jeudi 12 juillet 2012

"Rien ne s’oppose à la nuit"

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 Un roman de Delphine de Vigan aux Editions Latès


Rien ne s'oppose à la nuit est un livre à la fois palpitant et bouleversant.
Tout d’abord j’apprécie l’élégance de l’écriture, de la construction des phrases, qui donnent une grande fluidité au texte. J’apprécie également le doute exprimé par Delphine de Vigan au moment de se lancer dans l’écriture d’un livre racontant l’histoire de Lucile, sa mère, l’exercice ayant déjà été réalisé avec brio par tant d’autres.
J’aime cette façon qu’elle a de se raconter elle-même, discrètement, parallèlement à l’histoire de Lucile, aînée d’une impressionnante fratrie.

Nous découvrons un cadre familial enviable puis, les uns après les autres, ces non-dits, ces silences, qui détruiront tout. On en vient, alors, à se demander comment une famille en apparence si normale a pu favoriser de tels drames ? Bien que terrible, cette histoire n’en demeure pas moins passionnante et pleine de rebondissements.

Je suis frappé de voir les précautions prises par Delphine de Vigan au moment d’évoquer les sujets délicats, ceux susceptibles de blesser des membres de sa famille. Elle insiste page 253 : « Telles que j’écris ces phrases, telles que je les juxtapose, je donne à voir ma vérité. Elle n’appartient qu’à moi »

Delphine de Vigan a entrepris quelque chose de difficile en élaborant ce livre. Le résultat est à la hauteur de l’effort ; un ouvrage délicat et poignant.



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mardi 12 juin 2012

Tangente vers l’est De Maylis de Kerangal (Éd. Verticales)

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Rencontrée à l’occasion d’une lecture d’extraits de son livre au château de Chambord, Maylis de Keranval indiquait avoir été invitée à prendre le Transsibérien en compagnie d’un groupe d’écrivain français. Chacun devait produire ensuite un texte destiné à la radio (France Culture, je crois) Le texte devait donc être relativement court pour correspondre à une plage d’environ 20 minutes d’antenne.


On monte dans le mythique transsibérien avec fébrilité ; on est saisi d’excitation à l’idée de traverser les grands espaces sibériens, de parcourir cette succession infinie de steppe, de toundra, de taïga, débouchant sur un espace plus vaste encore, le pacifique.
Voilà l’image familière véhiculée depuis des décennies par des voyageurs de première classe.

Maylis de Keranval nous fait entendre un autre ton. Elle nous embarque dans le Transsibérien tantôt en troisième classe, tantôt en première classe avec deux voyageurs en fuite.
L’un, jeune conscrit monte dans le wagon, la peur au ventre. N’ayant ni petite amie enceinte de 6 mois, ni la somme nécessaire pour corrompre un fonctionnaire il ne peut échapper au service militaire, encore moins au bizutage dangereux et traumatisant que subit chaque conscrit à son arrivée. Comment s’évader du train ?

Elle, une Française à la dérive, a pris le train en marche. Elle fuit son amant et veut regagner Paris mais se dirige à l’opposé vers Vladivostok ! Bien qu’elle soit en première classe et lui en troisième avec des dizaines d’autres conscrits, ils vont se rencontrer. Bien qu’elle ne parle pas russe et qu’il ne parle pas français, ils vont se comprendre et s’entraider à fuir.


Le rythme du roman m’a séduit autant que le style percutant. On y pénètre comme on grimpe dans le train et on ne repose le livre qu’une fois le convoi en gare. Absolument superbe !




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vendredi 16 mars 2012

Limonov de Emmanuel Carrère (éditions P.O.L)

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La lecture de ce livre d’aventures m’a à la fois passionné et troublé. Emmanuel Carrère y retrace le parcours, très légèrement romancé, d’un personnage invraisemblable, mais bien réel, Limonov, depuis son enfance à la fin de la Seconde Guerre mondiale, jusqu’à nos jours.

Enfant, Limonov a décidé, qu’il serait un héros. Ce serait lui le chef. Il a couru toute sa vie après ce rêve, saisissant chaque opportunité pour le réaliser : en Russie, aux États unis, en France, dans les Balkans, à nouveau en Russie à son retour. Il a aussi écrit ne nombreux livres autobiographiques.

À soixante-neuf ans, Limonov court toujours. Il s’est présenté aux élections présidentielles de Mars, contre Poutine, estimant être le seul à en avoir la carrure.

Dans son livre, Carrère dépeint un homme terriblement ambigu mais honnête. Il est tenace, aventureux, suffisamment charismatique pour réunir des jeunes au sein de partis extrémistes. Le nom du dernier, L’autre Russie est une réponse à celui de Poutine Russie Unie.

Pauvreté, prison, échecs affectifs et politiques, rien ne peut entamer la cuirasse de Limonov ; il rebondit toujours.
Comment expliquer pareille quête chez cet homme, si ce n’est le narcissisme absolu du personnage, que l’on retrouve tout au long du récit de Carrère.




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