maisons et passons la matinée à déambuler dans les ruelles.
Vieux Québec  photo B Nicolas
Vieux Québec  photo B Nicolas

Descendus presque au niveau du port, nous empruntons une rue pittoresque, la rue sous le Cap enjambée et bordée de nombreux escaliers de bois. La lumière du soleil filtrée par les balustrades des passerelles et escaliers multiplie leur rythme graphique sur le sol et les murs.
Vieux Québec rue sous le Cap
photo B Nicolas





Vieux Québec rue sous le Cap photo B Nicolas





Vieux Québec rue sous le Cap photo B Nicolas

Sur le port, un marché propose des produits alimentaires fermiers de la région. Nous y achetons de quoi piqueniquer puis allons au Parc de l’Amérique Latine où nous trouvons une table disponible, à l’ombre. Le parc est situé en bordure de la rivière Saint-Charles qui se jette dans le Saint-Laurent au niveau du port. Il fait très chaud. Plusieurs personnes dînent seules ou en groupe aux différentes tables.
Québec bords de la rivière St Charles  photo B Nicolas



ensuite, nous allons au Musée de la civilisation visiter les expositions permanentes que nous n’avions pas eu le temps de voir et choisissons l’expo amérindienne, Nous les Premières Nations. La jeune fille pilotant notre groupe est passionnée par son sujet. Elle nous explique les particularités identitaires des onze nations amérindiennes qui vivaient depuis des milliers d’années sur ces territoires avant l’arrivée des Européens. Elle décrit leur organisation sociale, la structure de leur habitat, leurs coutumes et croyances, s’aidant des objets exposés en vitrines pour illustrer son propos.
Nous ressortons enchantés, mais épuisés d’avoir piétiné pendant deux heures autour des vitrines du Musée. Nous n’aspirons qu’à une chose : nous asseoir ! Le siège banal du bar où nous entrons me paraît d’un confort inouï !
Port de Québec  photo B Nicolas

Nous achevons de délasser nos jambes sur un banc en bordure du port. Près de nous deux jeunes pèchent jambes pendant au-dessus de l’eau, totalement indifférents à la forte chaleur.



Mercredi 8 août 20e jour
Québec  photo P Nicolas

Le thermomètre est déjà élevé lorsque nous quittons l’appartement pour les Plaines d’Abraham. Ce long espace vide allant de la Citadelle au Musée des Beaux-Arts porte un autre nom, parc des Champs-de-Bataille

Québec Parc des Champs de Bataille
photo P Nicolas
Québec Parc des Champs de Bataille
photo P Nicolas


















En 1759, c’est ici que les Anglais décimèrent en quelques minutes les troupes françaises sorties de la citadelle, avant de s’emparer de la ville. Cette date scella la fin de la colonie française d’Amérique, et fut entérinée en 1763 par le Traité de Paris.

Comme à Montréal, le Musée des Beaux-Arts se compose de plusieurs bâtiments. Comme à Montréal, la façade de celui d’origine possède un portique à colonnes grecques. Celles-ci, en revanche, sont ioniques. 

Musée des beaux-Arts de Québec  photo B Nicolas













Musée des Beaux-Arts de Québec
Ancienne prison photo B Nicolas


Le second bâtiment est l’ancienne prison, rattachée au Musée en 1967. Entre ces deux bâtiments d’architecture très dissemblables, un pavillon moderne avec auditorium, le grand hall, réunit les installations d’accueil et dessert les différentes parties du Musée grâce, à des couloirs intérieurs.

Du bâtiment principal je retiens principalement la salle consacrée à Riopelle dont les œuvres puissantes et originales nous ont beaucoup touchés. Si les artistes canadiens contemporains sont largement représentés, leurs œuvres sont parfois inclassables. Ceci n’est pas une critique de ma part, j’avais eu la même sensation au pavillon canadien, à la Biennale de Venise 2011, devant les œuvres décalées de Steven Shearer.





L’art amérindien occupe le 3e étage de la prison. 

Musée des Beaux-Arts de Québec
Ancienne prison photo B Nicolas

La collection est très importante, homogène, et de grande qualité. Les sculptures sont généralement petites comme celles vues à Montréal, mais leur variété est bien plus grande. Certaines sculptures saisissent les gens dans leurs activités de la vie de tous les jours, un peu comme des instantanés. Idem pour les représentations animales traitées avec le même réalisme. Certaines sculptures représentent des divinités au corps mi-humain, mi-animal. La déesse de la mer, Sedna occupe une place spéciale, on devine un profond respect des sculpteurs dans les diverses représentations de leur divinité.
Plusieurs œuvres trahissent une intention esthétique évidente allant au-delà d’une simple représentation. La démarche de leur auteur est donc artistique et je me demande comment les Amérindiens des siècles passés appréhendaient une telle notion ?
Si les sculptures sont parfois réalisées en os de baleine ou en bois de corvidés, la plupart sont en pierre. Celles réalisées en serpentines produisent les effets spectaculaires de certains marbres comme le sarancolin.


Québec. Boulv. Lévesque photo P Nicolas

Il est plus de midi lorsque nous ressortons du Musée. Notre fils nous a donné rendez-vous boulevard Lévesque dans un restaurant asiatique végétarien, le Zen. C’est à 20 bonnes minutes du Musée. Lorsque nous y arrivons, Jérôme nous attend déjà à l’intérieur. Ne connaissant pas les restaurants végétariens je n’ai aucun élément de comparaison, mais je suis agréablement surpris par la qualité de celui-ci. Les différents plats sont succulents, servis dans une vaisselle en bois laqué.

Québec. Boulv. Lévesque photo P Nicolas
Maison de Québec  photo P Nicolas
















Sur le chemin du retour, nous prenons quelques photos car les maisons en retrait, de part et d’autre du boulevard, sont toutes noyées dans la verdure. Qu’il doit être agréable de vivre avec autant d’espace !
Quittant le boulevard Lévesque par l’avenue Wolfe Montcalm (noms des deux chefs tués avec leurs hommes en 1759, lors de la bataille contre les Anglais) nous rejoignons les Plaines d’Abraham et traversons une zone plantée d’essences d’arbres diverses dont le nom est inscrit sur les troncs. Plusieurs sont absolument magnifiques. Et marcher à leur ombre est bien agréable par cette chaleur.
Québec Parc des Plaines d'Abraham photo B Nicolas

Rentrés à l’appartement, nous effectuons une pause avant de participer à un apéritif dinatoire chez notre fils en compagnie de deux de ses amies. Puis nous assistons au spectacle du Cirque du Soleil. 
Après cette journée de promenade dans Québec, je peine à rester debout toute la durée du spectacle. Est-ce la raison pour laquelle j’ai trouvé la représentation de qualité moyenne ? Sans doute un peu. Beaucoup de numéros étaient intéressants, mais la sono totalement saturée m’indisposait.



Jeudi 9 août 21e et dernier jour
Québec. Accès ferry. photo B Nicolas

Le temps est légèrement couvert lorsque nous descendons au port prendre le bac pour Lévis de l’autre côté du Saint-Laurent. La vue sur le promontoire et la vieille ville est, parait-il, très belle depuis le bateau, ainsi que du coteau de Lévis.
Ferry Quebec-Lévis  photo P Nicolas


Ferry Quebec-Lévis  photo P Nicolas
















Une fois au milieu du fleuve, le donjon de château Frontenac se détachant au-dessus de la vieille ville paraît encore plus majestueux. Le temps s’améliore un peu lorsque nous débarquons et grimpons le coteau de Lévis. Du coteau, la falaise presque verticale soutenant la citadelle confirme bien la position stratégique que représentait à l’époque ce promontoire.
Québec vu depuis Lévis  photo B Nicolas

Après avoir arpenté le coteau nous reprenons le bac et rentrons préparer nos valises, puis Jérôme nous invite une dernière fois au restaurant avant de nous déposer à l’aéroport. Il ne connait pas le restaurant en question mais en a beaucoup entendu parler. L’affaire est Ketchup.
Au premier abord, le nom n’évoque pas un haut lieu gastronomique. Il s’agit, en fait, d’une expression québécoise voulant dire : l’affaire se présente au mieux. Et c'est probablement le cas puisqu'il faut réserver pour pouvoir dîner ici !
La pièce est minuscule, toute en longueur et en deux parties. La salle de restaurant occupe la partie avant avec 5 tables, la cuisine la partie arrière. Une fois ses élèves assis la maîtresse d’école tape dans ses mains pour attirer l’attention puis saisit très grande ardoise qu’elle cale sur ses chaussures avant de décrire le menu en pointant chaque ligne de son doigt. Sa gaieté est contagieuse, elle établit immédiatement une ambiance familiale avec ses clients. Le cadre est on ne plus simple, mais la cuisine succulente ! Un restaurant proposant des plats d’une telle finesse vaut bien une étoile au Michelin.


Appartement de Québec rue D'aiguillon

De retour à l’appartement, nous bouclons nos bagages tandis que Jérôme va chercher une voiture au parc Communauto le plus proche. Il revient rapidement et nous partons pour l'aérogare où il  nous dépose vers 16 h 00. L'avion part dans 2 h 00.

Nous dormons peu durant le voyage. Le soleil se lève, nous sommes le vendredi 10 août et la journée s’annonce belle. L'avion  se pose à 07 h 20, heure de Paris, sur l’aéroport de Roissy. 
Ayant récupéré notre voiture nous retrouvons immédiatement ces espaces urbanisés, cette circulation intense oubliée pendant trois semaines. Bien que nous connaissions parfaitement l’itinéraire, nous sommes abrutis par le trafic en arrivant à notre domicile. Rouler au Québec était si paisible !
Après ces trois semaines de voyage et de rencontres, nous comprenons mieux le puissant attrait qu'opère le Québec sur tant de Français.




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